Préparez votre pelle

En 1983, le roman de Stephen King Simetierre (Pet Sematary en anglais) est publié aux Etats-Unis. Succès public et critique, un film sort en 1989, réalisé par Mary Lambert sur un scénario de Stephen King, adaptant lui-même son propre livre. Une suite, Simetierre 2, arrive sur les écrans en 1992, mais il faut se l’avouer, c’est un peu foireux. Le premier film ayant eu son petit succès auprès du public, en 2010, l’annonce d’un potentiel remake fait surface. Pour être clair, en lieu et place de « remake », il faut voir cela comme une nouvelle adaptation du livre de Stephen King. Déjà parce que ça fait moins peur (le mot « remake », ça ne vous colle pas la frousse à vous ?) et également parce que c’est effectivement ce dont il s’agit.

Pourtant, il faut attendre neuf ans pour que le film sorte enfin dans les salles et parvienne jusqu’à nos mirettes. Pour le mettre en boîte, deux réalisateurs ne seront pas de trop. On demande donc à Kevin Kölsch et Dennis Widmyer de se tenir derrière la caméra. Déjà au fait de plusieurs films et segments horrifiques, on leur fait confiance pour adapter cette nouvelle version de Simetierre. Le film est-il à enterrer ? La mort est-elle préférable ? Les limitations de vitesse, c’est pour les chiens ? Le film de 1989 ayant réussi à me coller les miquettes, qu’allait donner le visionnage de celui-ci ? Vous voulez le savoir ? C’est parti ! ATTENTION : cet article contient de GROS spoilers (tout comme la bande-annonce, en fait…).

La famille Creed déménage dans une nouvelle maison située dans l’Etat du Maine. Louis (Jason Clarke) est médecin et se trouve être un mari et un père attentionné. Sa femme Rachel (Amy Seimetz) s’occupe du foyer et vit hantée par la terrible mort de sa sœur. Les enfants Ellie (Jeté Laurence) et Gage (Hugo & Lucas Lavoie… non, sans déc’, le nom de famille, c’est fait exprès ?) vivent leur existence de bambins dans une famille aimante. Tout se serait bien passé s’il n’y avait pas eu cette route, ce camion… et cet étrange cimetière indien où, paraît-il, les morts peuvent revenir à la vie.

On ne va pas passer son temps à comparer le film de 1989 avec celui-ci vu qu’il s’agit d’une nouvelle adaptation de l’histoire. Si l’on reprend le matériau d’origine, les personnages restent les mêmes et sont interprétés avec conviction et brio par chacun des acteurs. Louis, jouant un aspect émotionnel et fou dans la dernière partie du film ; Rachel parvenant à transmettre au spectateur son mal-être intérieur ; les enfants, si jouasses de vivre une vie bien remplie ; et même le chat de la famille, Church (interprété par Léo, Tonic, Jager et JD) parvient à nous convaincre de sa prestation.

Des acteurs qui savent comment jouer, on part déjà sur un bon postulat. Surtout que la présentation de la famille se fait en douceur et sans prise de tête. Nous avons aussi l’occasion de rencontrer le voisin de la famille Creed, Jud, rôle parfait pour John Lithgow et son palmarès de films. On sent une connivence entre les acteurs qui va grandement aider à s’impliquer émotionnellement dans l’histoire.

Et puis, c’est le drame ; Church se fait percuter par un véhicule. Ellie se posant énormément de questions sur la mort, ce n’est pas concevable pour Jud que cette petite fille soit privée de son chat. Il montre donc à Louis un endroit par-delà le cimetière d’animaux de compagnie se trouvant dans la forêt de leur résidence. Un lieu où, dit-on, la terre serait maudite et ferait revenir les morts à la vie. Ni une, ni deux, les deux gaillards s’en vont au cimetière indien pour enterrer le pauvre Church.

Celui-ci revient bel et bien à la maison… mais changé. Agressif, violent, n’hésitant pas à griffer même sa jeune patronne, il a clairement perdu son âme dans cette terre païenne. Louis décide d’abandonner le félin et promet de ne plus se faire prendre par les sentiments en jouant avec des forces qu’il ne connaît pas. Médecin de son état, il peine clairement à comprendre ce qui arrive et comme toujours, quand on ne comprend pas, la peur a une porte d’entrée.

