Bates Motel since 1959

Dans le cinéma horrifique, un nom résonne à travers le temps et les routes de la campagne américaine ; Norman Bates. Ce tenancier d’un motel atteint d’un grave trouble de la personnalité fait ses débuts en 1959 dans le roman Psychose de Robert Bloch. Ni une, ni deux, un certain Alfred Hitchcock s’intéresse à cette histoire, lit le bouquin lors d’un voyage en avion et finit par engager Joseph Stefano pour scénariser tout ça. En 1960, Psychose débarque au cinéma… et c’est un carton. Un film à tendance horrifique, surfant sur un suspense dont Hitchcock a le secret, la maîtrise de la réalisation et le twist final impressionnent.

Deux suites seront réalisées par d’autres metteurs en scène (Psychose 2 en 1983 et Psychose 3 en 1986). Deux téléfilms sortiront, respectivement Bates Motel en 1987 et Psychose 4 : Le Commencement en 1990. On passe volontairement sur le remake extrêmement peu intéressant de Gus Van Sant, Psycho, en 1998, reprise plan par plan du film d’Hitchcock dans un but de copie expérimentale.

Puis, en 2012, la chaîne A&E demande à Anthony Cipriano, scénariste, de créer la mouture d’une préquelle à l’histoire de Norman Bates. Pour l’épauler, Kerry Ehrin et Carlton Cuse (ayant notamment officié sur Lost) sont appelés en renfort. Les voilà embarqués dans l’aventure de Bates Motel, où il leur faudra non seulement conserver un respect du matériau d’origine, mais également se lancer dans la délicate opération d’expliquer les débuts de Norman Bates.

Pour la petite histoire, Norma Bates (Vera Farmiga) décide de commencer une nouvelle vie à White Pine Bay après la mort de son mari. Elle embarque son fils de 17 ans, Norman (Freddie Highmore) et s’en va reprendre une petite affaire en bord de route ; un motel. Seulement, la relation entre Norman et sa mère n’est pas si simple et le passé va vite les rattraper. Sans compter que dans une ville comme White Pine Bay, les apparences sont souvent trompeuses.  

ATTENTION : l’article parlant des cinq saisons de Bates Motel et analysant une partie de la série, de GROS spoilers sont à prévoir.

Des personnages à problèmes

Pour camper Norman Bates, qui est tout de même une égérie cinématographique du criminel au trouble dissociatif de la personnalité, il fallait quelqu’un qui parvienne à faire transparaître à la fois la normalité du personnage et sa folie. Après Neverland, Charlie et la chocolaterie, et la saga Arthur et les Minimoys, Freddie Highmore avait exprimé son envie de jouer, un jour, un méchant. C’est chose faite avec l’obtention du rôle de Norman Bates. Touchant, prenant, complètement habité par moment, on ressent à la fois la détresse du personnage et son incapacité à comprendre ce qui lui arrive, malgré l’horreur des situations qu’il créé.

Montant en puissance de saison en saison, nous arrivons à un paroxysme en passant la cinquième. Le personnage, de plus en plus déstabilisé, en arrive à un point de non-retour flippant, notamment lors de sa première apparition habillé en femme. Là, on se dit que l’esprit de notre pauvre Norman est définitivement fracturé et qu’il n’y a plus rien à faire pour lui. Un personnage complet avec une histoire poignante et une relation fusionnelle éternelle avec sa maman.

Sa génitrice chérie se devait d’être interprétée par une femme de caractère, possédant la poigne nécessaire pour élever (gérer) son fils, lancer une petite entreprise et vivre sa vie de femme. Vera Farmiga obtient le rôle et campe une Norma Bates aux prises non seulement avec ses propres démons, mais devant faire face à ceux de son fils. Personnage que l’on aime détester, on se dit qu’elle est quand même gonflée de se la jouer nouvelle entrepreneuse à White Pine Bay comme elle le fait. Pourtant, au fil des saisons, elle parviendra à trouver sa place, et ce même jusque dans les notables de la ville. Malheureusement pour elle, la protection qu’elle a accordée à son fils va se retourner contre elle. 

Tantôt à la masse, tantôt émouvante, on note une différence notable entre le roman/film de 1960 et la série. Si, dans les deux premiers, Norma était une femme autoritaire, cruelle et sans doute désaxée, celle de Bates Motel souffre d’une jalousie maladive envers les potentielles amies de son fils et veut protéger celui-ci à tout prix. On peut voir cela comme une avancée des mœurs, où la dureté de l’éducation est devenue une surprotection de l’individu.

