Ouvrez la cage aux zoziaux

La réalisatrice danoise Susanne Bier n’en est pas à son coup d’essai. Active derrière la caméra depuis le début des années 90, on lui propose de se mettre aux commandes de l’adaptation du roman Bird Box de Josh Malerman paru en 2014. Traitant de monde post-apocalyptique, de folie suicidaire et de la maternité de Sandra Bullock, le film apparaît sur Netflix fin 2018. Il devient rapidement l’un des métrages les plus regardés sur la plate-forme de streaming. Est-ce une bonne chose ? Les oiseaux se trouvent-ils dans une cage dorée ? La vente de bandeaux a-t-elle explosée après la sortie du film ? On se cache les yeux et on démarre la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Malorie (Sandra Bullock) se rend à un bilan de grossesse avec sa sœur Jessica (Sarah Paulson). Peu désireuse de devenir mère, ses interrogations maternelles sont radicalement stoppées par une vague de suicides sans précédent à travers le monde, apparemment due à des créatures qui rendent les humains fous s’ils les voient. Dans un chaos total, Malorie va se planquer dans une grande maison avec plusieurs autres survivants et se trouve être obligée de terminer sa grossesse en pleine apocalypse. 

Avec son CV et son palmarès, c’est un véritable plaisir de retrouver Sandra Bullock après son passage récent dans Ocean’s 8 de Gary Ross. Interprétant ici une mère qui ne veut pas le devenir, elle s’imprègne assez du rôle pour nous convaincre et conserver une crédibilité durant tout le métrage. Fort, autoritaire et déterminé, le personnage tracte littéralement le spectateur durant tout le métrage. Mais pour cette tâche ardue, elle n’est pas seule.

On peut noter les prestations convaincantes des autres acteurs, même si certains personnages perdent un peu de leur superbe par un manque de présence à l’écran ou par un manque de profondeur. John Malkovich en méchant voisin convainc aisément, de même que la prestation de Trevante Rhodes (Moonlight) en sauveur de situation. La présence peu marquée de Sarah Paulson (American Horror Story) fait tout de même plaisir ainsi que celle de B.D. Wong. Tom Hollander (Cutler Beckett dans Pirates des Caraïbes) joue admirablement le taré de service ; le rappeur Colson « Machine Gun Kelly » Baker est de la partie comme délinquant du secteur ; et Pruitt Taylor Vince complète le casting en fin de métrage.

Une apocalypse mondiale avec des suicides de masse, ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Oui, c’est bien Phénomènes de M. Night Shyamalan sorti en 2008. On peut s’interroger sur la similarité des événements et notamment sur la scène de chaos complet en ville lors de la sortie de Malorie pour son bilan de grossesse. Les choses semblent étrangement les mêmes et pourtant ; Malerman a écrit le brouillon de son roman avant la sortie du film de 2008. L’honneur est donc sauf, même si le sujet de fond traité n’est pas identique dans les deux métrages.

Cette similarité était assez forte pour être soulignée car dans Bird Box, les suicides font mal. Le cataclysme est présenté de manière très réaliste et personne ne sait réellement ce qui déclenche cela, ce qui implique plus de tension et plus de mystère. Dès les premières minutes, le spectateur est donc dans le bain, Susanne Bier alternant habilement le moment présent (fuite de Malorie et des enfants vers un refuge par la rivière) et moment passé (comment en sont-ils arrivés là ?). Mais cela va-t-il durer ?

Tout ce qui se passe dans la maison de Greg (B.D. Wong) reste dans le domaine du standard tout en conservant un réalisme et une tension environnante sympathique. Le danger présent dehors ne peut pas être vu car cela déclencherait une folie suicidaire. Il est donc impératif de se couvrir les yeux en cas de sortie et bien entendu cela est nécessaire pour aller chercher des vivres. Le coup de la voiture est bien vu et nous donne même l’occasion d’une scène bien fichue où l’on comprend l’utilité non négligeable des radars de proximité sur un véhicule en cas d’apocalypse.

