Sortez vos cahiers !

Les transpositions de bandes dessinées en films sont légion depuis maintenant un certain nombre d’années. Dur, dur de transformer des planches de papier en métrage sans se prendre les pieds dans le tapis. Il faut conserver le respect du matériau d’origine tout en réussissant à faire que ça claque à l’écran. En 2013, Pierre-François Martin-Laval (Pef pour les intimes) scénarise et réalise l’adaptation au cinéma de la bande dessinée Les Profs, elle-même scénarisée par Erroc et dessinée par Pica, Mauricet et Simon Léturgie. Parue en 2000, cette BD tourne en dérision les stéréotypes que l’on retrouve chez les enseignants tout en accentuant les facettes des personnages selon la matière enseignée. La transposition s’est-elle faite correctement ? Est-ce que l’on va rire ? Les souvenirs de l’école, est-ce douloureux ? On n’attend pas la récré et on passe directement au visionnage pour en savoir plus. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Le lycée Jules-Ferry est en pleine débâcle ; même avec les meilleurs professeurs, il ne possède que 12% de réussite au BAC. Pour parer à ce désastre, l’inspecteur d’académie veut tenter un coup de poker en engageant les pires profs qu’il est possible de trouver, espérant que cela puisse déclencher une prise de conscience chez les élèves pour parvenir à 50% de réussite lors du prochain BAC, sans quoi l’établissement sera fermé. C’est alors qu’arrive toute une équipe d’enseignants plus barrés les uns que les autres pour tenter de sauver le lycée. Aux pires élèves, les pires profs !

Commençons par faire l’appel des enseignants. Réalisateur du film et scénariste, Pef (oui, c’est plus court) joue également le rôle d’Antoine Polochon. Professeur d’histoire-géo n’ayant jamais réussi à avoir ses papiers d’enseignant, cet obsédé de Napoléon tombe amoureux de Marie (Alice David), prof d’allemand de son état. La passion dévorante du monsieur pour Napoléon nous vaut quelques éclats de rire et même un clin d’œil à 300 de Zach Snyder ! Timide mais n’ayant aucune limite, son personnage offre une naïveté sensible et un contexte plus humain au film.  

Isabelle Nanty nous offre une prestation énorme dans le rôle de Gladys, prof d’anglais pouvant avoir quelques accès de violence. Notre Itineris d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre envoie avec son tonus et son regard pénétrant à tel point qu’on ne voudrait pas se retrouver dans sa classe et que l’on a plutôt intérêt à apprendre l’anglais fissa.

Christian Clavier est le professeur de mathématiques Serge Cutiro. Il pousse à son paroxysme le fait d’en faire le moins possible jusqu’à ce qu’il révèle son vrai visage et que l’on constate que c’est sans doute la tête la plus remplie de tout l’établissement. Restant pépère et sans en faire trop (pour un rôle comme ça, faut pas pousser), c’est l’un des personnages auquel on s’attache le plus.  

Arnaud Ducret est le prof de gym Eric, accro aux exercices les plus dangereux possibles. Un peu plus effacé que les autres, ne laissant pas une empreinte indélébile, on ne peut s’empêcher de penser à un certain Monsieur Mégot, les clopes, la bière et le ventre proéminant en moins.

Amina (Stéfi Celma) enseigne les lettres modernes et fait tourner toutes les têtes en entrant dans une pièce. Son personnage reste attachant non sans qu’on ressente comme un manque de potentiel par rapport à ce qu’il pouvait apporter. Il s’agit surtout ici de pouvoir placer quelques blagues en cours de route (le coup des bandeaux sur les yeux, par exemple).  

Raymond Bouchard nous gratifie d’un magnifique prof de philosophie appelé Maurice, compréhensible uniquement quand il a un coup dans l’aile. Ses phrases totalement rien à voir (« Enseigner la philosophie pour moi, c’est comprendre qu’on ne comprendra jamais rien d’autre que notre propre incapacité à comprendre notre incompréhension ») sont un régal à chacune de ses apparitions.  

Fred Tousch alias Albert explose tout en transmettant son savoir sur les sciences physiques et râle que certains produits restent interdits. Semblant se trouver dans l’arrière-cour durant tout le film, il a pourtant un rôle plus central que ce qu’il n’y paraît et s’avère être un personnage auquel on s’attache rapidement.  

Du côté des élèves, nous avons un certain Kev Adams, notamment connu pour son rôle principal dans la série Soda, qui interprète ici le cancre Thierry Boulard. Son interprétation colle au personnage sans qu’il n’en fasse trop, ce qui est grandement appréciable pour ne pas tomber dans un n’importe quoi qui aurait pu lui être fatal. Nous avons aussi Joana Person dans le rôle de Nectarine, première de la classe et blindée de bonnes intentions. Dans l’ensemble, la classe s’en tire bien avec une bonne moyenne au niveau des personnages et de l’interprétation.

