La série qui fait le plein de "supers"

Sur l’excellent conseil d’un ami, j’ai procédé au visionnage de la série The Boys. Sortie sur la chaîne Prime Video d’Amazon en juillet 2019, elle possède non seulement un casting bien rodé (Karl Urban, Jack Quaid, Antony Starr, Elisabeth Shue) mais également un pitch original ; des super-héros, surnommés les « supers », seraient en fait des enfoirés de premier ordre. L’histoire se base sur la bande dessinée de Garth Ennis et Darick Robertson (déjà au fait du comics Happy! duquel a découlé la série du même nom) qui se trouvent être également coproducteurs exécutifs. Pour créer l’adaptation télévisuelle, on demande à un certain Eric Kripke de s’y atteler, connu notamment pour avoir créé la série Supernatural. Ça a donc l’air de bien se présenter, mais le rendu final est-il convaincant ? La série peut-elle être considérée comme « super » ? Les super-héros touchent-ils des royalties sur le merchandising utilisant leur image ? Pour le savoir, on enfile sa cape et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers, mentionnés par une balise

Hughie (Jack Quaid) voit sa vie basculer le jour où sa petite amie Robin (Jess Salgueiro) se fait littéralement pulvériser en pleine course de vitesse par le super-héros A-Train (Jessie Usher). La société Vought, qui s’occupe des « supers », étouffe l’affaire. Hughie se fait alors approcher par Billy Butcher (Karl Urban) qui lui révèle que les Sept (le groupe de super-héros géré par la société Vought) sont loin d’être les modèles que le monde imagine.

Quand on mélange comédie noire et super-héros, le résultat ne peut être que sympathique. C’est d’ailleurs ce que l’on constate dès le premier épisode. Avec un ton cynique, sombre et particulièrement critique, The Boys peut se targuer de nous présenter la facette cachée des super-héros comme nous ne l’avions encore jamais vue. Sortant des standards de Marvel ou DC Comics, la série se veut provocatrice et irrévérencieuse.

Le premier point fort est sans nul doute les personnages. Dans l’équipe des Boys, on compte Hughie (Jack Quaid), délicieusement naïf mais déterminé ; La Crème (Laz Alonso), un homme qui peine à se ranger ; Le Français (Tomer Kapon), délicieusement frappé ; et l’incursion d’une jeune femme aux puissants pouvoirs, la Fille (Karen Fukuhara). Mais l’équipe ne serait pas complète sans la présence implacable de Billy Butcher, joué par un Karl Urban en roue libre. Armé de ses punchlines acérées et d’une violence sans pareille, le leader des Boys nous offre une interprétation brutale et sans concession d’un homme avide de vengeance.

Du côté des super-héros, nommés les Sept, Antony Starr crève l’écran dans le rôle du Protecteur. Leader de cette team super-héroïque, ce personnage complexe possédant un côté fondamentalement psychopathe nous ravit et nous fait frissonner à chacune de ses apparitions. La jeune Stella (Erin Moriarty), nouvelle recrue des Sept, est également parfaitement dans le tir. L’écriture de ce personnage est bien fouillée, nous offrant une femme à la personnalité optimiste se retrouvant catapultée dans un groupe bien différent de ce qu’elle attendait, tout cela sans tomber dans le piège d’en faire une cruche décérébrée, bien au contraire.

La Reine Maeve (Dominique McElligott) joue le jeu de la société Vought tout en se rendant compte de la mise en scène que cela implique ; A-Train (Jessie Usher), l’homme le plus rapide du monde, ne peut pas supporter l’idée d’être second ; l’Homme-Poisson (Chace Crawford) part en cacahuète occasionnant plusieurs actes insensés ; Black Noir (Nathan Mitchell) est taciturne et peu présent ; et finalement Translucide (Alex Hassell) possède le super-pouvoir idéal pour se la jouer pervers.

A noter également la prestation impeccable d’Elisabeth Shue dans le rôle Madelyn Stillwell, la vice-présidente de Vought. Glaciale, calculatrice, jouant un jeu malsain avec le Protecteur, on adore détester ce personnage manipulateur et qui reste extrêmement dangereux malgré son absence de pouvoirs.

Quelques présences appréciées ; Susan (Jennifer Esposito), directrice-adjointe de la CIA, peut prêter main-forte aux Boys ; Hugh (Simon Pegg), le père de Hughie, est un partisan de l’après-midi-télé sur le canapé ; Donna (Ann Cusack), la mère de Stella, est au centre d’une intrigue sordide ; Ezekiel (Shaun Benson) est un évangéliste-élastique, croyant mais très peu pratiquant ; Mesmer (Haley Joel Osment), un « super » disposant d’un réel sixième sens ; et Edgar (Giancarlo Esposito), directeur de Vought, discret mais cachant sans doute bien son jeu tout comme dans un certain Breaking Bad.  

Second point fort de la série ; son scénario. Avec ses huit épisodes durant entre cinquante minutes et une heure, The Boys conserve un rythme tout à fait acceptable et nous permettant de ne pas lâcher le morceau. On peut noter quelques moments un peu inégaux, mais ils restent anecdotiques par rapport à la teneur globale de la série.  

Car ici, on ne fait pas dans la dentelle. La violence (physique, graphique et psychologique) est omniprésente et on s’en prend littéralement plein les yeux. Usant des plans chers aux films noirs, The Boys a une esthétique bien torchée et nous gratifie d’une ambiance à la fois sombre et décomplexée. C’est ici le troisième point fort de la série ; son ton.

