Irish Gothic Style

The Lodgers, sorti en 2017, est ce que l’on pourrait appeler un film d’horreur gothique, ou « gothic horror ». Ce genre, prenant en compte un grand nombre de paramètres, est teinté de nature morte, de grande bâtisse, de personnages mystérieux, de héros au grand cœur et d’un déroulement à la fois lent, posé et intriguant. C’est le réalisateur irlandais Brian O’Malley (Let Us Prey) qui met en boîte ce métrage d’un autre temps, où surnaturel, macabre et révélations surprenantes se lient pour ne faire qu’un. La question est ; est-ce que tout cela va bien ensemble ? Dans la froideur et l’obscurité de la nuit, ce n’est pas facile de distinguer le bon du mauvais. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Rachel (Charlotte Vega) et Edward (Bill Milner) sont jumeaux. Ils vivent tous les deux dans une grande bâtisse en Irlande. La nuit venue, d’étranges et sinistres locataires sortent d’une trappe dans le hall d’entrée et investissent la maison. Les jumeaux vivent leur quotidien régit par trois règles ; ils doivent être au lit à minuit ; aucun étranger ne doit franchir le seuil pour entrer dans la maison ; et ils doivent impérativement vivre ensemble. L’arrivée d’un notaire et d’un soldat blessé va bouleverser leur vie.

Une grande bâtisse au milieu de nulle part avec d’étranges entités qui sortent de leur tanière à minuit ? Classe ! Mais pour aider à la chose, il faut des acteurs convaincants. Charlotte Vega, la sœur, interprète bien son personnage de Rachel, tiraillée entre son frère, les règles établies et son amour pour Sean (Eugene Simon). Tiraillée, c’est le mot, car on ne sait pas vraiment où elle veut en venir. Soit l’esprit déstabilisé du personnage est montré avec brio, soit ça valdingue comme un bateau dans une tempête. Son frère Edward est interprété par Bill Milner, cabotinant parfois mais réussissant à conserver cet aspect flippant à tout instant. Pour l’anecdote, cet acteur a déjà été vu dans X-Men : First Class dans le rôle du jeune Magneto séparé de ses parents.

Eugene Simon est le soldat blessé qui revient dans son village. Ayant perdu une jambe durant la Guerre d’indépendance qui fait rage, il va tomber sous le charme de la belle Rachel, devenant en même temps le créateur des problèmes et leur résolution. Rôle un peu effacé pour celui qui a joué Lancel Lannister dans Game of Thrones. Notons la présence de David Bradley, Argus Rusard dans Harry Potter et également présent dans Game of Thrones sous les traits du vil Walder Frey. Ici, il campe un notaire ferme mais malchanceux.

La distribution est courte et on ne parvient clairement pas à savoir s’il faut aimer ou haïr les personnages. Les prestations sont cependant soignées, notamment celle d’Edward, entouré de mystère et carrément angoissant par moment. Mais comme dans tout bon film à ambiance, on en apprend réellement sur les protagonistes que sur la fin et cela apporte une dimension supplémentaire à ces derniers, ratant de peu un manque de profondeur gênant.

Le scénario est bien entretenu sur la durée, donnant des informations au compte-goutte sans pour autant faire exploser des révélations ultimes. On suit le quotidien des jumeaux, elle s’en allant faire des courses et lui restant traîner à la maison. Cela semble cruellement morne, mais on apprend une foule de détails sur les personnages, notamment leur caractère bien trempé et leur lassitude de vivre ainsi.

Le rythme est en demi-teinte, tantôt longuet et contemplatif, tantôt sachant s’imposer. Il en va de même pour la tension, tangible à certains instants pour s’évanouir le moment suivant. Pour faire court, le film, c’est du 50-50. On s’ennuie, puis vient une information importante. On s’ennuie de nouveau, puis arrive une scène un peu plus tendue. On s’ennuie… bref, vous avez compris le principe.

La tension et l’horreur sont donc tranquilles dans ce film. Une ambiance est clairement mise en place (c’est un peu le but du gothic horror) et on la préfère à la place d’avoir des jump-scares toutes les deux secondes. Même si le mystère entourant l’histoire des jumeaux est intriguant et que certaines scènes se valent horrifiques, il s’agit-là d’horreur pépère.

On se traîne donc un peu jusqu’à un final un peu surfait dans son traitement, mais cohérent avec l’histoire du métrage. La révélation concernant les jumeaux est logique (on la voit venir avant qu’elle ne soit dite à l’écran) et apporte un aspect malsain au film, expliquant par là même le pourquoi du comment des bestioles (esprits) se trouvant dans la trappe sur laquelle nous avons eu tant d’arrêt sur image.

Un scénario penaud, des acteurs parfois peu convaincants… mais une image et un cadrage impeccables ! Les plans sur la maison, l’intérieur de celle-ci, les alentours de la propriété, les ruines près du village ; le cadre dans lequel évoluent les personnages est splendide. Les scènes où les personnages semblent être dans l’eau sans réellement s’y trouver sont visuellement cossues. The Lodgers est blindé de bonnes idées visuelles, précises et auxquelles on a apporté un soin tout particulier.

On note une mise en avant de la problématique de l’identité. Les villageois raillant Sean pour son incursion au combat apparemment du côté des anglais ; Rachel qui a son cœur qui balance entre sœur et potentielle épouse ; Edward qui veut être un frère mais aussi un vaillant défenseur des règles. On sent que tout ce petit monde ne sait pas clairement qui il est… et cela amène à des actes aux conséquences barbares.

La symbolique du passé est également omniprésente dans le film. Les anciens propriétaires des lieux, s’étant tous suicidés en se noyant, possèdent une histoire glauque à souhait… qui se répète avec Rachel et Edward. Le sacrifice nécessaire pour que la jeune femme puisse s’émanciper est cher payé mais cela lui permet de partir pour contempler de nouveaux horizons. A préciser le symbole de l’oiseau sur la dernière image qui implique que le passé, quoi que l’on fasse, ne nous lâchera jamais. 

Les amateurs d’ambiances stylisées début 20ème siècle et les mordus d’histoires de fantômes familiales, vous pouvez vous ruer sur The Lodgers. Il reste un petit film sympathique, une sorte de bouffée d’oxygène dans un milieu horrifique blindé de jump-scares et d’histoires à rallonge. Malgré quelques longueurs, un casting mi-figue, mi-raisin et un souvenir qui s’éteindra peu après le visionnage, l’image vaut clairement le coup ainsi que ce changement de cadre. L’Irlande, quel beau pays !

Du coup, l’étang devant la maison, je vais en faire un parking. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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