Copie pas si conforme

Parfois, au détour d’une conversation, nous pouvons découvrir des choses encore inconnues. C’est le cas pour Double mortel (Look Away en anglais dans le texte), sorti en 2018 et réalisé par Assaf Bernstein. Le réalisateur israélien signe ici la réalisation et l’écriture de son deuxième long métrage après The Debt en 2007. Habitué des courts métrages, des téléfilms et des épisodes de séries télévisées, est-ce qu’une incursion dans le domaine horrifique peut donner quelque chose de concluant ? Les doubles maléfiques sont-ils tous barbares ? Ce film a-t-il de la plastique ? Pour le savoir, on nettoie son miroir et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Maria (India Eisley) est une jeune femme de dix-sept ans qui n’a pas une vie facile ; son père Dan (Jason Isaacs) est un chirurgien esthétique obsédé par la perfection et coureur de jupons à ses heures perdues ; sa mère Amy (Mira Sorvino) a de fortes tendances dépressives ; sa meilleure amie Lily (Penelope Michtell) sort avec un beau gosse dont elle est amoureuse ; et ses potes de classe ne sont pas vraiment jouasses, la brimant à la moindre occasion. Est-ce que cette mystérieuse jeune fille dans le miroir, prénommée Airam, pourrait lui venir en aide ?

Les miroirs sont du plus bel effet dans le monde horrifique. Que l’on parte sur Oculus, Mirrors ou toutes les déclinaisons existantes de la légende de Bloody Mary, on se retrouve avec une glace hantée. Dès lors, le postulat de base du film prenant un miroir comme déclencheur semble être une idée des plus intéressantes.

On démarre le film en découvrant la triste vie de Maria, interprétée par une India Eisley en forme, qu’elle se trouve dans la peau de ce personnage ou celui d’Airam. On constate rapidement que la jeune lycéenne est rejetée et brimée par ses camarades et même par sa propre famille, sauf si l’on considère normal d’offrir quelques actes de chirurgie esthétique à sa fille pour son anniversaire, histoire qu’elle soit plus proche de la perfection. Cela sans compter l’inaction de sa mère qui semble être à des kilomètres de comprendre ce qu’il se passe, y compris des écarts coquins de son mari.

Sa meilleure amie Lily sort avec un canon du nom de Sean (Harrison Gilbertson), pour qui Maria a des sentiments, et un camarade prénommé Mark (John C. MacDonald) se fait un malin plaisir de l’humilier régulièrement en public. Bref, ce n’est pas la joie. Maria se met alors à constater que son reflet dans le miroir semble avoir une conscience propre. Ce double, qui se fait appeler Airam, lui propose son aide.

C’est après un bal du lycée où une ultime humiliation (cela dit sans oser aller jusqu’à celle de Carrie au bal du diable) pousse Maria à laisser Airam prendre le relais. Elle entre alors dans le miroir laissant son alter-ego prendre les choses en main, si j’ose dire dans tous les sens du terme (pas vrai, Mark ?).

Dès l’arrivée d’Airam, les choses prennent une tournure différente, celle-ci étant beaucoup plus déterminée et cruelle que son métaplasme. Jouant avec ses proies, planifiant ses crimes, décidant de punir ses camarades ingrats, la poussée de violence va augmenter au fil des minutes pour en arriver à la confrontation avec les parents.

Montrant à sa mère ce qu’elle n’a jamais voulu voir (son mari fricotant avec ses patientes) ou agrippant Sean après la mort de Lily pour le faire basculer dans une frénésie sexuelle, Airam prend un malin plaisir à franchir les limites. Elle en arrive à un face à face final avec son propre père où, dans le plus simple appareil, elle va également en finir avec lui. Le film se termine ensuite sur un dernier plan interrogateur sur lequel je reviendrai.  