Autre incartade avec les matériaux d’origine, le demi-frère de Norman ; Dylan. Né d’une relation incestueuse entre Norma et son frère, Caleb, le jeune et dynamique Dylan est interprété par Max Thieriot. Petite frappe souhaitant renouer avec sa famille, il va faire partie intégrante du trafic qui fait tourner la ville de White Pine Bay ; le cannabis. D’abord personnage dont on ne voit aucun intérêt, il va pourtant en prendre d’épisode en épisode, allant même jusqu’à devenir une pierre angulaire indispensable au scénario imaginé par les créateurs de la série. Souffrant de quelques petits soucis d’intégration dans sa propre famille (au vu de ses origines), il sera cependant le personnage émotionnellement le plus normal de la série.

Et puis, nous avons Emma, jouée par Olivia Cooke dans son premier grand rôle. Jeune fille allant au même lycée que Norman, atteinte d’une grave maladie respiratoire, elle deviendra la meilleure amie du jeune Bates. Elle est un pilier de normalité dans la vie des Bates et reste l’un des personnages les plus humains et touchants de la série. Son père, Will (Ian Hart puis Andrew Howard) est le taxidermiste de White Pine Bay. Il apprendra l’art subtil de donner l’illusion de la vie à Norman.

Ah ! Le shérif Alex Romero ! Joué par Nestor Carbonell, adepte des séries (déjà présent dans Lost), ce personnage démarre en fanfare et on comprend très vite qu’il ne faut pas lui chercher des noises. Ayant une relation ambiguë avec Norma, cela se concrétisera avec le temps, allant même jusqu’à un mariage vite fait, bien fait. Passant du shérif froid et distant au mari souhaitant aider la famille Bates, il va chèrement payer ses intentions et deviendra, d’une certaine manière, l’antagoniste principal de Norman. Personnage bien interprété et intéressant.

On en parlait avant ; Caleb, le frère de Norma. Campé par Kenny Johnson (lui aussi habitué des séries télévisées), nous avons ici un personnage qui nous répugne de prime abord. Ayant commis des actes pas jojo avec sa petite sœur, on finira par avoir une réelle empathie pour lui, ce dernier faisant preuve de réels regrets et vouant un amour vrai à sa frangine. De plus, il s’avère particulièrement convainquant dans son rôle, surtout celui d’oncle/père de Dylan.

Pour terminer avec les acteurs principaux, nous avons Bradley, jouée par Nicola Peltz. La mignonne du bahut, avec ses cheveux blonds, son sourire bright et sa popularité sans précédent ; ça nous donne envie de la baffer. Et pourtant, sous ses airs de grande première se cache une jeune fille fragile, décontenancée par l’existence et devant faire face à la mort brutale de son père. Un rôle bien entrepris mais qui finira par couler à pic (n’y voyez pas de jeu de mot, hein).

Dans les rôles récurrents, on peut mentionner ; Chick (Ryan Hurst), un paumé manipulateur qui veut entreprendre l’écriture d’un roman sur l’histoire de Norman Bates ; Miss Watson (Keegan Connor Tracy), une prof de littérature qui voudra aider le mauvais élève ; l’adjoint Zack Shelby (Mike Vogel, « Barbara » de la série Under the Dome), clairvoyant mais qui ne fera pas long feu ; Zane (Michael Eklund), un criminel frappadingue que Dylan devra gérer ; et Bob Paris (Kevin Rahm), grand méchant de White Pine Bay, s’amusant des dires de Norma.

A noter que la dernière saison marque la mise en image de ce que l’on retrouve (en partie) dans l’intrigue du roman et du film, à savoir l’arrivée de Marion Crane au Bates Motel. Nous avons donc la présence de cette jeune femme, interprétée sympathiquement par Rihanna, et le lot de surprise qui va avec. Nous pouvons également citer Sam Loomis (Austin Nichols) et ses petits soucis de couple avec Madeleine (Isabelle McNally), deux personnages importants pour la finalisation de l’histoire.

Dans l’ensemble, les prestations d’acteurs sont clairement dans le tir et la profondeur des personnages assez intense pour être mentionnée. Les rôles « clé » (Norma et Norman) sont brillamment interprétés et montent en puissance au fil des saisons pour nous apporter toujours plus d’étrangetés et de moments de tension. Globalement, les autres personnages font également leur travail, même si certains d’entre eux perdent en intérêt dans le temps. Mais une chose est sûre ; ils ont tous des problèmes à régler.  

