La mort, ce n'est pas tout rose

Un thriller médiéval sur fond d’épidémie de peste en Europe au 14ème siècle ? Je prends ! Surtout qu’à la réalisation, nous retrouvons Christopher Smith, qui reprend la casquette de réalisateur seulement un an après l’excellent Triangle. Sur un scénario de Dario Poloni (cela dit, aidé par Christopher Smith), on se dit que ce métrage doit dépoter sévère et qu’il est certainement incontournable. Est-ce le cas ? Filmer l’Europe ravagée du 14ème siècle, est-ce une bonne idée ? Christopher Smith aurait-il dû en rester aux couloirs du métro, aux sorties d’entreprise et à la géométrie ? Pour le savoir, il fallait entamer ce film et se plonger dans l’univers glauque de cette terrible épidémie qui a fait, rappelons-le, des millions de morts. Le spectateur en sera-t-il un de plus ? ATTENTION : cet article contient des spoilers

Osmund (Eddie Redmayne) est un jeune moine éprit de la belle Averill (Kimberley Nixon). Désireux de quitter le monastère pour retrouver sa dulcinée, il profite de l’arrivée d’Ulric (Sean Bean) et de son équipe de chevaliers pour leur servir de guide. Leur mission : se rendre dans un petit village reculé où, apparemment, la peste n’a aucune emprise. La raison ? Une nécromancienne (Carice van Houten) serait sur place pour empêcher le fléau d’entrer… et pourrait faire revenir les morts à la vie.

Acteur principal du film Les Animaux fantastiques en 2016, Eddie Redmayne tient ici un rôle bien plus linéaire. Son personnage, bien que relativement attachant, stagne émotionnellement sans nous transporter réellement dans une empathie de folie. Cependant, l’épilogue corrigera un peu le tir et nous montrera que l’acteur, en dépit de l’écriture de son rôle, parvient habilement à en faire un peu plus que durant le reste du film. Nous retrouvons Sean Bean en mode Boromir. Dur, dur de reprendre un rôle dans un contexte médiéval pour cet acteur après son passage remarqué dans Le Seigneur des Anneaux. Pourtant, son personnage reste le plus intéressant et envoie du lourd, tant à l’image que dans les répliques. Kimberly Nixon nous gratifie d’un chouette rôle en tant qu’Averill (qui suit donc mars… oui, humour de fumiste) malgré peu de présence à l’écran. Tim McInnerrny fait un passage dans le film après avoir joué le patron peu sûr de lui dans Severance. Pour finir, Carice van Houten joue Langiva, une nécromancienne en carton dans le petit village reculé. Rôle bien présent mais quelque peu surfait. A noter que Sean Bean, Tim McInnerny et Carice van Houten ont, tous trois, joué dans la série Game of Thrones. Dans l’ensemble, les prestations sont acceptables et concourent au bien de la cohésion du film, sans se rendre dans un niveau stratosphérique.  

En 2010, lors de sa sortie, Black Death n’a pas beaucoup fait parler de lui dans nos contrées et pour cause ; pas de sortie en salle. Du coup, c’est en 2011 que le métrage débarque en DVD et Blu-Ray. L’une des affiches (celle présente ici, dont Creep 2 s’est étrangement inspiré) envoie quand même un message clair sur le ton du métrage ; ça va être sombre. Le film démarre, on s’attend à tout de la part de Christopher Smith et… ça peine à décoller.

Après un rapide visuel des ravages de la peste en Europe, nous constatons que la vie au monastère, ce n’est pas tous les jours la fête. Sans compter qu’Osmund, ce petit coquin, s’amourache d’une belle jeune fille du coin. Conserver son intégrité quant à ses vœux, ça ne va pas être folichon. La fille lui met une deadline, il prie pour savoir quoi faire et BAM, Ulric arrive avec son équipe. Signe de Dieu ? Pur hasard ? Scénario bien écrit ? Il va falloir aller un peu plus loin pour décoder tout ça.