Tout d’abord, est-ce que Double mortel est un film d’horreur ? Même si le contexte s’y trouve (quelques sursauts, le coup du miroir, un fond apparemment surnaturel), n’en reste que nous ne pouvons ni parler de film d’épouvante, ni de slasher, ni de trash. Nous sommes donc ici en présence d’un thriller surnaturel bien rodé. L’histoire se suit avec plaisir et les personnages font ce qu’il y a à faire sans déborder dans des élucubrations qui auraient clairement mis un frein à l’histoire.

On peut noter un soin particulier apporté aux effets incluant les miroirs, là où les deux personnes n’ont pas forcément de raccord car évoluant sur deux plans différents. Ces quelques scènes, parsemées dans le film, sont fichtrement bien foutues et donnent une leçon en matière de gestion de ce genre d’outil dans les films de genre.

Dès lors, on suit le scénario avec un certain intérêt, ne serait-ce que pour savoir si l’échographie découverte par Maria derrière un miroir prouve bien qu’elle a eu une sœur jumelle. Le pot aux roses nous est proposé par l’envoi de quelques flashbacks histoire de nous faire comprendre qu’effectivement, Maria et sa sœur sont bien nées en même temps… mais cette dernière a été clairement bazardée par son père à cause de sa difformité.

Donc sur la forme, le film reste un thriller convenu, sans surprise venant nous émoustiller sur notre canapé. C’est sur le fond qu’il faut prendre un moment de réflexion dans le but de légèrement creuser l’affaire pour se rendre compte que les choses sont, parfois, plus compliquées qu’elles n’y paraissent. Pour cela, je me permets une rapide analyse.

Maria est une jeune fille penchant clairement vers la dépression, tous les aspects de sa vie se barrant complètement en cacahuète. Ce reflet qu’elle voit dans le miroir pourrait être la représentation de celle qu’elle voudrait être ; sûre d’elle, pleine d’allant, séductrice et n’ayant peur de rien. Après le bal, elle laisse cette autre personnalité prendre le dessus, lui permettant de se venger de toutes ces frasques subies pendant des années. Tout cela avant d’arriver sur un plan final évocateur où les deux personnalités se rejoignent une fois pour toute, blotties dans les bras de leur génitrice.

Tout cela ne serait alors qu’un « simple » dédoublement de personnalité. Cependant, même si l’échographie peut mettre Maria sur la piste, comment est-elle au courant de la difformité de sa sœur, via le dernier dialogue qu’elle a avec son père ? Et à quoi servent donc les flashbacks ? Ne serions-nous pas plutôt en présence d’une sorte d’Unborn avec moins de punch ?

Vous le constaterez ; Double mortel n’est pas foncièrement un excellent métrage, mais il a le mérite de poser des questions sur son déroulement. Qui plus est, c’est un film qui se base sur un thème principal extrêmement concret ; l’apparence. Bien que très jolie, Maria n’est pas considérée comme « parfaite » par son père. Cette image qu’elle renvoie à sa figure paternelle est déterminante pour sa compréhension d’elle-même, raison pour laquelle Airam se dénude entièrement en fin de métrage, dans le but de prouver à son père que sa beauté est manifeste tout en le mettant mal à l’aise.

Le choix judicieux des différents thèmes du film ainsi que sa capacité à nous faire réfléchir post-visionnage permet de faire l’impasse sur un rythme extrêmement lent et des scènes qui restent correctes pour un métrage de cet acabit, même si l’on peut clairement considérer que certaines d’entre elles font l’effet d’un choc électrique pour nous permettre de créer un peu d’adrénaline.

Avec la prestation impeccable d’India Eisley dans ses deux rôles et une profondeur bien planquée mais qui existe bel et bien, Double Mortel n’en restera pas un film impérissable. Parfois longuet, souvent standard dans sa forme et restant étonnamment sage dans certains passages là où d’autres enverraient du plus lourd, ce métrage est à voir pour les fans d’India Eisley et les amateurs de miroirs.

Ouaip, ce miroir a un tain un peu blafard.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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