Yeah, cruel world !

Parfois, la cruauté a du bon. J’en veux pour preuve le film Cruella des studios Disney sorti en cette année 2021. Et pourtant, ce n’était pas nécessairement gagné d’avance. Nous nous trouvons dans une ère où expliquer un méchant devient carrément un moyen de faire du neuf avec du vieux. Le monde horrifique s’y prête déjà et Disney n’est pas loin derrière, notamment avec Maléfique (2014). Et puis, la firme au château se gargarise, depuis quelques années, de reshooter ses plus grands succès en version live (Aladdin, Le Roi Lion, La Belle et la Bête, Mulan, etc.) ce qui n’est pas toujours un franc succès.

Mais ici, tout démarre en 1961 avec l’adaptation en dessin animé du roman de Dodie Smith, Les 101 Dalmatiens. Le personnage de Cruella a déjà été transporté en version live avec le film éponyme en 1996 où la reine de la mode était interprétée par Glenn Close, également présente dans sa suite en 2001. Alors, qu’est-ce que Disney cherche à faire avec ce film ? S’agit-il simplement de nous présenter les origines d’une méchante bien connue ou est-ce que cela va plus loin ? Peut-on vraiment être scotché avec un tel film ? On peut déjà dire que le réalisateur Craig Gillespie a fait un travail de dingue… et ça se voit. On enfile son plus beau manteau et on se lance dans la critique !

Dans les années 70, la jeune Estella possède un côté sombre que sa mère nomme affectueusement Cruella. Alors qu’elles se rendent à Londres pour commencer une nouvelle vie, un terrible drame projette la jeune fille d’une douzaine d’année seule dans les rues de la ville. Elle y fait la connaissance de deux jeunes escrocs ; Jasper et Horace. Dix ans plus tard, cherchant à se faire un nom dans le domaine de la mode, Estella obtient une place de travail dans l’une des prestigieuses boutiques de la baronne Von Hellman. Mais son passé va la rattraper et Cruella va alors faire son incroyable retour.

On peut commencer par préciser la performance exceptionnelle des deux actrices principales. Emma Stone incarne un Estella/Cruella plus vraie que nature avec toute la complexité que son personnage exige. Par exemple, dans les premiers moments où Cruella fait son grand retour, on se demande si elle n’en fait pas un peu des caisses. Et plus le film avance, plus on se rend compte de la profondeur du personnage. Interprétation plaquée or digne des plus grands défilés, l’actrice confirme une nouvelle fois sa capacité bluffante à s’octroyer le personnage qu’elle joue. A noter que la jeune Tipper Seifert-Cleveland parvient tout aussi bien à faire s’exprimer le personnage lorsque ce dernier à une douzaine d’années.

Idem pour Emma Thompson interprétant la baronne Von Hellman. Délicieusement insupportable, possédant quelques relents de Miranda Priestly (Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada), on ne peut qu’aimer détester ce personnage égoïste et méprisant, fourbe comme savent l’être d’autres grands méchants de l’univers Disney. Au fond, il ne faut pas se mentir, elle est quelque peu timbrée mais se trouve être la digne adversaire de Cruella.

Les autres personnages ne sont pas en reste. Jasper (Joel Fry) et Horace (Paul Walter Hauser) sont des amis fidèles et drôles de Cruella ; Catherine (Emily Beecham), la mère d’Estella, aime sa fille plus que tout malgré ses différences ; Anita (Kirby Howell-Baptiste) est une journaliste qui n’a pas froid aux yeux ; John (Mark Strong), le majordome de la baronne, est impec’ sur lui ; et Roger (Kayvan Novak), avocat de la baronne, subit les humeurs de sa patronne.

Tout le casting garde une cohérence d’un bout à l’autre du métrage et autant la profondeur de l’écriture des personnages que la capacité des acteurs à les interpréter nous plonge entièrement dans l’univers de cette origin story qui se trouve être bien plus complexe et intéressante que ce que l’on pourrait croire de prime abord.

L’histoire se déroule du début à la fin en conservant un rythme impeccable nous empêchant de décrocher. De l’enfance de la jeune Estella à sa montée en puissance dans le monde de la mode en tant que Cruella, le métrage passe du tragique au drôle en faisant un détour des séquences musicales et des situations cocasses, tout cela en restant pile sur le podium où il défile.

Avant que tout ne démarre, nous avons droit au désormais iconique logo de Disney. Cependant, celui-ci se trouve être en nuances de gris (non, n’y voyez pas de lien avec un autre film…) et le nom de la firme vient s’y inscrire... en rouge. Un excellent moyen de nous mettre dans l’ambiance en nous avisant dès le départ que, non, nous n’allons pas forcément assister à un conte de fée.

