Par Odin !

American Gods, c’est tout d’abord un livre, celui du britannique Neil Gaiman. Le bonhomme est auteur et scénariste de bandes dessinées, entre autre. Donc, il s’y connaît en matière d’écriture. Son roman American Gods est publié en 2001 et c’est en 2014 que FremantleMedia acquiert les droits du livre et commande une série dont la création se fera par Bryan Fuller et Michael Green. Le premier ne vous est sans doute pas inconnu vu qu’il est le créateur de séries comme Dead Like Me, Pushing Daisies et Hannibal. Le second est principalement producteur et scénariste, mais possède quand même son lot de scénarios intéressants (Logan, Alien : Covenant, Blade Runner 2049). A eux deux, ils se lancent donc dans l’aventure pour que la série soit retransmise sur la chaîne Starz et ce dès le 30 avril 2017. A noter que l’auteur du roman, Neil Gaiman, est également fortement impliqué dans le projet. Que penser de cette série mythologico-moderne ? Va-t-on se faire bluffer ? Le visionnage en vaut-il la chandelle ? Divin décryptage ! ATTENTION : cet article contient des spoilers

Ombre bénéficie d’une remise de peine pour se rendre à l’enterrement de sa femme, décédée dans un accident de voiture avec son meilleur ami. Lors du vol qui le ramène chez lui, il fait la rencontre d’un étrange personnage qui se fait appeler Voyageur. Après quelques discussions, l’homme bizarre engage Ombre comme garde du corps. Ils vont alors sillonner les routes américaines afin de recruter d’autres personnages, plus étranges les uns que les autres. Le but de Voyageur : rallier les anciennes divinités afin de contrer les nouvelles, à savoir Internet, la télévision et les médias.

Dans les personnages principaux, nous avons en premier lieu Ricky Whittle qui interprète Ombre Moon. Déjà présent dans la série Les 100, l’acteur est tout d’abord un grand sportif doublé d’une tête bien remplie (études en criminologie à Southampton). Son rôle est celui d’un ex-taulard engagé comme garde du corps par l’étrange Voyageur. Souvent perplexe face à ce qu’il vit depuis cette rencontre, le personnage est géré de manière tout à fait correcte. A ses côtés, Ian McShane et sa filmo bien étoffée, joue Voyageur. A la fois drôle et énervant, ses lignes de texte sont simplement savoureuses et sa personnalité s’avère beaucoup plus complexe qu’elle n’y paraît. Ne pouvant pas carrer les nouveaux dieux, c’est lui qui se lance dans le recrutement de ses anciens camarades. Une prestation impeccable pour cet acteur qui possède déjà une certaine notoriété. Du côté féminin, on trouve Emily Browning dans le rôle de Laura Moon, la femme d’Ombre. Celle que nous avons déjà pu voir notamment dans Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire (2004) ou Sucker Punch (2011) nous présente un rôle ambigu dans ses intentions et revenant carrément d’entre les morts pour en rajouter une couche. Nous aurons également l’occasion de la voir, le temps d’un épisode, dans un autre contexte lui collant admirablement bien à la peau.

Nous avons ensuite Crispin Glover en M. Monde. Notre George McFly de Retour vers le futur a fait du chemin pour en arriver au statut du dieu de la globalisation dans cette série ! Peu présent à l’écran, il garde cependant cet aspect inquiétant (déjà vu notamment dans Willard, 2003), ne sachant pas s’il va vous tendre la main ou vous arracher les yeux. Une prestation tout en finesse ! Pablo Schreiber joue Sweeney le Dingue, un Leprechaun. Complètement barré, toujours prêt pour la bagarre et possédant une tronche incroyable, cette grande gueule a une autre facette de son personnage qui va s’activer au fur et à mesure des épisodes. Yetide Badaki, déjà vue dans quelques épisodes de séries (Lost, Esprits criminels, NCIS : Nouvelle-Orléans) est Bilquis, la reine de Saba. Ayant une finalisation de l’acte sexuel totalement flippante, elle apparaîtra à quelques occasions et surtout dans les dernières secondes de cette première saison. Jeune acteur avec peu à son actif, Bruce Langley est Technical Boy, la divinité représentant l’ère de la communication et des réseaux sociaux. Stéréotype de l’enfant gâté, il nous offre une formidable prestation en dépit de son peu d’apparitions à l’écran.

