Road trip cauchemardesque

Les films à sketchs, c’est la classe ; ça permet de voir plusieurs petits métrages en un seul et, dans le domaine horrifique, de découvrir parfois de magnifiques perles. En tombant par hasard sur Southbound (aussi appelé en version française 666 Road), j’ai pensé que c’était l’occasion de voir le potentiel talent de plusieurs réalisateurs. Le voyage en valait carrément la chandelle, même sur cette route maudite où cohabitent passé et futur, proies et prédateurs, humains et démons. Mais comme dans nombre de métrage à sketchs, est-ce que ça va tenir jusqu’au bout ? Y aura-t-il assez d’essence ? L’horreur peut-elle se trouver au milieu de nulle part ? Il est temps d’appuyer sur le champignon et de découvrir ces contrées oubliées où les cauchemars prennent vie. ATTENTION : cet article contient des spoilers

A noter que ce qu’il y a de franchement incroyable dans ce film, c’est la passation entre les différents segments. Dans les autres métrages à sketchs, il y a très souvent une coupure qui se fait entre les différentes partie, ce qui fait que nous, spectateurs, devons à chaque fois nous remettre dans le contexte. Ici, le passage d’un segment à l’autre se fait de manière magnifiquement naturelle, entremêlant les différentes histoires, passant d’une à l’autre avec une douceur et une maîtrise bien cossues. Le confort de lecture est donc grandement amélioré et donne une immersion plus accrue. Cela sans compter sur le présentateur radio interprété par Larry Fessenden, prêcheur des ondes omniprésent et jouant également les extra-lucides, annonçant à ses auditeurs ce qui pourrait leur arriver s’ils ne font pas les bons choix. Bravo ! 

1er segment – The Way Out – env. 13 min.

Mitch (Chad Villella) et Jack (Matt Bettinelli-Olpin)  foncent sur la route pour échapper à d’horribles créatures flottantes. En s’arrêtant dans une station service, ils ne savent pas encore que tous leurs efforts sont vains ; ces choses venues d’ailleurs ne les laisseront jamais en paix.

On démarre Southbound avec ce court segment qui nous fait un peu gratter la tête. Ce sont qui ces types ? D’où viennent-ils ? Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Y a-t-il une justification à ce qu’ils soient couverts de sang ? Ne vous inquiétez pas ; chaque question aura son lot de réponse… en temps voulu. Quoiqu’il en soit, la tension présente dans ce commencement est bien maîtrisée. Les créatures flottantes sont carrément flippantes, même si les effets visuels passent un peu outre en gros plan, sauf en ce qui concerne un décrochement de mâchoire qui fait bien mal. Ces bestioles voletant au-dessus du désert n’augurent rien de bon et on se retrouve bien dans l’ambiance, dès le début. Réalisé par Radio Silence (ayant déjà été dans le coup sur le film V/H/S pour la partie 31/10/98), ce segment met le contact pour la suite. A préciser que les deux acteurs principaux font partie du collectif Radio Silence, comprenant également Tyler Gillett.

2ème segment – Siren – env. 20 min.

Trois jeunes rockeuses, Sadie (Fabianne Therese), Ava (Hannah Marks) et Kim (Nathalie Love), se rendent à leur prochain concert. Sur la route, l’un de leur pneu explose, les laissant en rade. Heureusement, un couple (Susan Burke et Davey Johnson) passe par là et leur propose l’hospitalité le temps que les réparations se fassent. Bien que se trouvant en présence de personnes bien étranges, les jeunes filles acceptent. Elles vont alors connaître la notion toute particulière de « l’hospitalité » de leurs bienfaiteurs.

Siren n’a rien à voir avec son film éponyme. Ici, c’est une ambiance particulièrement glauque et tendue qui nous attend. Le couple salvateur est des plus bizarres ; trop poli pour être honnête, sortant tout droit de l’iconographie du rêve américain des années 50, on se doute bien qu’il va se passer quelque chose de terrible. Le repas servi est peu appétissant, la prière avant de manger met franchement mal à l’aise et la suite du métrage ne va aider en rien à nous sentir mieux. L’étrangeté de cette famille (vouant apparemment un culte à quelque dieu sombre) nous colle les miquettes et le final va clairement dans un débordement sectaire aussi prévisible que flippant. Acteurs et actrices sont dans le tir et l’impression horrible ressentie par Sadie se transmet au spectateur. Roxanne Benjamin réalise cette bonne continuation glauque et étouffante. 

3ème segment – The Accident – env. 20 min.

Lucas (Mather Zickel) est au volant pour rentrer chez lui. Il discute au téléphone avec sa femme et ne voit pas la jeune fille demandant de l’aide au milieu de la route. Il la percute violemment. Perdu au milieu de nulle part, les urgences ne parviennent pas à le localiser et lui demande de se rendre dans la ville la plus proche avec la blessée. Au milieu d’une cité totalement vide, avec un hôpital qui n’est pas plus rempli que le reste, Lucas va devoir suivre les instructions des urgentistes au téléphone pour tenter de sauver la victime.

