Un Maya l'endroit, un Maya l'envers

Mel Gibson, en plus d’être acteur, est également réalisateur. On peut compter ses réalisations cinématographiques sur les doigts d’une main : L’Homme sans visage (1993), Braveheart (1995), La Passion du Christ (2004), Apocalypto (2006) et, récemment, Tu ne tueras point (2016). Ici, nous nous intéressons à la civilisation Maya. Ce film a souvent été critiqué pour son manque d’historicité et ses imprécisions terribles sur les différentes périodes de l’ère Maya ainsi que sur leurs pratiques. Mel Gibson est connu pour frapper un grand coup dans ses réalisations, et celle-ci n’échappe pas à la règle. Cependant, est-ce que les 138 minutes de métrage valent le coup ? Mel Gibson déchaîne-t-il toujours les passions ? Est-ce que la célèbre abeille fait un caméo dans le film ? Dirigeons-nous vers la Péninsule du Yucatán pour en savoir plus ! ATTENTION : cet article contient des spoilers

Ciel de Silex est le chef d’une petite tribu dans une forêt Mésoaméricaine. La vie y est faite de parties de chasse, de travail et de blagues. Un matin, tout le village est envahi par des guerriers Mayas tuant la plupart des habitants, conservant néanmoins quelques prisonniers. Patte de Jaguar, le fils du chef, met sa famille (sa femme, Sept, enceinte, et son fils aîné, Course de Tortues) à l’abri dans un puits et retourne se battre. Il ne vaincra pas et sera fait prisonnier. Le voilà parti pour un voyage dont la destination terrifiante ne fera que révéler le guerrier impitoyable qui sommeille en lui.

Pour commencer, il est nécessaire de préciser que la langue utilisée dans ce film est le maya yucatèque… et il n’existe aucun doublage. Donc, il vous faudra passer par la case « sous-titres » histoire de savoir de quoi il en retourne, à moins que vous ne parliez couramment le maya yucatèque. Ensuite, ce n’est pas un documentaire, ou une sorte de métrage pesant et longuet. Apocalypto se dirige plus vers l’aventure mouvementée, voire l’action. Il m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à 10'000 de Roland Emmerich, pourtant sorti deux ans plus tard.

Ceci étant dit, passons aux acteurs ! Pour la plupart, ils vous seront, sans doute, complètement inconnus. Le rôle titre est tenu par Rudy Youngblood, un Natif Américain qui s’est pointé à un casting… et a eu le rôle ! Jouant le personnage de Patte de Jaguar, le jeune homme se débrouille admirablement bien et permet une empathie directe avec le public. Son père, Ciel de Silex, est interprété par Morris Birdyellowhead (je vous promets que les noms sont authentiques). Natif Canadien de son état, sa prestation est touchante et dans le ton de ce personnage fort qui reste malgré tout un père. Sept, la femme de Patte de Jaguar, est jouée par Dalia Hernández. Bien présente à l’écran, restant pourtant principalement dans son puits, elle apporte non seulement de la féminité mais également un but ultime pour notre jeune guerrier en devenir. Celui qui possède la filmo la plus étoffée est sans doute Raoul Trujillo. Aperçu dans Highlander III (1994) et présent plus tard dans Cowboys et Envahisseurs (2011) et Riddick (2013), son look de méchant et sa capacité à foutre les jetons rien qu’en arrivant dans une pièce font de lui un parfait Zéro Loup, personnage antagoniste par excellence.

Apocalypto, ce n’est donc pas un documentaire. Mel Gibson s’est apparemment planté au niveau de l’historicité (aux dires de certains experts) mais il a voulu donner à son film une touche d’authenticité bienvenue. Dès lors, les décors, les costumes, le langage utilisé, tout concorde à nous mettre en plein milieu de la civilisation Maya. Un joli tour de main de la part du réalisateur qui souhaitait réellement faire plonger le spectateur dans cet univers. Même si ce dernier reste incohérent et fictif (le coup de la lune m’a fichu un coup, moi qui aime l’astronomie), l’immersion se fait tout de même.

Car il ne faut pas appréhender ce métrage comme un documentaire ou le moyen de nous faire découvrir les véritables pratiques du peuple Maya en ce temps-là. Une fois l’attaque du village passée, c’est le début d’un périple à travers les terres pour se rendre dans le fief de la culture Maya, histoire de sacrifier quelques prisonniers pour apaiser les dieux. C’est à partir de là que le film va prendre des tournures d’aventure extrême, Patte de Jaguar parvenant à s’enfuir. Blessé, poursuivi par des guerriers Mayas (dont notre fameux Zéro Loup), il n’aura en tête que l’amour pour sa femme et courra pour la retrouver au plus vite et mettre fin à ce cauchemar.

