Shake ton boogity !

Le vaudou ainsi que le hoodoo ont une belle part dans le cinéma horrifique. On peut notamment citer Angel Heart (1987), Jeu d’enfant (1988), L’emprise des ténèbres (1988) ou encore La Porte des secrets (2005), entre autres. Et voilà qu’en 2021 débarque Sortilège, réalisé par Mark Tonderai (La maison au bout de la rue, également directeur sur certains épisodes des séries Lucifer, Gotham, Castle Rock ou Locke and Key). Un film qui parle de hoodoo avec une atmosphère mystérieuse et la présence de Loretta Devine, est-ce que ça peut être classe ? Est-ce que les cultures africaines sont un bon filon horrifique ? Voler en pleine tempête, est-ce une bonne idée ? On fabrique son boogity et on se lance dans la critique ! ATTENTION : cet article peut contenir des spoilers

Marquis Woods (Omari Hardwick) et sa famille s’en vont dans les Appalaches suite au décès de son père. Alors qu’ils survolent la zone dans leur avion privé, une tempête surgit et c’est le crash. Marquis se réveille dans une chambre et se fait accueillir par Madame Eloise (Loretta Devine) qui ne met pas longtemps à lui faire part de son attrait pour le hoodoo. Pour Marquis, c’est le début d’un long calvaire.

On part sur la bonne vieille trame de la famille avec quelques petits soucis et qui va se retrouver en situation plus que délicate. Marquis, le père, interprété justement par Omari Hardwick, va clairement en baver tout le long du film, mais j’y reviendrai. Sa femme ainsi que ses enfants sont peu présents la majorité du métrage mais sont également dans le tir. Il en va de même pour les autres membres du casting. 

Mais s’il y a un personnage à retenir, c’est celui de Madame Eloise, joué magistralement par Loretta Devine. Manipulatrice, sachant maîtriser le hoodoo à la perfection, ne manquant pas de glisser un peu d’humour grinçant dans ses propos et étant totalement sans pitié, c’est la figure principale de ce film ! Son mari, Earl, interprété par le grand John Beasley, n’est pas en reste.

C’est donc le personnage de Marquis qui va se retrouver en mauvaise posture. Blessé, étant obligé de rester cloîtré dans sa chambre fermée à double tour, Madame Eloise à pour projet de l’utiliser lors d’un rituel qui aura lieu pendant la lune de sang. Tout ça ne dit rien qui vaille à Marquis, surtout que ce dernier a un aperçu des pouvoirs de Madame Eloise.  

Car ce qui se trouve au centre du récit, c’est la spiritualité hoodoo. On en apprend donc passablement sur le sujet, notamment sur les boogity, sorte de poupées vaudous qui peuvent interagir directement avec la personne les représentant. Cela donne droit à quelques scènes bien senties et également à une séquence lors d’une réunion de quelques locaux, Madame Eloise redonnant la parole ou la vue (coucou les yeux de chèvre !) à certains d’entre eux grâce à ces poupées… et pouvant également garder un contrôle total sur eux.

Il faut tout de même préciser que le scénario, il faut réussir à l’attraper au passage. On ne comprend pas énormément le comportement de Marquis, notamment en ce qui concerne son arrivée à la station-service (faire le plein de son propre avion à la pompe, c’est quand même le kif !). Venant pourtant de cette région et précisant même connaître ce que fait le tenancier, il semble pourtant à des kilomètres d’être comme un poisson dans l’eau. La vie citadine aurait-elle pris le dessus sur lui ou l’écriture du personnage souffre-t-elle de quelques imprécisions ?

Idem pour son arrivée chez Madame Eloise. Ayant apparemment baigné dans le hoodoo durant son enfance (dont on ne saura malheureusement pas grand-chose de plus que les quelques flashbacks ultra-rapides parsemés dans le métrage) et, à nouveau, étant du coin, il n’a jamais entendu parler d’une femme pratiquant un hoodoo surpuissant dans la région ? J’ai trouvé que ces quelques incohérences freinaient quelque peu le récit. 

Coincé avec cette femme au passé lointain et trouble, Marquis doit donc tout faire pour s’en sortir. Pendant le visionnage, j’ai eu l’impression d’avoir un mix entre La Porte des secrets et Hostel, tous deux sortis en 2005. Si La Porte des secrets traitait du hoodoo sur le ton de l’épouvante, ici c’est carrément en mode trash que l’on assiste au calvaire du pauvre Marquis. Ce dernier subit non seulement les expériences hoodoo de Madame Eloise mais également quelques tortures qui font mal. La plus notable étant le coup du clou dans le pied ; je vous laisse savourer (mon œil gauche papillotait légèrement durant la scène du retrait dudit clou… et de sa remise en place).

On avance dans le film en étant assez intéressé par le scénario pour en attendre la suite et surtout découvrir pourquoi Madame Eloise se donne tant de peine. Bien que la finalité de l’histoire ressemble beaucoup à celle de La Porte des secrets, traitant qui plus est du même thème, on a le plaisir de voir une vision différente de la pratique du hoodoo, plus viscérale et violente.

Pour compléter, le film traite de plusieurs autres sujets, notamment la différence entre les citadins et les ruraux (bien marquée dans les propos des locaux des Appalaches), que l’on pourrait assimiler à une certaine forme de racisme. La détermination de l’individu, l’amour pour sa famille, les priorités que l’on se place dans la vie et l’instinct de survie envers et contre tout sont également de la partie.

Sans être impérissable dans nos mémoires, Sortilège nous présente un bon contenu avec des scènes assez intenses, des personnages présents (surtout Madame Eloise !) et une nouvelle vision du hoodoo dans le genre horrifique. Sujet vaste et peu exploité ces dernières années, espérons que l’on aura droit à plus de métrages du même acabit tout en réussissant à allier ce qu’il faut de mystère à une réalité étrange mais fondée.

Bon, je vais terminer mon boogity…