Le trajet de la petite équipe jusqu’au village « maudit » se suit sympathiquement et nous laisse le temps de faire connaissance avec les divers protagonistes. Plus mercenaires cinglés que chevaliers au grand cœur, nos hommes armés frappent dur quand il s’agit de sauver leur peau et les scènes de combat sont, majoritairement, bien ficelées.

Puis, l’arrivée au village se fait dans une douceur toute en tension ; on ne sait pas où on débarque et franchement, les gens du coin sont bizarres. C’est alors que nous tombons dans l’explosion de violence, à grand coup de torture et de bons mots concernant la foi. D’un côté, les hommes d’Ulric travaillant pour le clergé et souhaitant mettre un terme aux agissements de ces impies ; de l’autre, Langiva, ne supportant pas les chrétiens et souhaitant clairement les éradiquer s’ils n’abjurent pas leur foi. Autant dire qu’au niveau des prises de positions, ça promet.

Le tout jusqu’à une légère révélation d’Ulric bienvenue, permettant de montrer qu’au final, le bien est (techniquement) toujours vainqueur. Il n’en sera pas de même pour Osmund, correctement manipulé par Langiva et qui devra, le reste de ses jours, vivre avec le poids d’une culpabilité impossible à alléger. L’épilogue concernant son personnage est radical, sans concession, et nous fait basculer, tout comme Osmund, dans une folie perpétuelle sans échappatoire. Bien vu.

Pourtant, le scénario reste très linéaire dans son traitement et l’ennui peut parfois poindre le bout de son nez. Ça se suit, mais sans grande conviction… dommage pour un film qui parle de la foi. Certaines scènes sont dans un ton clairement horrifique (les tortures, le contexte global de l’épidémie, le désespoir ambiant) et touchent même à une tension bien cossue (les cages et les choix des protagonistes). Les costumes et les paysages aident énormément à l’immersion dans le 14ème siècle.   

Il s’agit donc à nouveau d’un métrage d’ambiance, là où Christopher Smith parvient bien à tirer son épingle du jeu. L’univers crasse, il connaît (Creep), sauf qu’ici, c’est dans une atmosphère médiévale et purulente que nous nous trouvons. La mort rôde partout, comme une punition divine, et personne n’est à l’abri, pas même ceux qui se croient au-dessus des circonstances.

Car oui, Black Death est clairement un film sur la foi. Ce thème est mis en avant à de nombreuses reprises et reste la fondation même du métrage, notamment par les décisions prises par les deux camps lors de la scène des cages dans le village. Dans les deux cas (croyants comme anti-croyants), la violence semble être la seule manière de dialoguer. Un signal fort pour montrer que même dans un contexte comme celui-ci à l’époque, l’épée et la douleur restaient plus fortes que les mots.

La foi, Osmund va en manquer (ou en abuser, c’est selon), ce qui le conduira inévitablement à un échec cuisant, devant alors faire face à une terrible réalité impossible à digérer. La notion de foi implique ce en quoi les protagonistes croient ; Ulric est clairement fondé sur sa foi en Dieu ; Osmund prend certaines libertés quant à ses croyances ; Langiva ne croit qu’en elle.

Pour bien s’en rendre compte, il serait intéressant de développer une analyse un peu plus poussée, mais était-ce vraiment cela que nous attendions de Christopher Smith ? Certes, ce dernier a fait un carton avec son Triangle et sa notion de culpabilité, film à étages et aux symboles forts. Ici, dans un contexte de thriller-horrifico-médiéval, on s’attend à avoir un peu plus de punch et moins de recherche.

Black Death reste donc un bon thriller du 14ème siècle, sans exploser la barre du chef-d’œuvre. Scénario linéaire, acteurs parfois pas vraiment dans le coup, réflexions profondes sur la foi et les conséquences que cela implique dans le contexte du film, il y a pas mal de petites retouches qui auraient été nécessaires. Cependant, il reste un bon film d’ambiance, idéal pour les historiens en herbe et ceux qui surkiffent Sean Bean. Dans la filmographie de Christopher Smith, il restera (du moins pour moi) une épine dans le pied ; ce n’est pas grave, mais c’est dérangeant.

Et checkez vos dessous de bras après le film, au cas où.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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