Cependant, l’arrivée de Gary (Tom Hollander) va poser de puissants problèmes et il faut dire que la débâcle qui s’ensuit pose un constat non négociable ; c’est l’hécatombe, tout cela se déroulant en plein pendant l’accouchement de Malorie et d’Olympia (Danielle Macdonald). Même si on sent une envie de passer à autre chose et de s’émanciper de cette maison pourtant sûre pour changer de décor, la tension est de mise et on se demande comment tout ce carnage va se terminer.

Le reste du métrage nous montre comment les survivants et les enfants vont faire pour tenter de vivre au mieux dans ce monde irregardable, jusqu’à ce qu’un événement dramatique ne pousse Malorie à en finir une fois pour toute en se rendant dans un endroit totalement sécurisé sur les conseils avisés de Rick (Pruitt Taylor Vince) via une radio. Commence alors un périple déjà partiellement suivi, intercalé durant les flashbacks, incluant une descente sur la rivière, une balade en forêt et la découverte du camp de survivants, tout cela les yeux bandés et des oiseaux enfermés dans une boîte, seul moyen pour Malorie de savoir si les créatures se trouvent à proximité ou non. On termine le film sur une note positive et, personnellement, que j’ai beaucoup appréciée.

Le sentiment de tension est relativement mitigé durant le métrage, ce qui n’est pas le cas des effets spéciaux et de l’ambiance en général. Le fait de ne pas pouvoir regarder son ennemi en face est dérangeant et cela implique de se dresser contre lui… les yeux bandés. Aucune explication concrète n’est donnée sur cette apocalypse terrifiante si ce n’est via quelques explications de Charlie (Lil Rel Howery) sur l’arrivée des démons sur Terre lors de la fin des temps. Sur le fond, ce qui nous intéresse principalement dans ce film, c’est sa trame… et sa métaphore.

L’humanité s’en tient à relier succès de vie avec possessions et en mettre plein la vue au voisin ; belle maison (avec extension possible d’une véranda, s’il vous plaît), jolie voiture (avec radars de proximité), vêtements de classe ultime, le tout se passant dans un quartier relativement bourgeois. Cela découle inévitablement sur de la jalousie, de l’incompréhension ou de la haine, en veut pour preuve la relation entre Douglas (John Malkovich) et Greg. Le cynisme réaliste du premier a finalement raison de l’optimisme insoucieux du second.

Dans ce contexte, logique donc de donner le semblant d’explication à Charlie, petit employé de centre commercial n’étant pas du même monde que les autres présents dans la maison. Le couperet est tombé ; l’humanité se basant trop sur le paraître, sur la façade extérieure, elle n’est plus capable de voir sans vouloir en finir. Les seuls intouchables sont donc les personnes aveugles, n’ayant pas la capacité de se baser sur des éléments visibles pour exister et pour être qui ils sont, simplement. Si une personne veut s’en sortir dans ce chaos, elle devra alors ne plus voir pour prendre conscience des choses importantes, à l’instar de Malorie lors de sa balade en forêt, moment où elle découvre qu’elle aime réellement les enfants.

On pourrait encore parler de beaucoup de symboliques concernant ce film (le voyage sur la rivière, les oiseaux dans la boîte, ceux qui parviennent à voir les créatures sans mettre fin à leurs jours) mais je vous laisse le soin de vous faire votre propre opinion.

Là où on pensait tomber sur un banal thriller post-apocalyptique, Bird Box va un cran plus loin et nous propose une fable moderne sur un sujet de société qui existe depuis la nuit des temps. Pas exempt de quelques défauts, le film de Susanne Bier peut se targuer d’être un métrage plus profond qu’il n’y paraît et qui vaut franchement le détour. Amis des oiseaux et des fins du monde avec une morale, ce film est pour vous.

J’ai fait cette critique les yeux fermés.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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