Paranormal en plein conflit

Il faut parfois un peu gratter la surface pour découvrir des choses potentiellement intéressantes. C’est le cas avec Under the Shadow. J’ai tout d’abord appris qu’il s’agissait d’une réalisation de Babak Anvari, un réalisateur anglo-iranien. Ensuite, le film se déroule pendant les raids aériens sur Téhéran dans les années 80. Pour terminer, les protagonistes du métrage se retrouveraient face à un djinn. Quoi de mieux pour me convaincre de jeter un œil (voire les deux) afin de découvrir ce que ce savant mélange peut donner. C’est donc sans conviction, ni espoir, ni appréhension que j’ai lancé le visionnage… et je n’ai pas été déçu. ATTENTION : cet article contient des spoilers

En pleine guerre Iran-Irak, plusieurs raids aériens sont dirigés sur la ville de Téhéran. Les conflits s’intensifient de part et d’autre du territoire. C’est dans ce contexte obscur que vit la famille de Shideh (Narges Rashidi). Son époux Iraj (Bobby Naderi) doit repartir au front en tant que médecin, la laissant s’occuper de leur fille Dorsa (Avin Manshadi). La mère et la fille seules à la maison, aux prises avec les fréquentes alertes de bombardements, devront également faire face à une autre menace ; un djinn a décidé de s’attaquer à elles.

Ce qui m’a intéressé tout d’abord dans ce métrage, c’est la localisation historique. On se retrouve à Téhéran, au début des années 80, dans une ambiance de guerre omniprésente, les journées étant rythmées par des sirènes invitant les habitants à se terrer au sous-sol afin d’échapper aux bombardements. Il est impressionnant de constater que malgré la menace surnaturelle du présent métrage, ce qui nous prend le plus aux tripes, c’est quand même cette foutue sirène.

Il y avait ensuite le contexte culturel. Shideh, ancienne étudiante en médecine, expulsée des cours à la suite de sa participation à des manifestations lors de la révolution iranienne, se retrouve mère au foyer sans pouvoir accéder à la fonction qu’elle souhaitait. On sent toute la frustration de cette jeune mère de famille, surtout lorsqu’elle voit son époux s’en aller au front pour sauver des vies. Désirant s’émanciper culturellement et devenir médecin comme sa mère le voulait, elle se retrouve cloîtrée chez elle.

Du coup, les acteurs sont clairement dans le ton par rapport à ce qui est demandé. Qu’il s’agisse de Shideh ou de son époux, on s’y croit clairement. Mention spéciale à la petite Dorsa jouée avec brio par Avin Manshadi et convaincante dans chacune de ses apparitions, non sans être parfois quelque peu flippantes. Les autres protagonistes qui habitent l’immeuble apportent juste la touche quotidienne nécessaire en montrant comment les gens agissent entre eux en situation de crise, donnant même à Shideh la possibilité d’user de ses connaissances en médecine. Lors de ses quelques sorties à l’extérieures, c’est également la possibilité pour nous de voir comment cela se passait lors de contrôle de la part des autorités.  

Avec tout cela, nous n’avons pas encore entamé le sujet du djinn. Ces créatures démoniaques du folklore arabe sont déjà présentes dans un certain nombre de métrages horrifiques. Cependant, c’est la première fois que je vois ce genre de créature traité de cette manière. Pour commencer, le principe est simple ; un djinn ne peut avoir d’emprise sur vous que s’il possède un de vos objets personnels, si possible qui vous tient le plus à cœur. C’est là que Kimia, la poupée de Dorsa, entre en jeu.

Car tout (ou presque) va partir de là. Après l’arrivée dans l’immeuble d’un jeune garçon dont les parents ont été tués lors d’un raid aérien, le djinn va débarquer et s’emparer de la poupée de la fillette, non sans rendre cette dernière en colère notamment contre sa mère. Persuadée que celle-ci la réprime et qu’elle lui a pris sa poupée, les tensions vont aller grandissantes dans le duo mère-fille. Le djinn va d’ailleurs profiter de cela pour taper la causette à la gamine… et faire voler en éclat la famille.

De plus, le djinn possède la capacité de changer d’apparence et déboule parfois comme un coup de vent sous la forme d’un chãdor fleuri. Même si ce genre d’apparition peut sembler grotesque dans un film horrifique (avec des effets relativement décelables) n’en reste que l’on n’est pas rassuré car on sent bien que l’étau se resserre et qu’il reste peu de temps à Shideh pour sauver la situation.

Sur tous ces points, le scénario est donc rodé. On fait connaissance de la famille et après le départ du père, tout démarre. La tension va crescendo, faisant douter Shideh de sa propre santé mentale… et la nôtre en prend également un bon coup. On se demande ce qu’il se passe et chacune des apparitions du djinn nous laisse avec un frisson convaincant, tant les choses se font avec une douceur terrifiante.

Tout cela jusqu’à un retournement de situation final qui nous fait clairement stresser (sans rire, dans votre tête, n’avez-vous pas remonté les escaliers aussi vite que Shideh ?) et qui apporte une finalité à l’histoire sur un ton qui n’est clairement pas optimiste, là où apparemment mère ET fille se retrouvent sous l’emprise du djinn, cette fois-ci sans réelle possibilité de retour.

Ici, le djinn possède fortement cette symbolique de menace ; il est omniprésent, peut intervenir à tout moment et possède une force inimaginable. Il est le parallèle de la guerre qui fait rage à l’extérieur et qui menace la famille à tout instant à la différence près qu’avant les attaques du djinn, il n’y a pas de sirène. On cherche donc à nous montrer une double profondeur de menace, permettant non seulement une immersion dans un contexte historique ayant existé et usant, en parallèle, d’un contexte paranormal accentuant l’effet de peur.

N’utilisant pas de jump scare inutile ou d’image choc afin de nous coller les miquettes, le réalisateur y va tranquille en nous augmentant la tension de manière à nous tétaniser en temps et en heure. Bien sûr, on ne se retrouve pas à griffer puissamment son canapé pour éviter de sombrer dans une terreur sans nom, mais la tension présente durant tout le métrage est bien gérée et fortement bienvenue.

Under the Shadow nous place sous l’ombre du djinn et des conflits internationaux. Sous couvert de cette période sombre de l’Histoire, le réalisateur nous invite à participer à un voyage au-delà de nos frontières, non seulement dans le contexte social mais aussi dans la mise en œuvre d’un film d’horreur atypique et intéressant. Fan de la première heure de tout ce qui peut s’apparenter à une expérience de visionnage permettant d’élargir ses horizons, ce film est pour vous.

Et… RIP Kimia.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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