The Voice

Cela pourra peut-être en surprendre certains mais le cinéma suisse existe. Bien trop souvent mis de côté et possédant tout de même des idées et des réalisations fichtrement bien orchestrées, c’est donc avec délectation que j’ai procédé au visionnage de Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale sorti en 2019. Ce biopic narre la vie de l’activiste écologiste suisse de 1984 à sa disparition en 2000. Pour réaliser ce métrage, c’est Niklaus Hilber qui s’y colle. L’homme aux commandes de Cannabis et Amateur Teens va-t-il nous souffler ? Un budget de six millions de francs suisses est-il justifié ? La forêt sera-t-elle sauvée ? Pour le savoir, on prend son sac à dos, son anti-moustiques et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Vu au Cinéma Colisée de Couvet !

Recherchant « l’essence profonde de l’humanité », Bruno Manser (Sven Schelker) se rend dans la forêt tropicale de Malaisie pour tenter d’y retrouver le peuple Penan, des nomades ayant conservé un style de vie très proche de la nature. Il parvient à les retrouver et à se faire accepter auprès d’eux. Mais l’industrie du bois procède à une déforestation massive de la région. Pour sauver sa famille d’adoption, Bruno Manser va leur apprendre à se défendre.

L’acteur principal, Sven Schelker, n’en est pas à son coup d’essai. Comédien suisse, il s’est déjà collé à plusieurs longs métrages et séries télévisées, dont quatre épisodes d’Homeland. Raflant deux récompenses pour sa prestation dans le film Der Kreis de Stefan Haupt, il prend son travail au sérieux. Le résultat se voit à l’écran car sa prestation de Bruno Manser est franchement prenante. Irrémédiablement humain et souhaitant défendre ceux qu’il aime, sa détermination ne connaît aucune limite, sans compter une ressemblance physique parfois troublante.

La majorité du casting (principalement le peuple Penan) est composée de comédiens amateurs qui parviennent tout de même à rentrer dans le moule. On peut aussi noter la présence de Matthew Crowley dans le rôle de Carter-Long, un journaliste soutenant Bruno Manser, et Verdi Solaiman aidé de sa filmographie fournie qui gère l’abattage, la clope au bec. Le rôle d’Along Sega interprété par Nick Kelesau est également énorme ; le chef de la tribu des Penan nous embarque dans une empathie bienvenue et nous gratifie même d’un franc rire en fin de métrage.  

Le gros point fort du film, c’est son authenticité. Des paysages fabuleux, une forêt tropicale pas toujours amicale, une vie nomade simple flirtant avec les dangers quotidiens, on en prend plein les yeux. La photographie est magnifique et on se fait transporter comme de rien au beau milieu de ce paradis vert. La vision de toute cette fourniture de verdure est mise à mal par la déforestation qui ravage la région, privant les Penan de leurs sources de nourriture et de leur « maison ».

Bruno décide alors de répliquer sans violence en organisant des barrages routiers. Le premier intervient en 1985 et est un franc succès, la production de bois étant stoppée. Mais le blocus ne sied pas à tout le monde et le gouvernement malaisien voit d’un très mauvais œil cet homme blanc qui défend les intérêts d’une tribu qui empiète sur le passage.

En 1990, sa tête étant mise à prix en Malaisie, Bruno décide de retourner en Suisse. Considéré comme un écoterroriste dans son pays d’adoption, il va devoir trouver de nouvelles manières de se battre depuis le territoire helvétique et devra pour cela soulever des fonds et faire prendre conscience aux peuples occidentaux que la forêt revêt une importance vitale pour d’autres êtres humains.

L’écologie est un sujet qui fait extrêmement parler de lui ces dernières années. Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale tombe donc à point nommé dans cette ambiance où la survie de la nature semble dépendre plus que jamais de notre manière de vivre. Sans être moralisateur, le film nous montre que les conséquences du système mis en place peuvent être gravissime pour des peuples à l’autre bout du monde. A qui appartient d’endosser la responsabilité ? Je vous laisse juge ; ce n’est pas le débat ici.