Arrive LA scène qui implique un enfant, une route, le retour de Church et un camion. Et là où les scénaristes David Kajganich et Jeff Buhler vont surprendre tout le monde, c’est que ce n’est pas Gage qui va être la pauvre petite victime du camion-citerne lancé à vive allure… mais Ellie ! D’ailleurs, c’est ce que montre explicitement la bande-annonce, privant tout fan du premier film de l’effet de surprise durant le visionnage.

Coup de théâtre ! Ils ont osé défier le maître du suspense en modifiant drastiquement l’histoire. Mais, que se passe-t-il ? Les puristes lèvent leurs pelles et crient au scandale. Ils montent en direction de la maison des scénaristes pour les enlever et les enterrer vivants dans une terre tout à fait normale, histoire que plus jamais ils ne puissent ainsi défier une œuvre de Stephen King.

De mon côté, j’suis tranquille. Je regarde le film avec deux fois plus d’attention, me demandant ce que ce changement va avoir comme conséquences directes dans l’histoire. Avec un peu de culot, cela peut donner des résultats bien plus concluants que ce à quoi nous pouvions penser. Dès lors, une fois la scène de l’accident passée, on ne décroche plus de l’écran, que nous connaissions l’histoire ou non.

Dans sa tristesse insondable, Louis va bien entendu commettre l’impensable ; rouvrir la tombe de sa fille pour aller l’enterrer dans le cimetière indien afin de la retrouver. Mais tout comme avec le chat… elle reviendra changée. Débute alors la grosse remise en question du film ; jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour les gens que nous aimons ? Le complexe de Dieu nous atteindrait-il tous ? L’amour (ou la folie), est-ce plus fort que la peur de l’inconnu ?

Toutes ces interrogations se lisent comme un livre ouvert sur le visage de Louis dès qu’il revoit sa fille. Via la scène du bain et la mise sous la couette de la petite, on ressent un certain malaise. Les réalisateurs parviennent bien à maîtriser l’ambiance sordide des implications que donnent un tel pouvoir et des conséquences qui en découlent. On ajoute à cela la terrible histoire de la mort de la sœur de Rachel et le décès d’un étudiant dans l’hôpital de Louis et on obtient une ambiance impeccable pour une fin de soirée pluvieuse devant la télé.

Les conséquences sont ce qu’elles sont. Disons simplement que les réalisateurs vont oser aller encore plus loin en nous proposant une fin inédite à l’histoire. Cette dernière m’a un peu fait penser à celle de The Mist, de Frank Darabont (2007), film également issu d’une histoire de Stephen King. Même si on se trouve à un million de kilomètres de l’aspect désespérant de The Mist, n’en reste que les réalisateurs ont osé quelque chose… et pour ma part, ça a fonctionné.

De plus, c’est en visionnant ce film que je me suis rendu compte de certains éléments. Le nom de famille « Creed » veut littéralement dire « conviction » dans un terme religieux. Le chat de la famille s’appelle « Church » et Louis est médecin, tel un bon samaritain. D’autres éléments seraient à mentionner, mais il est intéressant de constater que face à la mort, le personnage de Louis va prendre l’option païenne pour ramener sa fille, au détriment de ses propres convictions. La question qui pourrait en ressortir est la suivante : face à certains événements, notre foi suffit-elle ou sommes-nous prêts à trahir nos convictions pour trouver une autre issue ? L’issue en question, dans le cas présent, est plutôt défavorable, il faut l’admettre.

Ambiance glauque, acteurs bien dans leurs rôles, scènes troublantes et choquantes nous collant à notre canapé, cette nouvelle adaptation de Simetierre est un bon film. L’altération scénaristique d’un personnage central de l’histoire apporte un intérêt d’autant plus vif et permet de suivre cette histoire avec un œil plus acéré, tel un scalpel. Jouant également avec quelques scènes du premier film, les réalisateurs ont réussi un tour de force en osant un terrifiant coup de bluff. Pour ma part, si vous souhaitez voir un vrai film d’horreur en cette année 2019, et même si vous ne connaissez pas du tout l’univers de Stephen King, deux mots ; lancez-vous !

Et maintenant, on repose doucement sa pelle.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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