Voulez-vous une chambre ?

Avec toute cette troupe, il faut maintenant mettre en image Bates Motel, narrant tout de même les origines de Norman Bates, tueur barré et gérant de motel à ses heures perdues. Alors, va-t-on se laisser embarquer dans l’aventure ou allons-nous passer tout droit devant l’enseigne du Bates Motel ?

La première saison démarre avec le décès « accidentel » du mari de Norma. On assiste ensuite au départ de cette dernière et de son fils pour White Pine Bay et leur arrivée au mythique motel. Alors que l’on se croit en plein dans les années 60, on se retrouve en fait de nos jours, avec technologie de communication et réseaux sociaux à l’appui. Qu’importe ; le cadre du motel est respecté. Il faut d’ailleurs mentionner un grand soin apporté aux cadrages et aux effets de caméra durant toute la série, les différents réalisateurs d’épisodes maîtrisant leur sujet.

Bref, cette première saison met en place les personnages tout en nous apprenant quelques révélations bien cossues sur la famille Bates, et notamment les vraies raisons de la mort du père de Norman (une « absence » de ce dernier). Le rythme est bon, les personnages deviennent intéressants et on finit sur une note bien positive. Avec dix épisodes par saison, ces premiers s’avalent comme des bonbons dans un paquet ouvert entre nos mains gourmandes. Et puis, le final nous laisse relativement coi. Classe. 

Le rythme est conservé en deuxième saison, avec le meurtre de la prof qui va hanter Norman (et pas qu’un peu). Sa personnalité devient alors plus fragile et on s’attend à voir débarquer clairement son trouble du comportement d’un instant à l’autre. La relation entre Norma et son fils passe dans l’étrangeté malsaine et les autres personnages évoluent comme il le faut.

Plus centrée sur le trafic de cannabis présent à White Pine Bay, cette saison semble s’intéresser sur les bizarreries des environs et des habitants. On en vient à se demander si Norman n’est pas devenu celui qu’il est non pas à cause d’un trouble présent en lui depuis l’enfance, mais bien à cause de cet endroit, se situant dans la limite de la légalité et où les meurtres et les règlements de compte se déroulent jour après jour. On se rend compte qu’en fait, le lieu ne fait qu’accentuer le comportement déviant de Norman, le plaçant dans une autre catégorie que les habitants de White Pine Bay. Une catégorie plus sombre et bien pire.

D’ailleurs Norman fera les frais des actes de sa maman souhaitant se faire aider par les plus grands truands de la ville, histoire d’éviter la rocade qui doit faire passer la route principale par un autre endroit que devant leur motel. Après un kidnapping éprouvant, on assiste à une dernière scène d’interrogatoire où Norman découvre qu’il n’est pas réellement responsable de la mort de sa prof de littérature ; c’est « sa mère » qui l’a tué. Une dernière image glaçante et BIM, une saison deux bien empaquetée même si, contrairement à la première, quelques longueurs sont à prévoir. Heureusement, la présence de la jolie Paloma Kwiatkowski dans le rôle de Cody, et sa relation avec Norman, aideront à passer le temps.

En troisième saison, on passe aux choses sérieuses. Norma commence à dévier, Norman devient carrément flippant et les autres protagonistes sont aux prises avec des relations compliquées. Freddie Highmore au sommet de sa forme, Romero qui reprend du poil de la bête depuis la saison deux, la relation entre Dylan et son oncle/père qui devient intéressante, la romance d’Emma et Norman, le retour de Bradley, que du bon !

La relation entre Daryl et Emma va prendre un tournant inattendu, la vie de cette dernière également. Le petit bonhomme de chemin va continuer pour la plupart des protagonistes, mais on sent bien que les choses vont rapidement empirer à White Pine Bay, car la ville elle-même est en proie à une certaine effervescence depuis que le trafic de cannabis a été relégué au rang d’inexistant.

Même si on reste centré sur la détermination de Norma à conserver sa petite affaire, n’en reste que Norman prend de plus en plus d’importance et nous gratifie d’un final dantesque, où l’une de ses anciennes amies va clairement prendre cher. La saison finit sur un dialogue flippant entre Norman et la personnalité de sa mère avant d’enclencher un fondu sur la musique Be My Baby du groupe The Ronettes. Du très bon !

Puis, on arrive à la saison 4. Au début, Norman est qualifié d’office pour se retrouver dans un institut psychiatrique glauque, retrouvé errant dans les bois après son dernier meurtre. Puis, toute la saison tournera autour de sa maladie et de sa volonté de vouloir en guérir. C’est également ici que nous allons avoir un nom sur le trouble de Norman : la personnalité multiple.