Car Bruno Manser a livré un combat acharné durant des années et c’est exactement ce qui est représenté dans ce film. D’ailleurs en fin de métrage, on sent une certaine langueur nous envahir, tout comme celle qu’a dû ressentir M. Manser en se débattant pour trouver des solutions afin d’aider le peuple Penan et protéger l’avenir de la forêt tropicale.

La première partie du film nous fait clairement rêver ; la découverte du peuple Penan, la vie quotidienne de ces derniers, leurs coutumes, l’incursion de Bruno Manser dans cet univers, on sent bien que quelque chose se passe. La beauté du lieu aide grandement et certains endroits de tournage sont effectivement ceux traversé par l’aventurier suisse.

Dès que la déforestation fait son entrée, on va alors découvrir une nouvelle facette du Penan Blanc ; celle du défenseur, celui qui connaît les méthodes pour parvenir à stopper cette folie sans violence. Misant sur une certaine tension, on continue avidement le visionnage du film et cela jusqu’à la dernière partie se déroulant majoritairement en Suisse, là où Bruno Manser tente de trouver des solutions pour arrêter ce massacre écologique.  

Le principal souci du film ? C’est exactement le même que celui que l’on retrouve dans pratiquement tous les biopics ; la mince frontière entre l’ordinaire et l’extraordinaire. Même si le film tient clairement ses promesses, nous balance du lourd visuellement et nous gratifie d’un acteur principal transcendant, n’en reste que certains effets « ta gueule, c’est magique » plombent un peu l’ambiance. On peut citer l’arrivée d’Ubung (Elizabeth Ballang) auprès de Bruno pour le sauver d’une morsure de serpent, alors que d’après la véritable histoire, il s’en serait tiré seul. Un exercice risqué dans un film comme celui-ci.

Surtout que la véritable histoire de Bruno Manser n’est pas avare en épisodes périlleux. Entre le fait qu’il ait failli mourir lors de l’escalade d’une montagne en restant accidentellement pendu dans le vide pendant 24 heures (on est loin de 127 heures… mais tout de même), qu’il ait dévalé un câble de funiculaire gelé sur près de trois kilomètres en Suisse ou sa tentative de retourner en Malaisie grâce à un deltaplane à moteur, y’avait de quoi faire des trucs dingues sans en rajouter.

Faisant de Bruno Manser un défenseur déterminé, cherchant encore et encore à trouver des solutions pour sauver la forêt, le réalisateur maintient tout de même un côté humain. Le personnage a ses doutes, ses craintes et craque même parfois. On ne peut pas nier une grande mise en avant de ce dernier, lui donnant parfois une aura pratiquement surnaturelle, mais dans l’ensemble, on peut s’identifier à lui comme quelqu’un à la fois passionné et meurtri, dévoré par une patience qu’il se doit de conserver pour atteindre ses objectifs.

Le film ne parle pas de l’humain face à la nature mais plutôt de l’humain aux côtés de la nature. En conservant cette détermination sans borne à sauver les différentes essences de bois, Bruno Manser à trouvé celle de l’humanité. On peut relativiser le métrage en disant que lorsque nous avons quelque chose au plus profond de nous, ce ne sont pas les années ni une affiche « Wanted » qui nous empêcheront d’aller jusqu’au bout. D’où, sans doute, la disparition sans laisser de traces de Bruno Manser en 2000.

Personnellement, j’ai passé 2h22 fortement sympathiques devant le grand écran. Avec une mise en scène soignée, des paysages magnifiques, des personnages dans le tir et une cause à défendre avec toutes ses tripes, Bruno Manser – La voix de la forêt tropicale peut se vanter d’être un film qui arrive au bon moment et qui permet de nous faire réfléchir. Bruno Manser est définitivement « The Voice » car son cri pour sauver la forêt, envers et contre tout, résonne encore aujourd’hui.

Tiens, ça me fait penser qu’il faut que j’arrose mon yucca.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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