Futé, le petit !

Dans le domaine horrifique, les enfants tueurs possèdent leur propre part du gâteau. Depuis La Mauvaise Graine de Mervyn LeRoy en 1956, les trombines innocentes des marmots se sont étalées sur le grand et petit écran pour nous coller les miquettes. Joshua, sorti en 2007, ne fait pas exception au genre. Quoique… si, un petit peu quand même. Le réalisateur, George Ratliff (signant également le scénario avec David Gilbert) ne se laisse pas avoir en exhibant un enfant sociopathe de manière conventionnelle. Après trois documentaires et un long métrage, « Georgie » se sent d’attaque pour nous mettre en image un thriller psychologique où la tension est de mise. Est-ce que ça fonctionne ? Le petit Joshua est-il quelqu’un de confiance ? Que penser des enfants qui sont des kilomètres plus intelligents que les adultes ? A la fois avec douceur et fermeté, vous allez voir ce que c’est de faire partie de la famille de Joshua. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Brad (Sam Rockwell) et Abby (Vera Farmiga) sont heureux. Ils vivent à New York dans un magnifique appartement, sont aisés, et ont un véritable prodige comme fils : Joshua (Jacob Kogan). Ce dernier joue du piano comme personne, possède un comportement très adulte et se trouve être à des années-lumière des enfants de son âge en ce qui concerne son intelligence. Seulement, l’arrivée de sa petite sœur, Lily, va radicalement changer son comportement. Comme s’il voulait détruire sa famille de l’intérieur.

Côté casting, il faut avouer qu’il y a du potentiel. Sam Rockwell est un père modèle, prenant du temps avec son fils malgré l’arrivée de la petite Lily, discutant avec lui, l’encourageant, et tout, et tout. Cela fait bizarre de voir cet acteur, souvent en roue libre, dans un rôle plus posé, mais cela fonctionne admirablement bien. Même constat pour Vera Farmiga, impeccable en mère victime d’une dépression nerveuse. Le souvenir douloureux des pleurs de son fils refait surface à chaque cri de sa fille, et tandis qu’elle sombre lentement dans la tourmente de ses crises d’hystérie, elle nous emmène avec elle. Ned (Dallas Roberts), le frère d’Abby, a tout de l’oncle parfait, vision idéale de la paternité alors qu’il n’a pas d’enfant. Celia Weston se trouve dans le rôle d’Hazel, la mère de Brad, évangéliste convaincue et victime malheureuse de la méchanceté de son petit-fils.

Et que dire de Jacob Kogan qui joue le rôle de Joshua ? Discipliné au possible, chaudement installé dans son costume-cravate, aucune expression n’est lisible sur son visage, collant magnifiquement avec le rôle. Pour sa première apparition au cinéma, son interprétation de Joshua est dans le ton juste et rien que sa présence met mal à l’aise. On sait qu’il prépare un sale coup, mais impossible de savoir exactement quoi, où et quand. Du grand art pour ce jeune acteur qui a appris, pour le film, la sonate au piano n° 12 de Beethoven, rien que ça. Et on peut comprendre qu’entre un papa bon copain, une maman borderline et une petite sœur qui ne capte rien à la vie, il y a de quoi commencer de vouloir faire du ménage.

Le film démarre par une partie de football, annonçant symboliquement une rencontre entre le bien et le mal (tiré par les cheveux ? Je sais). Puis, le scénario avance doucement, démarrant les hostilités avec la naissance de la petite Lily, chef-d’œuvre magnifique de Brad et Abby, qui a toute leur attention. Joshua, par sentiment de rejet ou souhaitant tout simplement continuer d’exister, va alors développer un comportement des plus troublants. George Ratliff mise tout sur l’ambiance qui restera dans le sobre et le posé d’un bout à l’autre du métrage.