A noter aussi la présence de François Morel en inspecteur de l’académie adjoint, machiavélique comme un méchant de James Bond en carton mais marrant par son incapacité à comprendre qu’il va l’avoir dans l’os. Dominique Pinon est de la partie comme inspecteur de l’académie et ça fait plaisir de revoir sa bouille. Enfin, nous avons un proviseur en or massif avec Philippe Duclos dans le rôle en question.

Bon, maintenant que l’appel est fait, que donne le programme de l’année ? L’idée de base part bien entendu de la bande dessinée éponyme. Même si certaines choses ont été totalement changées (non présence de certains personnages, Boulard très différent des BD, quelques références importantes en moins), on ne peut pas nier que le résultat est là ; on se marre.

Nous ne sommes pas dans un cadre de blagues lourdes sans conséquences et visant uniquement à nous faire passer deux secondes de rigolette avant de passer à la suite. Chaque action des professeurs (aussi incroyablement débile soit-elle) donne une profondeur supplémentaire aux personnages, permettant également de découvrir de nouvelles facettes de chacun pour notre plus grand plaisir, tout comme Cutiro qui s’avère finalement être un génie.

Ici, l’humour est posé, construit et fait mouche même dans certaines scènes où il apparaît clairement que les bravades de nos profs n’auront pas de conséquences directes au récit. Car si le film semble être simplement une continuité de gags, il n’en est rien ; l’histoire est simple, rapidement construite mais existante. L’engagement de ces profs a clairement pour but de faire couler le lycée (même nous, spectateurs, le comprenons dès la première minute) mais c’est la naïveté et la personnalité des différents personnages qui va construire des événements drôles autour de cette ligne de fond.

Le film se laisse donc regarder du début à la fin sans réel temps mort, nous faisant marrer à la moindre occasion. Tout comme les enseignants dans une classe, nous avons aussi nos chouchous durant le visionnage (Cutiro, Maurice, Gladys, je pense à vous) et cela apporte beaucoup. On découvre toutes ces personnalités plus étranges et folles les unes que les autres et on se surprend à commencer à en préférer certains plutôt que d’autres. D’une certaine manière, en regardant ce film, c’est nous les profs.

On en arrive à constater la drôlerie de la situation et même si le scénario ne casse pas trois pattes à un canard (je l’ai dit, pas facile d’adapter une BD qui utilise principalement des one shots), on se marre franchement devant ce petit film qui partait sans prétentions et qui a tout de même réalisé un score tout à fait honorable au box-office français. Notons tout de même que la fin est convenue, comme on peut en trouver beaucoup dans ce type de comédie. L’important reste l’intégrité des profs en question et leur capacité à utiliser leurs faiblesses pour en faire des forces. La moralité de l’histoire est qu’il faut toujours faire ce pourquoi l’on est fait. Même si les profs sont désastreux, ils parviennent à leurs fins et même si Boulard est un cancre, il n’en reste pas moins un sauveur de situation.

La force de ce genre de métrage réside également dans un rappel constant aux souvenirs de nos propres aventures lorsque nous étions en classe. L’éducation est devenue un sujet dense et ce film peut, suivant notre âge, nous rappeler certaines fois où l’on n’était pas loin de ce que l’on voit à l’écran. Les plus assidus pourraient dire que le métier de prof est ici spolié, que le respect a été perdu et que le film nous montre une facette totalement fausse du métier d’enseignant. Il ne faut cependant pas oublier que les enseignants, professeurs, maîtres de classe sont aussi des êtres humains possédant leurs caractères, leurs forces et leurs faiblesses. Le film ne fait que pousser cela à un aboutissement comique dans le but de se remémorer des souvenirs et de passer un bon moment de rigolade.

Comédie par excellence avec une chouette reprise de la bande dessinée initiale, Les Profs fait rire et c’est là l’essentiel. Avec une brochette d’acteurs qui veulent en découdre, des situations plus rocambolesques les unes que les autres et une bonne capacité à nous présenter des personnages construits et intéressants, ce film est parfait pour se détendre et passer un agréable moment sans prise de tête. Avis à tous les amateurs de comédies burlesques ayant du sens, achetez vous un sac d’école et une trousse et retrouvez-vous sur les bancs du lycée Jules-Ferry.

Et pour les cancres, c’est au fond de la classe près du radiateur.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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