Râpe et revanche

I Spit on Your Grave, réalisé en 1978 par Meir Zarchi, est également connu sous les appellations Day of the Woman et Œil pour œil, le titre mentionné en premier ayant été déposé définitivement en 1980 lors de la ressortie du film. Celui-ci fait partie du sous-genre controversé rape and revenge, mettant en scène un viol dans la première partie du métrage et la revanche de la victime ou de ses proches dans la seconde. Du coup, en 1978, ce film a fait grand bruit, étant interdit au moins de 18 ans dans de nombreux pays… et carrément banni dans d’autres.

Jennifer Hills se rend dans une maison isolée dans le Connecticut dans le but de pouvoir terminer son premier roman. Elle y fera la rencontre de quatre hommes des environs qui s’empresseront de la kidnapper pour lui faire subir les pires outrages. Détruite, souillée, elle est laissée pour morte. Elle va cependant réussir à s’en sortir et mettre au point sa terrible vengeance.

Le style rape and revenge, dont ce film est un exemple extrêmement concret, est déjà relativement connu à la fin des années 70. Avec des métrages comme La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven (1972) ou Crime à froid (1973) du suédois Bo Arne Vibenius, c’est tout naturellement que Meir Zarchi réalise I Spit on Your Grave. Controverse, difficulté de diffusion, dégoût du public, rien n’aidera ce métrage à se faire connaître avant sa publication en vidéo. Cela est-il légitime ?

Dans la première partie du film, l’aspect rape est clairement rendu réaliste, frappant, et inflige un profond malaise. Dénué de musique (si ce n’est un air d’harmonica carrément flippant), ce segment pose les règles établies du rape and revenge en n’épargnant absolument rien au spectateur. Dans la beauté du paysage, l’horreur de cette agression nous fait cligner des yeux et on espère qu’une chose, c’est que ça se termine. Non sans en rajouter une couche en faisant subir à Jennifer des humiliations affreuses, cela ne se fera pas en une seule fois, poussant le spectateur à se retrouver à nouveau bloqué dans une scène atroce alors qu’il pensait en avoir fini.

Les prestations des acteurs sont moyennes car tous ne sont pas issus du milieu du cinéma, la plupart étant même totalement amateurs. Seule Camille Keaton, qui joue Jennifer, a déjà tourné dans quelques films italiens avant d’arriver comme actrice principale dans ce métrage. Le ton sonne donc juste et la passation entre la victime et la vengeresse est correctement jouée. Mention spéciale à l’idée de la visite à l’église avant de passer à l’acte, donnant une transition intéressante entre les deux statuts du personnage. La demande du pardon divin avant l’acte expiatoire de sa haine offre une vision à la fois profonde et très seventies. Sinon, on se dira que ce n’est pas trop mal, mais que ça sent bon le film d’exploitation à fond les neutrons, notamment avec le personnage de Matthew qui devait, sans doute à la base, se retrouver dans une comédie burlesque plutôt que dans un film d’horreur. Dans l’ensemble, on est sans doute convaincu par certaines scènes car ce sont des humains jouant des salopards et non pas des acteurs jouant des personnages.

Pour la seconde partie, là, on se perd complètement dans l’espace intersidéral tant les actions et réactions deviennent complètement WTF. Jennifer met à exécution sa vengeance et tout ce petit monde va alors subir les foudres de sa colère… sans se soucier de leur personne. Une femme qui a été violée et qui revient en aguichant son agresseur, cela semble tout à fait normal, n’est-ce pas ? [ton ironique dans cette phrase]. C’est pourtant comme cela qu’elle parviendra à appâter deux de ses agresseurs sur les quatre, les abrutis ne remarquant même pas qu’il y a anguille sous roche. Néanmoins, cela permettra un petit défoulement gore, surtout pour la partie se déroulant dans une salle de bain.

La dernière partie du métrage sombre dans le convenu le plus total. On sait que les mécréants vont en avoir pour leur masculinité et qu’ils vont se faire dézinguer propre-en-ordre par Jennifer. Là encore, quelques effusions de sang, mais on restera dans le domaine du sage (quoique… peut-être pas pour les années 70, remarque). Le plan final est sans équivoque ; vengeance accomplie et… c’est tout.

A noter que des longueurs sont à prévoir en cours de film. Certaines actions semblent tourner en boucle (comme un bateau, tiens !) tandis que des plans longs et sinueux vont se dérouler entre la plupart des scènes, comme pour combler un certain vide. Cela est-il dû aux nombreuses coupes effectuées sur le film pour qu’il passe dans les salles à l’époque ? Aucune idée mais sur le fond, ça fait clairement traîner l’intrigue et sa fatigue énormément nos mirettes.

Le rape and revenge avait pour vocation de montrer l’horreur d’un viol et de donner satisfaction à la victime (ou ses proches… ou le spectateur) en détruisant les violeurs dans un excès de sang et un accès de vengeance. Le seul souci, c’est que même si ces fieffés salopards méritent une bonne remise à niveau, le meurtre en lui-même est également condamnable. Le genre devient donc un exutoire pour le spectateur qui réclame lui-même vengeance, brandissant torches et fourches, et attendant des exécutions à la hauteur du crime. Œil pour œil, comme l’indique l’un des titres.

Donc, au final, on râpe du temps de métrage sur des actions sans conséquences et on réclame haussement « Revanche ! » parce qu’on a l’impression d’avoir clairement été blousé. Il s’agit bien d’un film ayant eu son petit lot de scandales et de mises à pied, mais je reste convaincu qu’il est possible de vivre une vie de cinéphile sans pour autant lorgner sur cette production des années 70. Avec une première partie violente et choquante et une seconde partant totalement dans le bis et le WTF, il s’agit ici d’un produit très irrégulier. Si vous souhaitez en savoir plus sur le sous-genre du rape and revenge, ce film une pierre angulaire. Si vous vous en battez les steaks… passez votre chemin.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

Partagez cette page