Le scénario se suit donc sans difficulté, traitant les points de passage les uns après les autres et nous proposant une balade dans la jungle loin d’être banale. Les personnages collent à l’univers, l’univers colle au contexte, le contexte colle à l’histoire, tout concorde au final pour que le divertissement soit total. Oui, divertissement, car comme dit précédemment, ce n’est ni un documentaire ni un film en slow motion. Ça va donc potentiellement envoyer du lourd.

Les scènes d’action, se trouvant majoritairement à la fin, tendront nos muscles sur le canapé où nous nourrirons l’espoir que Patte de Jaguar parvienne à s’en sortir et retrouver sa belle. Les scènes en question seront couplées avec des effusions de sang, donnant un ton réaliste et violent au métrage. Empalement, sacrifice humain, plantage de flèches et de javelots, les blessures et les giclés d’hémoglobine ne seront pas rares et apportent un cachet brut au film, ce qui n’est pas pour déplaire.

Du coup, que du bon dans cette province Mésoaméricaine ? Eh bien, si l’on exclut les ratés historiques et astronomiques du réalisateur, reste tout de même deux-trois choses. Certaines scènes tireront sur la corde histoire de faire passer le temps, faute de pouvoir instaurer une réelle tension (lorsqu’ils manquent de se casser la gueule dans le ravin sur le chemin de la cité Maya). Mais ce n’est pas cela qui m’a le plus sauté aux yeux et, soyons honnête, ce n’est pas si dérangeant.

On admettra aussi tout le passage dans la forêt où les poursuivants de Patte de Jaguar se font occire les uns après les autres grâce à des situations et des pièges divers (c’est à cette occasion que nous aurons une courte apparition de Maya l’abeille). Cela donne une action non négligeable et permet au film d’être dans un rythme soutenu et dans sa ligne de conduite. Le passage de la prophétie, via une petite fille flippante, qui finit par se réaliser grâce à notre ami Patte de Jaguar est aussi admissible. Les Mayas et les prophéties, c’est une longue histoire (sauf pour 2012 où c’était un réel plantage).

Ce qui m’a le plus surpris, c’est la tonne excessive d’éléments de tension scénaristique dans les dernières minutes ; les poursuivants, la pluie qui se met à tomber, l’eau qui monte dans le puits, Sept qui peine avec son aîné… et l’accouchement qui se déclenche. Comme si un camion-benne de situations critiques venait de se délester de son chargement. Bien entendu, cela est censé apporter une tension plus solide et un rythme plus effréné, mais au final, on se demande ce que ces pauvres habitants de la forêt ont fait pour mériter ça. Trop de tension tue la tension.

Mais tout se terminera comme cela doit se terminer. Le film traitant de la décadence de la civilisation Maya (et de l’arrivée des conquistadors espagnols, l’espace de quelques secondes), notre ami Patte de Jaguar, son épouse et sa progéniture ne connaîtront pas le même sort. Déjà que tout un peuple va se casser la gueule, il pouvait bien y avoir quelques survivants.

Apocalypto est un film sur lequel il serait possible de disserter de nombreuses heures afin de relever toutes les symboliques s’y trouvant. Cependant, afin de ne pas m’étendre outre mesure, je vais simplement relever une dénonciation intéressante parmi d’autres ; l’abus de pouvoir. D’un côté, nous avons les membres de la tribu de Patte de Jaguar. Vivant dans la forêt, se nourrissant grâce à la cueillette et à la chasse, plaisantant entre eux, il s’agit d’une figure de simplicité, d’amitié et de respect de l’autre. En arrivant dans la civilisation Maya à proprement parler, ils vont découvrir l’inverse. Les personnes de haut-rang abusent de leur connaissance en astronomie (l’éclipse) pour tenir le peuple dans la peur. Ils sacrifient violemment des humains pour assouvir leur soif de sang et conserver les petites gens sous leur autorité. L’échange de regard entre le sacrificateur et le roi est tout à fait explicite, tout comme le comportement du mioche de la famille royale, tout content de voir des êtres vivants se faire arracher le cœur et décapiter. Si seulement la tribu n’avait pas été arrachée à sa forêt, elle aurait pu vivre encore bien longtemps. Cela ramène à la phrase qui débute le film et qui est une citation de Will Durant, historien et écrivain américain : « Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur ». Le lien est donc fait entre le comportement des « nobles » et la décadence de la civilisation Maya. Du moins, dans le film.

Apocalypto est un divertissement extrêmement bien foutu. Des acteurs peu connus mais talentueux, des paysages et des costumes à couper le souffle, une aventure bien rythmée et prenante, de la violence justifiée dans son scénario, tout y est pour passer un agréable moment. Les quelques dérapages n’égratignent pas le plaisir de découvrir ce film, traitant d’une civilisation que l’on ne voit que trop peu au cinéma. Armez-vous d’un grand bol de pop-corn afin que votre main ne cherche pas indéfiniment votre pitance lorsque vous lirez les sous-titres. A très peu de choses près, c’était un chef-d’œuvre !

« Oulak ! »

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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