Dans les rôles récurrents ; Peter Stormare est Czernobog (à vos souhaits), dieu de la nuit dans la mythologie slave, toujours en pétard et possédant un marteau d’abattage qui envoie du lourd ; Gillian Anderson (oui, oui, Scully) est Media, la divinité de la télévision et de tout autre type de médias, changeant de look à chaque apparition ; Orlando Jones est Anansi, personnage du folklore d’Afrique de l’Ouest, barré comme il faut ; Omid Abtahi est Salim, représentant de commerce à la recherche d’un djinn pour retrouvailles et plus si affinités ; Kristin Chenoweth en Eostra, divinité du printemps qu’il vaut mieux ne pas embêter ; et l’apparition de Jeremy Davies (Lost, Il faut sauver le soldat Ryan) et Jésus tapant la causette avec Ombre au sujet de la vie en générale.

Globalement, tous les acteurs collent à leur rôle et les prestations sont bien foutues voire carrément folles (Anansi, les apparitions de Media, le je-m’en-foutisme de Czernobog). On a des comédiens avec de la bouteille, d’autres se lançant pratiquement dans le domaine de la télévision et dans l’ensemble, tout marche merveilleusement bien. On pourrait regretter que certains ne fassent qu’une brève apparition, mais pour les voir un peu plus, attendons la saison 2.

Vous allez me dire ; avec un nombre pareil de personnages se la jouant divinité ou simple humain, on risque de ne pas s’y retrouver, non ? Dans American Gods, on s’y retrouve même très bien. Chaque personnage possède une personnalité propre ainsi qu’une tenue vestimentaire permettant de le reconnaître immédiatement. Dans toutes les situations, il vous sera possible de déterminer clairement de qui il s’agit et donc de suivre chaque protagoniste avec une limpidité spectrale.

Les dialogues sont une part belle à American Gods. Entre les élucubrations de Voyageur, les joutes verbales lancées par Sweeney le Dingue ou les interrogations sur la vie de Laura, nous aurons clairement de quoi faire ! Chaque mot est pesé et utilisé à des fins comiques ou dramatiques. La dernière tirade de Voyageur dans l’épisode 8, j’en ai encore des frissons. Ces lignes de texte aident grandement au rythme et permettent, même en des temps plus calmes, de profiter un maximum des personnages peuplant cet univers. De plus, le langage reste familier et donc aisément compréhensible en tout temps.

Le scénario envoi du marteau et, là encore, la lecture se fait sans aucun souci. Il arrivera, souvent, que l’on revienne en arrière dans l’histoire pour préciser quelques petites choses (notamment un épisode entier consacré au « Comment Laura a fait pour se retrouver assise sur ce foutu pieu ? »), mais même dans ces cas-là, on parviendra sans mal à tout assembler pour comprendre exactement comment tout s’est passé. Les quelques zones d’ombre (ha, ha) présentes ne durent jamais longtemps et c’est un véritable plaisir d’aller de révélations en révélations.

Scénario intelligent donc, qui imposera également son rythme. Les épisodes se suivent et ne se ressemblent pas, dictant à nos mirettes de rester grandes ouvertes pour continuer l’exploration de ce monde mythologico-cintré avec toute l’attention requise. Partant sur un road movie de malade en début de saison, on peut, par contre, prévoir une baisse de rythme en fin de course, avec cependant un dernier épisode qui va tout exploser et nous faire amèrement regretter de devoir attendre pour voir la suite. Cette baisse de régime s’explique, notamment, par les « origin stories » qui seront utilisées à fond la caisse et qui couperont un tant soit peu le rythme. En même temps, cela permet une meilleure compréhension des personnages. Au final, ne chipotons pas.

Le visuel est une tuerie absolue ; lumières démentes, détails jusque dans les arrière-plans, cadrage bien fichu, une ode à la manière de gérer visuellement une série. Je pense par exemple à la première rencontre entre Ombre et Technical Boy ou encore aux apparitions de Media, toujours avec cette touche design télévisuel bienvenue. Les costumes sont confectionnés magnifiquement, donnant justement une personnalité propre à chaque personnage rien que par sa présence physique. La musique n’est pas en reste vu que plusieurs standards américains seront de la partie et permettront une immersion plus intense dans cet univers, ma foi, peu commun. Le générique, à lui tout seul, annonce la couleur, à la fois graphiquement et musicalement.

