Du délire en pot

En 1960, Roger Corman a réalisé La Petite Boutique des horreurs, comédie horrifique franchement sympathique. Alan Menken (compositeur) et Howard Ashman (parolier) décident d’en faire une comédie musicale. La première a eu lieu en 1982 pour ensuite rester cinq ans en Off-Broadway, puis faire partie de plusieurs tournées à travers le monde les années suivantes. De cette comédie musicale est né le film La Petite Boutique des horreurs de Frank Oz en 1986. Film musical (oui, ça peut surprendre), on peut le considérer nettement comme une comédie-musicale-horrifique. Le réalisateur, connu pour Dark Crystal (1982) et comme marionnettiste sur la série Le Muppet Show, doit donc diriger ses acteurs et une plante carnivore dans un dédale de chansons et de scènes cocasses. Est-ce que ce film mérite un bouquet de roses ? Bilan.

Employé timide et maladroit du fleuriste M. Mushnik, Seymour est secrètement amoureux de sa collègue Audrey. Un jour, alors que son patron veut mettre la clé sous la porte, Seymour lui propose de mettre en vitrine une plante découverte lors d’une éclipse de soleil et qu’il a baptisé Audrey 2. Perplexe, M. Mushnik accepte… et c’est le succès immédiat. Les clients affluent et le petit fleuriste de banlieue devient rapidement incontournable. Mais pour grandir et rester en forme, la plante à besoin de sang frais. 

Pour commencer, passons rapidement en revue les différences entre le film de Roger Corman de 1960 et celui-ci, histoire de ne plus avoir à le faire par la suite. On ne peut pas parler réellement de « reboot » ou de « remake », le but ici étant de reprendre une comédie musicale elle-même adaptée du film de Corman. Dès lors, la trame de fond reste identique (la boutique de fleurs, les personnages principaux, le besoin de sang de la plante pour grandir). Les personnages subiront quelques modifications ; Seymour ne sera plus juridiquement responsable de l’apport en sang frais pour sa jolie plante ; Audrey deviendra une femme plus naïve que l’originale ; M. Mushnik aura un sévère appât du gain ; et Audrey 2 sera plus bavarde. L’histoire d’amour entre Seymour et Audrey sera également plus présente, afin de donner un peu de consistance à l’univers musical. Dans tous les cas, ces modifications sont à imputer, principalement, au changement d’époque et également à la facilité de pouvoir écrire une comédie musicale en lieu et place d’un film « standard ». Ces changements, donc, ne péjorent en rien le métrage, les deux films étant les mêmes sur leur fond mais différents sur leur timeline et leur traitement.

Rick Moranis (SOS Fantômes) est Seymour, l’employé naïf et maladroit, impeccable dans ce genre de rôle. Ellen Green joue Audrey. Gentille et attentionnée, son personnage sera pourtant relativement nunuche, apportant cependant une fragilité humaine au récit. Vincent Gardenia (un genre de plantes, si, si !) est M. Mushnik. Surpris de la réussite de sa boutique grâce à Audrey 2, il va pourtant devenir une menace pour Seymour à cause de son avidité. Dans le rôle complètement timbré du dentiste, le Dr. Scrivello, nous avons Steve Martin, proprement hallucinant ! Sadique, se shootant au protoxyde d’azote et poussant la chansonnette, il est sans doute un des personnages les plus hilarants de ce film. Il faut le voir pour le croire.

Il faut mentionner l’apparition de James Belushi en représentant marketing insistant ;  John Candy en animateur radio complètement sonné ; et Bill Murray en patient masochiste du Dr. Scrivello. Tichina Arnold, Michelle Weeks et Tisha Campbell-Martin sont Crystal, Ronette et Chiffon, trois choristes présentes dans la majorité des chansons. La voix de la plante Audrey 2 est assurée par Levi Stubbs, chanteur et acteur de talent.

Let’s music ! On peut s’attendre à beaucoup de choses en regardant La Petite Boutique des horreurs, mais sans doute pas à être directement croché par la première chanson se déroulant pendant le générique : Little Shop of Horrors. Mis immédiatement dans le bain, on se surprend à se dandiner sur ces notes symboliques des années 80, nous faisant penser à plusieurs génériques de séries et de dessins animés de cette époque. Puis, ce sera un peu moins égal durant le film. Certaines chansons vont clairement être magnifiques, drôles et nous rester dans la tête (la chanson du dentiste, celles d’Audrey 2), d’autres nettement moins. Dans l’ensemble, il y aura de quoi contenter tout le monde. Et puis, il faut dire qu’une comédie musicale avec une histoire de plante carnivore, ça vaut quand même le détour.

Passé cela, les acteurs font grandement bien leur boulot, tant au niveau des prestations musicales que des interprétations. Dans le haut du panier, l’on peut mentionner Steve Martin, complètement en roue libre, et Rick Moranis, jouant intelligemment sur toutes les facettes de son personnage tout en restant dans le ton. On se retrouve dans une comédie musicale, donc certains rôles seront un peu poussés, ce qui est entièrement normal. Une bonne direction d’acteurs pour Frank Oz dans le cas présent.

En matière horrifique, on se retrouve avec le même modus operandi que dans le film de 1960. Nous aurons quelques scènes reprenant les grands standards de l’horreur (l’ombre avec une hache qui tranche du jarret, la surprise de découvrir la croissance d’Audrey 2… et de ses choristes), le reste sera délectable de drôlerie et d’émotion, tout en conservant une sympathique cohérence.

Le scénario ne s’embourbe pas et reste sur les rails établis, nous proposant de suivre la même histoire que le film original, les chansons et quelques surprises en plus. Pas d’ennui à noter durant le visionnage de La Petite Boutique des horreurs, hormis, comme mentionné précédemment, lors de certaines chansons. C’est donc avec entrain que nous entrerons dans l’univers barré de Frank Oz, et non pas les bras ballants.

L’immense point fort du film, ce sont les effets spéciaux présents sur Audrey 2. Datant de 1986, on pourrait penser que cela a mal vieilli. Alors oui, il est clair que tout n’est pas rose dans cette petite boutique (l’explosion finale frise le grotesque), mais la plante en elle-même envoie carrément du steak ! Encore aujourd’hui, les effets sont magnifiques et ne souffrent d’aucune ride. On croirait presque que notre belle Audrey 2 est vraie tant un soin a été donné à son élaboration et à son animation. Bon, aux commandes du film, nous avons quand même un marionnettiste.

La Petite Boutique des horreurs, version 1986 est une belle surprise. Poussant la chansonnette pour notre plus grand plaisir, les acteurs font un travail remarquable tandis qu’Audrey 2 se dandine magnifiquement dans quelques scènes pour nous en mettre plein les mirettes. Drôle voire hilarant, sympa voire touchant, ce film est comme Audrey 2 ; une curiosité dans la boutique du cinéma de genre. Ce film mérite-t-il un bouquet de roses ? Il mérite carrément un jardin entier !

Mention spécial à la méthode d’arrêt de la moto du Dr. Scrivello ; un délice !

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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