Mais on n’oublie pas les autres protagonistes pour autant et Norma a également une grande importance dans cette saison. Entre son mariage avec le shérif Romero, la survie de sa petite affaire et les troubles mentaux de son fils, elle a fort à faire pour rester à flot. C’est donc avec un grand soulagement qu’elle apprendra que Norman souhaite tout faire pour guérir et retrouver une vie normale. Cependant, la présence de Romero chez la famille Bates va grandement poser problème au jeune homme qui va alors commettre l’irréparable.

Les autres protagonistes ne sont pas en reste vu que Daryl et Emma vont prendre de grandes décisions et que la vie en général, à White Pine Bay, semble reprendre un cours plus ou moins normal. Cependant, les méchants ne sont jamais très loin et si certains se retrouvent être enfermés dans un asile psychiatrique, d’autres sont toujours dehors, prêts à mettre le bazar dès que l’occasion se présente.

Une saison mollassonne qui va pourtant se terminer avec deux épisodes à la fois émouvants, prenants et flippants. L’épisode 9 finit sur une des notes les plus tragiques de la série, avec la mort de Norma. L’épisode 10 est d’une puissance sans égale, confrontant Norman et Romero lors de l’enterrement de Norma et surtout, finissant sur une note (c’est le cas de le dire) à la fois pleine d’espoir et d’horreur. C’est sûr ; l’histoire de Norman Bates telle que nous le connaissons peut maintenant démarrer.

Deux ans après les événements de la quatrième saison, une cinquième va tourner autour de l’histoire originale, celle de Marion Crane, de son vol de pognon et de son arrivée au motel, même si cela ne prendra que quelques épisodes. La relation entre Norman et Madeleine va déclencher des événements terribles, mais également des révélations quant à la véritable nature du personnage de sa mère, avec qui il partage son esprit. Car ce n’est pas parce que Norma est morte en fin de saison quatre que Vera Farmiga n’apparaîtra plus durant la cinquième saison. Elle fera également plusieurs apparitions bien physiques. Oui, Norman a un vilain secret dans sa cave.

C’est donc, si l’on veut bien, un rallongement (et une réadaptation) de l’histoire originale que nous avons durant cette ultime saison. Avec un Norman qui défie tous les stades existants du terme « à la masse », et qui se déguise tout comme sa maman, et un Romero assoiffé de vengeance qui est prêt à tout (à TOUT) pour retrouver Norma une dernière fois, on passe de l’ennui de certaines longueurs, à la redécouverte de quelques passages (dont la célèbre scène de la douche) et à la fébrilité qui nous anime d’arriver au final. Il y a aussi la relation d’Emma et de Daryl qui en prend un coup, notamment par le fait que Norman aurait commis un meurtre sur la mauvaise personne.

Le final est ici dans le dérangeant absolu, avec la préparation d’un petit souper en famille. Norman invite Daryl à venir casser la croûte, installant le cadavre de sa mère en bout de table. C’est alors qu’une dispute éclate entre les deux frères et Daryl se voit contraint de tuer Norman avant d’y passer. S’ensuit plusieurs séquences montrant l’arrivée de Norman auprès de sa mère, la découverte du corps de Romero, et les retrouvailles de Daryl, Emma et leur fille, le tout sur Dream a Little Dream of Me de Doris Day. Pour la toute dernière image, j’y reviendrai. Pour le reste, on sent comme un goût de vite-fait, histoire que la fin soit rapidement expédiée. Plus de tension et une finalité plus cossue des personnages auraient été appréciables.

Une dernière saison intéressante mais en demi-teinte, modifiant radicalement certains aspects de l’histoire originale. N’en reste que le ton de la série atteint des sommets de glauque avec cette dernière saison. Pourtant, il y a comme un goût d’inachevé, comme s’il manquait quelque chose. Pas assez de folie ? Trop de blabla ? Une fin fratricide qui n’avait pas lieu d’être ?

Dans l’ensemble, Bates Motel tient bien le rythme sur les cinq saisons qui la compose. On note cependant une petite baisse d’intérêt et des longueurs plus présentes à partir de la saison 4, et qui resteront tenaces jusqu’à la fin. Cependant, au niveau scénaristique, un gros boulot a été fait et ça se voit. On ne peut qu’être heureux d’avoir été témoin de cette préquelle de Norman Bates et de cette redécouverte de l’histoire à la sauce « 21ème siècle ». On se dit qu’au final, on a bien fait de s’arrêter dans ce motel.