Un monstre ! Réaliste, oppressant, terrifiant, inattendu, ce segment comporte moult aspects positifs. Mather Zickel (le Lucas de l’histoire) est pile dans le tir et nous met en situation d’empathie dès les premières secondes. On se retrouve piégé avec lui dans cet hôpital vide, en train d’essayer de sauver la vie d’une jeune femme dans un état plus que grave. Les blessures sont terribles et, disons-le carrément, ça fait mal. Je pense notamment à l’état de la jambe de la fille en arrivant aux urgences. Conduit magnifiquement par David Bruckner (déjà réalisateur de la partie Amateur Night du film V/H/S), ce segment est, pour moi, le plus réussi, de part son réalisme, son ambiance pesante et son visuel qui nous fait plisser les yeux de douleur et d’horreur. Là, on atteint la vitesse de croisière !

4ème segment – Jailbreak – env. 14 min

Danny (David Yow) est à la recherche de sa sœur depuis plusieurs années. Il débarque dans un bar, fusil au poing, sachant que sa frangine Jesse (Tipper Newton) se trouve quelque part en ville. Le barman (Matt Peters) accepte de lui montrer où elle se trouve. Mais Jesse a de terribles secrets qu’elle s’apprête à révéler à son frère.

Moins bon segment du film, la tension et l’ambiance malsaine ne sont pas vraiment présentes comme dans le reste. La scène du bar est sympathique (avec un dialogue piquant sur une histoire de fermeture de porte), mais n’envoie pas de réel dressage de poils sur le bras. Le reste du segment se confond un peu en échanges sans fondement, n’apportant pas une profondeur aux personnages. Du coup, à la fin, on s’en fiche un peu de ce qui arrive à Danny et on se réjouit surtout de la suite. Avec Patrick Horvath à la barre, on aurait apprécié un peu plus de détails sur les personnages et surtout un peu plus de tension. Mais bon, on ne peut pas tout avoir, n’est-ce pas ? La limitation de vitesse est ici de mise, et on ralenti un peu la cadence. Espérons que la dernière partie envoie du lourd. 

5ème segment – The Way In – env. 18 min.

Une famille composée de Daryl (Gerald Downey), Cait (Kate Beahan) et de leur fille Jem (Hassie Harrison) arrive dans la maison qu’ils ont louée pour les vacances. En train de s’installer, quelqu’un frappe à la porte. Ils se rendent rapidement compte que des individus masqués se trouvent devant chez eux et s’apprêtent à entrer. Et leurs intentions n’ont pas l’air, comment dire, pacifiques.

Ce dernier segment démarre comme tout home invasion qui se respecte en suit rigoureusement les standards ; individus masqués, prise d’otages, sursaut de violence de l’un des habitants, nous sommes en terrain connu. Et puis, arrive cette grandiose et étrange révélation qui remet un peu le tout en cause. D’ailleurs, si vous êtes attentifs, je pense que vous pouvez le deviner avant que ça n’arrive. Envoyant du steak pur jus, sans déborder dans une violence outrancière, ce segment boucle la boucle du métrage de manière magistrale. Avec à nouveau Radio Silence aux commandes, on peut reprocher à cette histoire de rester un peu trop dans les clous, de ne pas vraiment donner un sentiment d’horreur ou de tension et d’avoir des effets spéciaux corrects mais un peu inutiles. La révélation finale relève, à elle seule, le niveau.

Le voyage en valait-il la peine ? Clairement ! Southbound est un film à sketchs atypique, nous offrant une passation géniale entre les histoires et en nous gratifiant d’un bouclage propre en ordre sur sa fin. Les différents réalisateurs jouent habilement sur l’ambiance et la tension, mettant des personnes ordinaires dans des situations cauchemardesques, et je pense que le mot est extrêmement bien choisi.

La notion de cauchemar est, en effet, très présente dans ce film. Être poursuivi par des créatures inconnues, se retrouver chez des gens affables mais siphonnés de la cafetière, devoir sauver une personne que l’on vient de renverser avec sa voiture, se rendre compte que la famille, ce n’est pas ce qu’on croyait, toutes ces choses sont intimement liées à tout cauchemar que l’on pourrait faire. Et il est vrai que dans tous les cas, nous n’aimerions clairement pas nous retrouver à la place des protagonistes.

Southbound, c’est de l’onirique cauchemardesque, de la peur sur pellicule, une surprise horrifique. Faisant presque un sans faute dans ses différents segments, le film nous propulse sur cette route morbide, nous confrontant à des situations horribles et empreintes d’un surnaturel dérangeant. Comme quoi, on peut effectivement tomber sur des perles sans réellement le faire exprès. Conseillé à tous les mordus de films à sketchs et à ceux qui aiment tailler la route, Southbound est un film d’horreur que tous les amateurs, j’en suis sûr, apprécieront… même s’ils n’ont pas le permis de conduire.  

Maintenant, on espère une suite où les protagonistes vont en direction du Nord.   

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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