On ne peut, dès lors, pas parler de film d’horreur, mais bien de thriller psychologique. Les plans machiavéliques de Joshua fonctionnent à chaque fois, allant même jusqu’à filmer ses méfaits, mise en garde sur pellicule, promettant à sa petite sœur que « jamais personne ne l’aimera ». Le lot de scènes terribles est bien présent, le bambin faisant n’importe quoi durant son récital, tuant des animaux sans complexe, causant des « accidents » potentiellement mortels et se confrontant, finalement, à son père.

Car alors que la famille de Joshua commence à tomber en morceaux, le mouflet en remet une ultime couche, mettant hors-jeu le dernier membre restant et pas des moindres : son père. On arrive alors dans un final machiavélique, un plan aux petits oignons mis en place par notre terreur de 9 ans, planifiant chaque geste et prenant soin de ne laisser aucune place au hasard. Calé, le petiot ! Le final, déconcertant, nous fait entendre une chanson du cru de Joshua où il avoue purement et simplement ses méfaits. Quant à ce qu’il se passera ensuite, nul ne le sait.

L’aspect posé du film peut paraître un peu longuet pour certains qui attendraient un peu plus de viscéral et d’horreur, mais le métrage puise tout dans l’ambiance malsaine pour la faire exploser sur la fin. Et ça, c’est clairement une notion horrifique, de par l’épouvantable situation que Joshua parvient à mettre en place. Un enfant si brillant construisant un tel scénario, y’a de quoi avoir peur.  

Joshua est également l’occasion pour George Ratliff de tirer quelques ficelles de son cru. On y parle de la dépression postpartum subie par Abby et qui donne droit à des scènes glaçantes car réalistes. Ayant déjà eu un enfant (Joshua) n’arrêtant pas de pleurer nuit comme jour, la mère de famille se retrouve à nouveau aux prises avec ce terrible souvenir, développant clairement une lente et douloureuse descente aux enfers.

En parlant de ça, le thème de la religion est également très présent dans Joshua. Tout d’abord avec son titre et le nom de l’enfant sociopathe régnant sur le métrage. Josué, successeur de Moïse, a tout de même été chef des Israélites, et particulièrement responsable « militaire » de la conquête du pays de Canaan, considéré quelques fois comme le « vrai premier » juge d’Israël. Ouaip, un stratège militaire…  un peu comme notre Joshua.

L’altercation entre Abby et sa belle-mère sent aussi le pic religieux. L’une juive non pratiquante, l’autre chrétienne évangéliste à fond dedans, la remarque de Joshua attise la haine de la foi entre ces deux religions et débouche inévitablement sur une crise. Le réalisateur connaît tout de même un peu le sujet, nous ayant gratifié du documentaire Hell House en 2002, traitant également de religion. Aucune morale cependant, juste un constat, celui qu’il s’agit de sujets très souvent utilisés pour manipuler en lieu et place d’aider les autres.

A noter que le nom de la famille du film, les Cairn, représente ces tas de cailloux que l’on peut voir en montagne, parfois utilisés pour marquer un site funéraire, liant ainsi l’histoire avec la notion de mort. Idem pour la conversation entre Joshua et sa grand-mère au musée, où il fait l’éloge de Seth, le dieu du chaos de l’Egypte antique, où là encore il s’agit d’un clin d’œil funeste et ce qu’il se passera par la suite. 

Au final, Joshua est un bon film traitant de beaucoup de thèmes, dont celui des enfants tueurs au cinéma. Sans faire déborder son métrage dans la surenchère, George Ratliff nous livre une histoire posée et construite se déroulant comme un bon thriller psychologique impliquant un marmot futé et dangereux. Avec des acteurs dans le tir et une ambiance particulièrement lourde, je le conseille à tous les amateurs de bons thrillers et aux futurs parents. C’est sûr ; Joshua a un brillant avenir qui lui est promis.

Pour preuve ; Jacob Kogan a joué Spock enfant dans le Star Trek de J.J. Abrams en 2009. Comme quoi, les oreilles pointues, il les avait symboliquement déjà. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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