C’est alors que le démarrage du film se fait en fanfare, nous présentant les personnages avec simplicité et style. Puis, plus on avance dans l’histoire, plus on ressent la présence de Cruella et lorsque celle-ci débarque à l’écran, c’est pour y prendre toute la place. Sa première apparition (magistrale), le coup du camion poubelle, le défilé sur fond de musique tonitruante, autant de raisons de conforter le statut de Cruella de reine du happening qui fait mal, parfois un peu à la manière d’une certaine Lady Gaga qui kiffait bien en mettre plein la vue devant le public.  

Et si vous vous posez la question, oui, il y a des dalmatiens dans le film, étant les fidèles toutous de la baronne et lui obéissant au doigt et à l’œil. A noter que Jasper et Horace sont également les heureux propriétaires d’un chihuahua et le chien d’Estella, Bandit, a également une importance non négligeable dans l’histoire. Bien qu’elle semble aimer les animaux, cela n’empêche pas Cruella de faire une allusion claire sur la possibilité de créer un manteau en peau de dalmatiens. Tiens, ça me rappelle quelque chose ça… 

L’esthétique du film est également absolument grandiose, tant au niveau des décors que des plans, le tout aux petits oignons sous la houlette du réalisateur Craig Gillespie. Les costumes sont particulièrement incroyables (bon, en même temps, c’est un film qui cause de mode), toutes les prouesses vestimentaires de Cruella en mettent plein la vue. Et puis, un autre atout notable du film ; sa musique. Avec des artistes comme Supertramp, les Bee Gees, The Doors, Blondie, The Clash, Queen ou encore le titre Sympathy For The Devil des Rolling Stones qui arrive à point nommé, nos oreilles kiffent la bande sonore. Ovation également pour la compo du film orchestrée par Nicholas Britell et pour la chanson originale, Call Me Cruella par Florence and the Machine.  

Les yeux les plus avisés pourront même déceler une blinde d’hommages au dessin animé de 1961 (visuels ou sonores) ; une bien belle manière de faire le lien entre les deux. La scène mi-générique ne laisse aucun doute à une suite (Emma Stone aurait d’ores et déjà signé pour un autre métrage) et pour consolider le tout, Glenn Close (qui a interprété Cruella dans le film Les 101 Dalmatiens en 1996, je le rappelle) est productrice déléguée du film. Bigre, ça en fait de bonnes raisons de le voir, non ?

Il n’y a donc aucune fausse note ? On le sent ; j’ai particulièrement aimé ce film (ainsi qu’Emma Stone). Cependant, l’utilisation importante d’effets numériques vient parfois un peu « péter » l’ambiance. Ces derniers, notamment usités sur nos amis les animaux, permettent de faire des plans plus complexes et également d’éviter que nos bébêtes ne se fassent mal (un chihuahua VS une chaise, ça aurait pu être douloureux autrement). En usant de cette technique, on dirait que Disney est fier de ses capacités techniques (et il peut, on est d’accord), mais je ne peux que regretter un temps où Rintintin, Beethoven et Rex étaient en chair et en os.  

Quand on est capable de telles prouesses techniques (même si on en abuse), on évite de bâcler une scène de plongeon dans des flots déchaînés parce que ça fait un peu tache, soyons honnête. Je vous laisse savourer cette scène qui intervient vers la fin du film mais me semble-t-il qu’il y a eu un léger abus d’effets visuels pour, finalement, quelques secondes d’écran, laissant traîner un flou technique qui aurait pu être évité.

Outre cela, sérieusement, rien à redire. Le film nous présente une méchante extrêmement connue de l’univers Disney ainsi que des thèmes, certes récurrents dans le monde de l’entreprise de Mickey, mais pertinents. Ne craignant pas de ruer quelques peu dans les conventions avec un personnage brut, surfant sur l’aspect punk des années 70, ce métrage prouve qu’il y a de l’avenir pour les potentielles nouvelles origin stories, surtout si Disney sort un peu de sa zone de confort en nous présentant des choses plus cash et plus sombres.

Une réussite, c’est aussi simple que ça. Cruella n’est pas un « Disney », ni une origin story bâclée et encore moins quelque chose qui s’est fait dans une facilité totale. C’est un métrage avec une méchante iconique, des interprétations impeccables, une histoire rodée et cohérente et surtout, aucun déplaisir pendant ses 134 minutes. Comme quoi, quand on fait dans l’inédit tout en se basant sur une histoire existante, il y a encore possibilité de nous présenter quelque chose de bluffant. Aux petits et grands, à ceux qui ont connu le dessin animé de 1961 ou non, Cruella vaut le détour et bravo à Craig Gillespie d’avoir réussi la prouesse de nous faire tant aimer une méchante.

Au fond, c’est un film à la mode. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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