Poupée en solde

Fort de sept films sortis depuis 1988, Chucky s’est imposé comme une figure emblématique du genre horrifique. Exit les possessions démoniaques, le poupon tueur s’est vu attribué une véritable âme de tueur en série, permettant ainsi de lui donner une personnalité acerbe et cynique qui a fait sa renommée. La série de films oscille entre l’horreur pure et la comédie, les bonnes comme les moins bonnes réalisations (merci Chucky 3) et les sorties cinéma et DTV. Forcément, lorsque j’entends qu’un reboot est prévu, mon radar de puriste s’affole et il était nécessaire de procéder à un visionnage. Pour mettre à jour la poupée tueuse, on demande à Lars Klevberg, déjà directeur de Polaroid, de se placer derrière la caméra. La mise à jour est-elle exempte de bugs ? Chucky garde-t-il toute sa splendeur ? L’interconnectivité, est-ce une bonne chose ? On prend son bon de réduction, on se dirige vers le rayon « Jouets » et on démarre la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Karen Barclay (Aubrey Plaza) vit seule avec son fils de 13 ans, Andy (Gabriel Bateman). Ce dernier peinant à se faire de nouveaux amis, sa mère lui offre une poupée Buddi pour son anniversaire (logique). Ce jouet peut se connecter à tous les produits de Kaslan Corporation, du variateur de température au téléviseur en passant par les véhicules connectés. Seulement, le Buddi reçu par Andy, qui s’est auto-nommé Chucky, semble avoir quelques bugs qui vont s’avérer… mortels.

Un reboot, par définition, reprend l’histoire de départ avec les mêmes bases pour la faire partir dans une direction différente. Dans le cas présent, il faut l’avouer, le coup de l’âme du serial killer Charles Lee Ray n’a rien à voir dans le scénario. En même temps, faire passer un rituel vaudou pour qu’il soit crédible dans un film en 2019, ça peut s’avérer compliqué surtout si cela inclut l’insertion de l’esprit d’un maniaque dans une poupée.

Dès lors, on peut tout à fait comprendre l’orientation de ce nouveau métrage, partant sur des bases purement technologiques. On se retrouve donc avec un Small Soldiers horrifique, le comportement meurtrier de Chucky n’étant animé que par l’absence de protocoles de sécurité dans son système. Fini la part de personnalité qui faisait le charme indéniable de la poupée Brave Gars des opus précédents.

Et dans l’entourage, ça se passe comment ? Andy est plus grand que dans le film d’origine (Jeu d’enfant, de Tom Holland, 1988) et passe le plus clair de son temps à tapoter sur son téléphone. Pas d’amis en vue, une situation familiale sans la présence d’un père (le petit ami de sa mère est un débile), la vie n’est pas facile pour ce jeune homme. Pourtant, l’arrivée de Chucky lui permet de se faire « un ami pour la vie » et également de rencontrer d’autres jeunes de son âge.

On trouve ici quelques lacunes non exploitées qui auraient pu être potentiellement intéressantes. Typiquement, l’absence du père d’Andy en dit beaucoup sur sa difficulté à se faire de nouveaux amis. Alors que nous apercevons une photo de famille où ils se trouvent tous les trois, cette situation est ensuite passée sous silence sans exploitation. Sans doute qu’axer une partie du film sur la perte d’un être cher aurait été une idée réalisable, apportant une carrure complémentaire aux personnages de Karen et d’Andy.

Surfant sur la vague de succès du Club des Ratés de Ça ou de l’équipe de Stranger Things, ce nouveau Child’s Play met sur pied une petite team d’adolescents se dressant contre le poupon maléfique. Il faut dire que cette formule fonctionne plutôt bien ces dernières années et se trouve être une solution logique pour que la magie fasse effet dans un métrage actuel. Fini le côté intimiste et oppressant du film de 1988 ; place à la technologie, à la bande de potes et aux plans de caméra héroïques (Andy avant d’aller confronter Chucky une dernière fois).

Les acteurs se débrouillent bien dans l’ensemble, collant à l’univers donné au film. On note cependant qu’Aubrey Plaza semble parfois en roue libre et qu’Andy a des faux-airs de Thomas dans 3615 Code Père Noël. La présence de Brian Tyree Henry en inspecteur Norris apporte un peu d’humour et de punch au métrage et Tim Matheson fait quelques apparitions dans le rôle d’Henry Kaslan, le PDG de la corporation qui a créé Buddi. On peut aussi souligner que Brad Dourif n’est plus la voix originale de Chucky, remplacé par Mark Hamill himself !

Vous l’avez compris ; les règles ont changé. Chucky est déjà bien autonome avant de révéler sa nature psychopathe, faisant baisser la tension d’un cran par rapport à l’original. Cependant, il est nécessaire de préciser que ce reboot tient une ligne de conduite bien à lui et qu’il s’y tient. Je veux bien entendu parler de la mise en avant des dangers de la technologie, sujet ô combien d’actualité.

Dès lors, on se retrouve dans un film d’horreur relativement gentillet et ne prenant pas de risque trop important (ah, le pétage de plomb de Chucky devant la cheminée des Barclay dans le premier film…). Pourtant, nous avons droit à plusieurs crimes assez salaces commis par notre poupée connectée, usant bien entendu de ses « pouvoirs » pour en finir avec certains individus. Ce paragraphe est dédié au chat de la famille Barclay.

Contrôle de la température, utilisation d’un véhicule connecté, motoculteur scalpant, les meurtres se succèdent avec un bon rythme, permettant même à Chucky quelques punchlines oldschool qui font du bien. Mieux encore, notre brave gars expose ses réussites non sans mettre une touche de malaise au spectateur (merci Leatherface).

Car il est clair qu’il y a quelque chose de malsain dans le visuel de Chucky. Certes, sont visage ne change pas radicalement comme dans le premier film, là où sa première révélation arrivait bien loin dans l’histoire et nous foutait carrément la trouille, mais son attitude gentillette contraste magnifiquement avec sa violence et sa froideur lors des meurtres.

On en vient même, à certains moments, à prendre son parti, comme lors de cette scène avec un concierge obscène, où Chucky va aller jusqu’à nous faire pitié. On suit donc ses exactions sordides jusqu’à un final mollasson qui n’apporte pas la dose « chuckyesque » que l’on était venu chercher. Pour coller au goût du jour, la dernière image du film nous ouvre la possibilité d’une suite, qui sait, qui oserait aller plus loin.

Le sujet est pourtant vaste quand il s’agit de parler de la technologie et de ses dérives. La combinaison d’un Chucky armé de l’âme d’un tueur en série et de super pouvoirs technologiques aurait certainement cassé la baraque à plus d’un titre. Ce nouveau Buddi se veut donc plus réaliste que son prédécesseur, jouant habilement sur l’air du temps pour se faire une place dans le cinéma d’horreur.

La personnalité de Chucky, le sentiment de tension en huis-clos, le visage démoniaque de Charles Lee Ray, l’innocence absolue d’Andy, les pétages de plomb de la poupée, on en perd des choses dans ce reboot. Mais comme dans tout, il faut que les tendances évoluent et c’est exactement ce que symbolise Child’s Play. Toutes ces pertes n’enlèvent cependant pas le côté fun du film, permettant ainsi de passer 90 minutes sympathiques mais pas impérissables. Dans le domaine de la technologie, quand un nouveau produit sort, il est obsolète au bout de peu de temps. C’est ce qui arrivera inévitablement à ce Child’s Play.

Alors, ami pour la vie ?  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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