Ce n'est pas Norman, tout ça

Bates Motel, c’est tout d’abord une relecture des origines de Norman Bates. En développant l’histoire de ce tueur particulier, les créateurs de la série voulaient non seulement expliquer les raisons de sa personnalité si complexe, mais également raconter une histoire teintée de glauque, de bizarre et remplie de personnages représentant chacun un problème sociétal bien concret.

Nous avons bien entendu le problème des conflits familiaux, à commencer par la relation étrange entre Norman et sa mère. La surprotection a pris la place de la cruauté des années 60, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’alchimie entre Freddie Highmore et Vera Farmiga fonctionne du tonnerre, nous laissant même quelques fois avec des sentiments de dégoût ou de malaise. Qui, petit, n’a pas dormi avec ses parents ou seulement l’un d’eux ? Mais à 17 ans, ça commence à faire bizarre.

Et puis, les conflits familiaux ne s’arrêtent pas là vu que nous avons Daryl et ses origines tendancieuses. Vilain petit canard de la famille, rejeté car renvoyant sans cesse à Norma l’image de son frère incestueux, il est l’enfant qui peine à prendre place au sein de sa propre famille, ne correspondant pas à l’image que sa mère se fait d’un fils, image bien plus marquée par Norman, sa réussite. Il faut cependant souligner qu’au moins Daryl n’a pas une double personnalité meurtrière, lui.

Et puis nous avons un sac rempli de problèmes de société à prendre en compte. Romero, tiraillé entre son paternel criminel, la loi, et son devoir envers la ville ; Emma, malade et ne se voyant pas comme une personne normale mais appréhendant une vie où la maladie n’existerait plus ; Caleb, amoureux transi de sa sœur mais pas foncièrement mauvais bougre ; Bradley, ne voyant comme moyen de s’en sortir que le suicide ; Rebecca (Jaime Ray Newman), partagée entre son amour pour Romero et son devoir envers son pays ; Sam Loomis, bien dans son couple mais avide d’aventure avec sa petite amie Marion. Dans toute cette cavalcade de soucis, seul Chick semble exonéré, bien que son principal problème réside dans le fait de se mouvoir après son altercation musclée avec Caleb. Et le fait que Chick survole les problèmes sociétaux que nous pouvons relever, c’est que c’est lui qui est censé retranscrire l’histoire. Sa fin, prématurée et complètement gratuite, est d’ailleurs signe que de toute cette bande, c’est celui qui meurt sans avoir une raison concrète de passer l’arme à gauche.

Bien entendu, le problème de la personnalité multiple se pose également, tant dans le roman de Robert Bloch, que dans le film d’Alfred Hitchcock, que dans la série présentement sortie en 2013. Les raisons du comportement de Norman sont ici évoquées de manière plus concrètes et surtout avec une explication plus fournie. La personnalité de « Mère » n’est pas directement celle de Norma ; il s’agit d’une doublure protectrice destinée à aider Norman dans les moments pénibles. C’est pourquoi, en fin de série, lorsque celle-ci décrète que Norman n’a plus besoin d’elle, le jeune homme fait machine arrière dans sa tête et devient alors totalement vulnérable à l’horreur de la situation. Ne pouvant la supporter, son cerveau rembobine et il reprend sa vie là où tout allait encore bien ; au moment de son arrivée au motel.

Le motel a aussi une importance capitale. Les plans sont toujours faits avec soin, dans la lignée de ce que l’on pouvait trouver dans le film de 1960. Le motel symbolise une normalité complète ; un travail, des horaires, des rencontres avec des gens, des échanges faits d’amabilité et de bienséance. Seul le bureau, attenant à la chambre n° 1, possède un côté malsain, là où Norman peut se laisser aller à quelques pulsions, en dehors du regard omniprésent de « Mère ».

La maison a plus une symbolique de cafouillage familial et de moments glauques. Censé être un endroit où la famille se retrouve (il y aura d’ailleurs de belles retrouvailles en cours de série), il s’agit en fait d’un lieu où, une fois dans les murs, nous avons toute la problématique qui nous saute en pleine tronche. Norman y cache le corps de sa mère, plusieurs morts sont à y déplorer, le repas final s’y prépare ; c’est un lieu empreint de problèmes qui semblent impossibles à régler. Ce n’est pas pour rien si cette maison ressemble étrangement à celle de la famille Addams, elle aussi remplie d’horreurs en tout genre.