Au niveau des effets spéciaux, la série s’en tire bien. On notera quelques effets de synthèse visibles, notamment au niveau de certaines gerbes de sang. Ah, je ne vous l’avais pas dit ? Dans American Gods, ça envoie quand même de l’hémoglobine. Tranchage, arrachage, marteau sanglant et autopsie seront au menu. Dans les scènes où le liquide rouge se met à jaillir, on est dans la plus pure tradition des comics, d’où sans doute l’effet voulu du rendu clairement moins réaliste. Au final, les effets passent tout seul car ce qui nous intéresse prioritairement, c’est l’histoire.

Oui, American Gods possède un traitement de fond qui peut également être analysé. Les anciens dieux (les coutumes, les cultures, les héritages) se font gentiment oublier. Les nouveaux dieux (télévision, médias, réseaux sociaux, popularité, globalisation) se font donc la part belle, parvenant à engranger plus d’adorateurs de jour en jour. Cynique ? Sans doute, car nous avons bien ici non seulement une manière de tirer à boulet rouge sur la société de sur-communication actuelle, mais également sur la perte des repères et des coutumes, laissant la place à une numérisation de nos héritages pour ensuite mieux les oublier.

Cette série est également le moyen de représenter, par des personnages et des situations, la confrontation entre le passé et l’avenir. Odin, ronchon à l’idée de disparaître dans l’oubli, recrute d’autres dieux du passé pour venir en foutre plein la tronche aux petits nouveaux. Faut aussi le comprendre ; avec plusieurs milliers d’années d’existence, se faire jeter comme une vieille chaussette par l’humanité et se faire remplacer par des dieux qui ont tout juste une vingtaine d’années, ça le fait moyen.

Au-delà de ça, American Gods traite aussi de plusieurs problèmes que l’on peut rencontrer au quotidien, dans la manière de faire nos choix afin d’avancer. Ombre y va carrément au feeling, laissant le hasard (ou plutôt SON hasard) prendre une décision à sa place. Le pauvre ne savait pas, à cet instant, qu’il avait en face de lui un type capable de plier le hasard à son avantage. Comme quoi, nous ne sommes pas forcément toujours maîtres des événements.

De manière plus globale, c’est un récit sur la foi et dans quoi nous la mettons. En quoi croyons-nous ? Croyons-nous par peur ou par amour ? Sommes-nous convaincus de nos croyances, de notre foi ? Tant de questions de fond qui sont relevées dans cette série, principalement sur la fin de la première saison. 

Fin de saison, c’est le cas de le dire ! Avec l’implication d’Eostra prenant un malin plaisir à dérégler le système saisonnier, la saison se termine dans les deux sens du terme ! C’est alors que nous aurons Ombre plus convaincu que jamais de la réalité d’Odin… et son épouse qui doit lui parler de quelque chose d’important au sujet de Voyageur. Les nouveaux dieux se rendent compte que ça va être compliqué, et on finit le tout sur une sortie aux toilettes dont Bilquis a le secret. Coquine, va !

Avec huit épisodes d’une durée d’une heure, la saison sera relativement vite pliée mais on aura vu une histoire bien remplie et intéressante. A savoir que la saison devait compter neuf épisodes, mais pour des raisons de suspense, tout s’est donc arrêté au huitième. Décision prise par les showrunners dans le but de mieux maîtriser la fin et attiser l’envie de voir la suite aux spectateurs. Messieurs, vous avez réussi ! 

American Gods est une bonne série, reprenant des éléments mythologiques pour les placer dans le contexte sociétal actuel dans le but de créer des métaphores sur nos « dieux » contemporains. Lorgnant entre le road movie et le thriller, saupoudré d’une touche de trash et de beaucoup de fantastique, je conseille cette série à tous les amateurs de mythologie, d’histoires WTF et de récit métaphoriques sur le monde d’aujourd’hui. Personnages colorés et ambigus, intrigues bien troussées et intéressantes, rythme un peu cassé sur la fin mais tout de même présent, cette histoire se regarde comme on lirait un livre de contes ; sans complexe. Reste à attendre la saison 2 qui promet d’envoyer du steak à la sauce Czernobog !

A votre avis, les nouveaux dieux, ils font dans leur froc ?  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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