Chacun son tour

Une histoire qui a fait grand bruit lors de sa sortie en 1898, c’est Le Tour d’écrou d’Henry James. La nouvelle se base sur les dires d’une gouvernante qui assiste au comportement troublant des enfants qu’elle garde. Elle est persuadée qu’un serviteur décédé exerce sur eux une influence maléfique. Saluée pour sa narration et sa capacité à mélanger habilement réel et surnaturel, cette nouvelle a été adaptée maintes fois depuis l’époque de sa sortie. En 2020, la réalisatrice italienne Floria Sigismondi se retrouve derrière la caméra pour une nouvelle mouture. Artiste talentueuse, créatrice de clips musicaux qui dépotent, photographe appréciée et réalisatrice du film Les Runaways en 2010, qu’a-t-il pu se passer ? L’écrou était-il trop serré… ou pas assez ? On prend son matos et on se lance dans la critique.

Kate (Mackenzie Davis) est engagée comme gouvernante pour veiller sur Miles (Finn Wolfhard) et sa petite sœur Flora (Brooklynn Prince). Au fil du temps, le comportement outrancier du jeune homme, les anecdotes étranges de la fillette et les apparitions fantomatiques dans le manoir conduisent la jeune femme à croire qu’une influence surnaturelle et maléfique plane sur les enfants.

Bon, on ne va pas se mentir ; esthétiquement, c’est impeccable ! Au travers des différents plans, on remarque rapidement que la réalisatrice est également une photographe extrêmement douée et on ne peut pas nier que le visuel est magnifique. Alliant l’aspect gothique, les tons sombres et les plans bourrés de détails, on se retrouve à mater quelque chose de visuellement très poétique.

Une autre chose qui envoie du lourd, c’est au niveau de la musique. La bande originale est vachement sympa (plus que le film en lui-même) et inclut des artistes comme Courtney Love, Cherry Glazerr, Alice Glass, Soccer Mommy et l’excellent titre I Don’t Know d’Alison Mosshart. Ouaip, pour la musique, ça peut valoir le coup de voir le film… ou d’acheter la BO.

Mais pour le reste… ben… voilà quoi. Ce n’est pas que les prestations des acteurs soient radicalement mauvaises ; au contraire. Kate, qui n’a pas une vie facile, se retrouve aux prises avec deux enfants pour le moins particuliers et se débrouille bien dans ce rôle. Miles, si l’on excepte sa grossièreté inconvenante (et carrément malaisante, il faut le dire), a tout de l’enfant à problème. Flora, jeune fille aimant les chevaux et les poissons, part quelque fois dans des délires qui parviennent à nous faire tressaillir. Et que dire de Mme Grose (Barbara Marten), parfaite dans le rôle de la gardienne des lieux autoritaire, dure mais juste.

On se retrouve dans une histoire « classique » de films d’horreur ; une bâtisse immense, des extérieurs cossus (un labyrinthe, un grand bassin rempli de poissons, une piscine, une forêt, une étable, ça va, tranquille), une ambiance qui oscille entre le merveilleux et le morbide, tout ça encadré dans un récit de fantômes et de secrets enfouis.

Un beau programme, me direz-vous. Eh bien… non. Bien que certaines scènes parviennent clairement à nous mettre mal à l’aise (la relation entre l’ancienne gouvernante et un des serviteurs, Miles et sa fâcheuse habitude de mater les gens pendant qu’ils dorment, Flora et sa crise de panique en voiture), le film souffre clairement du syndrome du bas de page ; ça ne va jamais au bout.

Le scénario est construit afin que tout puisse être aisément compréhensible et, fondamentalement, ça l’est. Mais ne nous cachons pas derrière des excuses ; le film ne va pas au bout de ses idées. Armé d’un montage particulièrement chaotique, l’histoire nous mène par le bout du nez de scène en scène sans vraiment montrer une profondeur qui solidifierait l’ensemble.

On avance dans le temps et on se lasse alors de voir ce qui se passe à l’écran. Quelques abus de Miles et une grosse colère de Flora plus tard, la jeune Kate apprend ce qui se trame dans les environs et ce moment-là ne nous ébranle pas plus que ça. On s’y attendait clairement et les révélations auxquelles on assiste on un goût de… ah non, en fait, ça n’a pas de goût. OK, c’est tiré d’une nouvelle de 1898 mais on attendait quand même un film avec plus de punch.

Il faut cependant saluer la finalité du métrage, teintée d’une aura complètement surnaturelle et laissant le spectateur avec une interrogations pertinente ; réel ou imaginaire ? La dernière image du film peut laisser beaucoup d’interprétations. N’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé dans les commentaires. Finalement, l’habileté de la nouvelle à mélanger une réalité brute à un flux paranormal se trouve bien dans le film… mais trop tard.

C’est donc penaud que l’on assiste à l’intégralité du métrage non sans se remémorer les différents thèmes traités pendant que le générique défile. L’influence du monde adulte sur l’enfance, les problèmes liés aux maladies psychiques, l’émancipation de soi au travers des responsabilités, ce sont des thèmes profonds… mais terriblement mal mis en place dans le film à tel point que l’on passe volontiers son… tour.  

Pour une adaptation moderne de la nouvelle Le Tour d’écrou, The Turning se fait proprement latter la gueule. Le résultat au box-office est terrifiant (plus que le film en lui-même) et malgré une esthétique léchée, des acteurs qui semblent y croire et des thèmes pertinents, on se retrouve à mater un métrage monté comme un meuble d’une célèbre marque suédoise ; c’est bancal, il nous reste des pièces à la fin et on n'aime pas ça. Courageux du genre horrifique, préparez du café et lancez-vous dans le visionnage. Pour les autres, une relecture de la nouvelle d’origine vous donnera, j’en suis sûr, plus de satisfaction.

Ce serait plutôt Le Détour d’écrou, non ?

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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