Et n’oublions pas que Bates Motel est également un monstrueux morceau reprenant les standards existants entre l’être et le paraître. Une petite ville florissante qui s’avère être économiquement viable grâce au trafic de drogue et aux élus locaux corrompus ; une petite famille touchante et souhaitant faire sa place au soleil, en fait composée d’éléments instables et d’un fiston en pleine crise identitaire ; un jeune homme charmant et beau gosse, se trouvant être un dangereux criminel prêt à céder à quelque pulsion à tout instant. Bien souvent, dans la vie comme dans la série, les façades sont embellies pour empêcher de voir le bordel qui se trouve à l’intérieur. Norman, au final, est une représentation ultime de cela ; une apparence douce et gentille mais un comportement déviant inattendu.

Le souvenir laissé par les différents protagonistes a aussi une symbolique particulière. Romero, shérif, se retrouve assassiné dans les bois après un séjour en prison ; Emma, destinée à mourir jeune, a une fille avec Daryl, qui a accepté la vraie nature de son père ; Norma, femme dynamique et ayant tout sacrifié pour sa famille, meurt des mains de celui qu’elle protégeait et se retrouve avec une magnifique épitaphe écrite par ce dernier ; Norman, protagoniste principal, meurt dans la méconnaissance la plus totale, n’ayant qu’une mention de dates du côté de sa tombe. Celui qui a fait basculer des dizaines de vie restera celui dont on voudra le moins se souvenir. 

Bourré de références et de symboliques en tout genre, il serait possible d’écrire encore quelques pages sur le sujet, mais il me semble que l’essentiel a été décrit ici. Bien entendu, n’hésitez pas à me laisser un commentaire si vous voyez autre chose d’autre à souligner. Pour ma part, j’ai trouvé que Bates Motel relevait pas mal de problèmes actuels en les insérant, avec brio, dans l’histoire enclenchée il y a presque soixante ans par Robert Bloch.

Facture finale du séjour

Bates Motel possède déjà un bon lot d’acteurs, se donnant tous à fond, même si leur personnage prend parfois la tangente pour devenir un peu moins intéressant et concret. Ensuite, c’est une histoire que la plupart d’entre nous connaissent, mais il est toujours plaisant d’avoir une autre vision de la même narration, et non pas un plan par plan bancal comme Psycho de 1998. Et il faut mentionner le gros boulot d’écriture et de caméras fait sur cette série, les plans et les musiques s’alliant magnifiquement dans l’ensemble et offrant une cohésion à la fois poétique, étrange et malsaine.

Nous assistons à une revisite du motel des Bates qui est plaisante à bien des égards et qui ne se plante pas lamentablement, sauf sur son final un peu fait à la va-vite. Jouant habilement sur les standards connus lors de la cinquième saison, on se fait avoir pour la scène de la douche et on assiste à une autre destinée des protagonistes, restant dans la ligne directrice de la série et sans en changer l’intégralité de la consistance.

Voir Freddie Highmore dans un rôle comme celui-là est dantesque et on espère prochainement le revoir comme personnage « méchant », car il arrive très bien à se débrouiller, cassant cette image de « gentil enfant jouant dans des films colorés et sentimentalement prenants » et parvenant à trouver sa propre voie en tant qu’acteur.

Bates Motel est à conseiller à tous ceux qui connaissent déjà l’histoire… ou ceux qui veulent la découvrir. C’est également l’occasion de faire connaissance avec un des plus grands films à suspense du 20ème siècle, Psychose, d’Alfred Hitchcock. Et puis, une série policière, teintée de thriller et de quelques moments franchement dérangeants, on ne va pas dire non. Si vous souhaitez faire une petite pause sur la longue route des séries télévisées, arrêtez-vous au Bates Motel ; vous y serez royalement accueillis.

Anecdotes

Dans le roman de Robert Bloch, Norman est un obèse alcoolique des plus antipathiques. Les créateurs de Bates Motel conservèrent donc l’image de Norman calquée dans le film d’Hitchcock de 1960, svelte, sympathique voire beau gosse.

Dans les épisodes, en anglais, Caleb, Norma Louise, Norman et Marion sont les seuls personnages à avoir leurs noms en titre. Trois membres de la famille centrale, et la victime iconique de Norman Bates.

Le titre en français de l’épisode 9 de la saison 5 est La Main au collet (Visiting Hours en VO). Il s’agit d’un film de 1955… d’Alfred Hitchcock.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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