Série onirique

Les adaptations de romans graphiques au cinéma, on connaît. La plupart du temps, cela donne de très bons résultats comme pour Sin City (2005), V pour Vendetta (2006) ou encore 300 (2007). En cette année 2022, Allan Heinberg créé l’adaptation de la série graphique Sandman, écrite par Neil Gaiman, déjà à la création d’œuvres littéraires comme Good Omens, American Gods ou Coraline. Donc, en matière d’univers bien construits et de personnages rodés, le bonhomme connaît son taf’ ! Mais est-ce que cette adaptation, sortie sur Netflix, va être tout aussi bonne ? Le monde des rêves pourrait-il être accessible ? File-t-on en plein cauchemar ? Pour le savoir, on pose délicatement sa tête sur son oreiller et on se lance dans la critique !

En 1916, Morpheus, le Roi des rêves, se retrouve emprisonné dans le sous-sol d’une maison anglaise par un occultiste. Près de 106 ans plus tard, il est enfin libéré, mais son absence a causé bien des dégâts dans le monde des rêves, influençant également notre monde éveillé. Il va alors tenter de remettre de l’ordre dans tout cela en prenant soin de récupérer également les cauchemars qui se sont évadés du monde des rêves durant son absence forcée.

La parution initiale des romans graphiques s’est faite entre 1989 et 1996, avec plusieurs nouveaux épisodes par la suite. Neil Gaiman s’étant fortement impliqué dans le projet de l’adaptation, on peut donc s’attendre à une relecture assez fidèle du matériau d’origine. Une excellente chose pour tous les fans de la version papier, celle-ci pouvant se vanter d’avoir remporté plusieurs prix, notamment le World Fantasy, et s’être retrouvée dans la liste des best-sellers du New York Times. Pas de comparaison entre les deux versions dans cette critique ; concentrons-nous sur ce que nous propose la série sur Netflix.

Ce qui fait tout d’abord le succès de la série, ce sont ses personnages. En tête de liste, Rêve, alias Morpheus, alias le Marchand de sable (Tom Sturridge), tient son rôle avec un flegme et une intelligence nous permettant d’apprécier chaque moment à l’écran. Faisant partie des Infinis (des êtres immortels personnifiant les concepts de l’humanité comme le destin, le désir ou la mort), il se fait emprisonner pendant plus d’un siècle par un occultiste avide de pouvoir et de richesse. Nous tenons-là le premier épisode de la série.

Bien que Rêve n’y soit pas trop bavard, on constate très vite que les nombreux personnages secondaires et les histoires s’y reliant vont donner une consistance extrêmement savoureuse au reste de la série. Chaque épisode nous gratifie alors de protagonistes attachants, inquiétants ou passionnants, nous plongeant dans un cadre onirique structuré et complexe comme il ferait plaisir d’en voir plus souvent.

C’est donc au fil des épisodes, durant lesquels Rêve cherche à reconstruire son royaume et récupérer ses artefacts, que nous découvrons tous les autres protagonistes ; le Corinthien (Boyd Holbrook), un cauchemar tueur en série ; Matthew (Patton Oswalt), le corbeau compagnon de route de Rêve ; Rose (Vanesu Samunyai), une jeune femme possédant un grand pouvoir ; Jed (Eddie Karanja), son petit frère ; Lyta (Razane Jammal), une amie de Rose souhaitant vivre à jamais dans un rêve avec son défunt mari ; Désir (Mason Alexander), le petit frère de Rêve ; Unity (Sandra James-Young), une femme frappée par la maladie du sommeil qui se réveille au moment de la libération de Rêve ; et John Dee (David Thewlis), un homme dérangé utilisant le rubis de Rêve pour « changer le monde ».

Et là, je ne présente que les personnages principaux ! On peut également citer ; Johanna Constantine (Jenna Coleman), ancêtre de John Constantine et amie de Rêve ; Gilbert (Stephen Fry), un féru de littérature qui s’avère être un peu plus qu’un simple humain ; Abel et Caïn (Asim Chaudhry et Sanjeev Bhaskar), les deux frangins en éternelle dispute ; ou encore Lucifer (Gwendoline Christie), patronne des enfers et détentrice d’un bien appartenant à Rêve.

