Qui garde le gardien ?

Le film dont nous parlons ici a été présenté au Festival International du Film de Toronto en septembre 2019 avant que les productions Blumhouse n’acquièrent celui-ci début 2020. Généralement, les films d’horreur se contentent de nous brosser le tableau d’une situation globale, peinant parfois à nous plonger à l’intérieur de celle-ci. En visionnant The Vigil, j’ai eu l’impression de retrouver cette immersion totale que j’avais déjà ressentie en regardant Under the Shadow. Le réalisateur de The Vigil, Keith Thomas, signe ici son premier long métrage… et fait fort ! Nous plongeons dans les traditions de la communauté juive orthodoxe de Brooklyn avec une veillée funéraire terrifiante. Est-ce que nous allons être bluffés ? L’horreur est-elle au rendez-vous ? Quel est le véritable démon du film ? On prend son courage à deux mains ; ce n’est qu’une mauvaise nuit à passer, moment idéal pour se lancer dans la critique.

Yakov (Dave Davis) vient de quitter la communauté hassidique de Boro Park, à Brooklyn. A court d’argent, il accepte un travail de « shomer » (non, je ne ferai pas de jeu de mots…), consistant à veiller sur le corps d’un défunt durant la nuit avant l’arrivée des pompes funèbres. Le souci ? Un démon semble apparemment lié au disparu… ou est-ce la culpabilité de Yakov qui refait surface ?

S’étant récemment émancipé de sa communauté, Yakov est un peu perdu et retrouve d’autres de ses amis une fois par semaine pour s’adapter à sa nouvelle vie. Ayant perdu tragiquement son petit frère lors d’une rixe antisémite, on sent la fragilité de son psychisme dès les premières minutes. Dave Davis nous gratifie d’un personnage torturé et complexe, se battant contre une culpabilité tenace et une adaptation peu évidente.

C’est donc tout naturel qu’il accepte le travail de shomer que lui propose Reb Shulem (Menashe Lustig). Il doit donc veiller sur le corps de M. Litvak durant la nuit précédant l’arrivée des pompes funèbres. La veuve de ce dernier, Mme Litvak (Lynn Cohen) se trouve dans la maison et crapahute étrangement durant la nuit. Le corps est allongé au salon sur un brancard, la lumière est tamisée ; tous les ingrédients sont présents pour une nuit d’horreur.  

Il faut préciser que nous sommes en présence d’une production sortant des habituels films des productions Blumhouse. Ça bouge peu et on reste dans une ambiance feutrée quoique terriblement tendue. Les lumières qui clignotent, les ombres traversant la pièce, les bruits suspects, on sent une présence malsaine tout au long du film qui ne nous lâchera pas d’un pouce.

En jouant la carte de la subtilité surnaturelle, le réalisateur peut donc se lâcher sur l’écriture des personnages… principalement celui de Yakov. Comme mentionné précédemment, il s’agit d’une personnalité complexe, oscillant toujours entre la fracture définitive de sa rationalité et son acceptation de la situation. Sa perte de foi est d’ailleurs un thème central au récit, servant de catalyseur, principalement dans les dernières minutes.

De plus, nous sommes totalement immergés dans le monde de la communauté juive orthodoxe. Le concept même du shomer est très peu connu et sert de base fiable à une nuit horrifique. Qui plus est, les dialogues sont en anglais ET en yiddish, apportant une dimension complémentaire à l’histoire en nous plongeant dans cet univers complexe et intéressant que sont les traditions juives.

La nuit que va passer Yakov est donc teintée d’événements plus étranges les uns que les autres ; coup de fil de son psy qui n’est pas celui que l’on croit, vidéo de M. Litvak expliquant l’existence d’un démon rôdant autour de lui, présence impromptue de Mme Litvak à divers moments, l’angoisse est partie intégrante de l’histoire du début à la fin.

Et le méchant démon, dans tout ça ? Le Mazik est assez trouble pour instaurer la peur sans se révéler totalement. Contrairement à d’autres films, The Vigil reste peu bavard sur son antagoniste, ce dernier ne servant qu’à faire ressortir des peurs plus concrètes, comme celle que ressent Yakov par rapport au pardon de son petit frère. Une scène à la fois angoissante et touchante, usant simplement d’un drap et d’un bon jeu d’acteur, représente à elle seule toute la détresse du personnage.

Comme l’a dit le réalisateur à l’occasion d’une interview, le vrai démon, c’est l’antisémitisme. Tout démarre dans les environs de Buchenwald pendant la Seconde Guerre Mondiale et tout semble recommencer avec Yakov, possédant une grande culpabilité après son agression. En transposant le mal issu d’actes terrifiants dans l’imagerie démoniaque, Keith Thomas nous livre un message sur les conséquences de telles horreurs.

Ce n’est donc pas seulement un film d’horreur mais un chemin vers une possible rédemption, celle de Yakov. Seule sa détermination et sa foi parviendront à passer au-delà de la tragédie dont il a été victime. Un message bien complet dans une immersion totale, tout cela pour en arriver à un final révélateur et cohérent avec le reste du métrage. Un très beau travail !

Cependant, j’ai juste un souci avec le dernier plan du film. Si certains d’entre vous l’ont vu, qu’en avez-vous pensé ? Yakov en a-t-il réellement terminé avec le démon ? J’attends vos commentaires !

En restant respectueux des traditions juives et des standards horrifiques, Keith Thomas nous livre un film d’horreur bien construit, complexe et fouillé. C’est dingue comme une nuit dans une petite maison pour garder un corps peut être angoissante. Pour ceux qui veulent des métrages qui traitent leur sujet à fond et qui veulent cogiter un brin sur les métaphores cinématographiques, ne manquez pas ce film. 

Que la paix soit sur vous.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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