Parlant de sujets tout de même cruciaux (le harcèlement, le deuil, le sacrifice, le viol, le terrorisme, la manipulation des masses, la dépendance aux substances illégales etc.), on sent que la série est décomplexée et s’avère réellement fun dans la majorité de son histoire. Les punchlines de Butcher, l’incompréhension de Hughie ou encore les remarques pointues du Protecteur nous permettent d’esquisser un rictus au coin de nos lèvres.

Outre cela, on peut manifestement dire qu’Eric Kripke a respecté le matériau d’origine de la BD en nous proposant des scènes certes funs mais parfois carrément osées ; la libido étrange du Protecteur ainsi que sa violence sans concession, l’utilisation d’un bébé comme arme de destruction ou la manière tout à fait particulière des Boys d’en finir avec leur premier « super » ne sont que quelques exemples qui nous prouvent que la série ose aller loin… très loin. A tel point qu’une scène de cet acabit avec le Protecteur a été tournée… mais pas montée. Je vous laisse rechercher de quoi il s’agit.

Nous suivons donc l’histoire sur deux axes distincts ; celui des Boys et celui des Sept. Dans le premier, nous apprenons, en même temps que Hughie, que les apparences sont cruellement trompeuses et que la société Vought s’en contrefiche de sauver le monde ; les profits sont bien plus intéressants. Nous, spectateurs, suivons donc avec intérêt cet axe-ci car nous allons de révélation en révélation en même temps que notre équipe de choc.

Le second axe est principalement construit par le biais de Stella, la nouvelle recrue. Souhaitant aider les gens et faire le bien autour d’elle, elle remarque rapidement que cette équipe de « supers » ne s’avère être que des êtres humains dérangés qui possèdent des super-pouvoirs. Nous voyons donc ce qui se passe au sein même de Vought et cela nous terrifie autant que nous y prenons un certain plaisir.

En cassant ainsi les codes moraux de part et d’autre, The Boys nous invite à découvrir que tout ce qui brille n’est pas or et que les apparences sont méchamment trompeuses. Tout cela en intensifiant son scénario qui nous révèle, en temps et en heure, les choses que nous devons savoir, cela avant d’arriver à un final possédant une scène de tension très bien orchestrée et une dernière scène qui remet tout en question.  

Les éventuelles lacunes scénaristiques et liées à l’écriture des personnages peuvent être pardonnées par le fait que nous nous trouvons dans une première saison et donc qu’il s’agit d’un posage de jalons. Une saison deux étant prévue pour 2020, les quelques imprécisions ici présentes trouveront, sans doute, une issue favorable pour nous satisfaire.

ATTENTION : à partir de ce point, des éléments-clés de l’intrigue sont révélés ; pour conserver une surprise totale, merci de revenir après visionnage.

Le final de cette première saison apporte son lot de révélations qui vont avoir un impact non négligeable lors de la suivante. Comment Butcher va-t-il réagir au retour de son épouse ? Le Protecteur peut-il être un bon père ? Le fiston du « super » n’est pas sans nous rappeler un certain Brightburn sorti en 2019, nous narrant l’histoire de Superman en version horrifique. Est-ce que le rejeton du Protecteur pourrait être de cette trempe ?

La série se permet également d’appuyer là où ça fait mal notamment avec quelques scènes extrêmement choquantes dans un univers de super-héros. Le crash de l’avion, la création des super-terroristes, le viol de Rebecca (la femme de Butcher) ou l’agression sexuelle de Stella font partie d’une réalité ma foi terrifiante, exacerbée ici par le fait que les actes en question sont perpétrés par ceux qui sont censés être les modèles de la société.

Fine critique des super-héros, certes, mais je pense que cela va plus loin. Les sujets sensibles en société sont ici mis à nu et augmentés en puissance par leur lien direct avec des modèles de vertu. A ce titre, nous pourrions nous retrouver à la place du personnage de Stella ; convaincu du bien-fondé de la société Vought, nous constatons, révélation après révélation, que tout cela n’est que du vent et que tout est bien plus sombre que ce que nous pouvions imaginer.

Hughie s’en tire également magnifiquement en cette fin de saison, devenant un véritable héros en prenant tous les risques pour aller sauver ses amis. Sa relation avec Stella est également une intrigue de haut-vol, condamnant ainsi Hughie à être victime de ses sentiments, devant faire des choix entre ce qu’il ressent pour une « super » et sa loyauté envers Butcher qui lui a promis une vengeance.

Il y aurait sans doute matière à beaucoup débattre autour de la série à commencer par la symbolique des Sept. S’agit-il d’une représentation des sept péchés capitaux ? Ce groupe peut-il être vu comme une satire politique, les élus se montrant en public et les ficelles étant réellement tirées en coulisse ? Black Noir est-il un personnage crucial dans l’histoire ? La manière dont ces héros viennent au monde est également sujet à débat sur la symbolique de la série. Le mieux est de regarder tout ça à plusieurs et ensuite de tergiverser sur ce qui peut en être tiré.

Irrévérencieuse, violente, fun, décomplexée, intéressante, graphiquement bien foutue et possédant une histoire à la fois sombre et bien construite, The Boys est une série à ne pas manquer. Merci pour le conseil de procéder à son visionnage car j’ai passé un super moment en compagnie de ces anti-héros devant faire face à une bande de super-héros retors. Avis aux amateurs de séries qui sortent des sentiers battus et qui nous montrent une nouvelle facette des gugus habillés d’une cape, The Boys est définitivement pour vous.

Et bon sang, c’est qui Black Noir ?

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

Partagez cette page