Le mieux est de découvrir les personnages durant le visionnage des épisodes tant chacun possède une personnalité et un background précis. L’étoffement est tel qu’il est rare de tomber sur l’un d’eux et de ne pas s’en souvenir par la suite. Et en matière d’antagonistes, le Corinthien ainsi que John Dee peuvent se vanter de peser lourd dans la balance, étant des menaces à ne pas prendre à la légère et suscitant des frissons à chacune de leurs apparitions.

Comme dit précédemment, la structure des épisodes est extrêmement bien construite et nous propose de découvrir des points précis de l’histoire dans chacun d’eux. Sur les dix épisodes que composent la saison (en fait onze, mais j’y reviendrai), nous avons de tout ; un voyage en enfer, une journée avec Mort ; l’histoire de la famille de Rose ; une convention de tueurs en série ; on ne s’ennuie pas une seule seconde !

Pour ma part, un des meilleurs épisodes est sans doute celui titré 24 heures, où John Dee se rend dans un restaurant et créé lentement mais sûrement un chaos sans nom, poussant les clients et le personnel, grâce à son artefact, à ne plus mentir et être totalement sincères. Un épisode maîtrisé avec une tension grandissante de minute en minute et un final lourd en questions et en conséquences.

Sandman, c’est un voyage onirique où s’entrecroise notre vision humaine et celle des Infinis. C’est une série qui aime poser des questions profondes sur la vie, la mort, les rêves, les désirs et les espoirs de chaque individu. En tant que spectateur, nous passons un magnifique moment tant visuel que scénaristique, le tout agrémenté d’une dose de philosophie globale en mettant le doigt sur des interrogations que, je suis sûr, nous avons tous. Le tout est compacté dans une mythologie propre à la série qui s’amuse à construire cet immense puzzle avec les croyances et légendes de différents horizons comme Neil Gaiman sait le faire (comme ça, au bol, American Gods).

Je parlais précédemment d’un onzième épisode. Eh bien, ça a été la surprise de Netflix ; le 19 août 2022, un nouveau segment apparaît sur la plateforme. Celui-ci est composé de deux histoires reprises des romans de Gaiman. La première, Un rêve de mille chats, est entièrement en animation et dure une quinzaine de minutes. Poignante, triste, nous poussant à la réflexion et finissant de manière intelligente, les amoureux des félins vont sans doute apprécier (ou pas, cela dépend).

La seconde partie, durant environ 45 minutes et tirée Calliope, nous dépeint l’histoire de Richard Madoc (Arthur Darvill), un romancier en perte de vitesse qui séquestre la Muse Calliope (Melissanthi Mahut), ancienne compagne de Rêve, pour la forcer à lui donner de l’inspiration. Dramatique, cette histoire apporte un complément non négligeable au vécu du Marchand de sable.

Déjà que la série était bien complète, on nous en remet une couche et l’arrivée de cet épisode n° 11 prouve qu’il y a encore beaucoup de potentiel pour une seconde saison… actuellement en cours d’écriture au cas où Netflix viendrait à la commander. Au vu de la qualité de ce qui nous est présenté, je ne dis clairement par « non » à une seconde saison (mais si possible pas dans trois ans, hein).

Sandman, c’est une série qui va très loin et qui nous propose un contenu génial. Visuellement magnifique, nous présentant des personnages complets et complexes, surfant sur une structure d’épisodes à la lecture facile et à la pertinence qui n’est plus à prouver, cette production nous apporte de la consistance et de l’intelligence dans un monde télévisuel où, parfois, on peine à retrouver des contenus qui ne nous prennent pas pour des débiles. Selon moi, une grande réussite qui vaut le visionnage et qui permet, après ce dernier, de s’en aller serein dans le monde des rêves.

Tant qu’on n’y croise pas le Corinthien, ça devrait aller.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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