Vive les licornes !

Dans le lot de séries complètement barrées que l’on peut visionner, Happy! possède un certain niveau. Tout cela part d’une série de quatre numéros d’un comics du même nom, écrits par Grant Morrison et dessinés par Darick Robertson, parus en 2012. Les deux bonhommes décident en 2017 de créer une série basée sur cette histoire bien tordue.

Nick Sax (Christopher Meloni), ex-flic devenu tueur à gage, alcoolique et possédant un réel mépris pour la vie humaine, manque de se faire tuer lors d’un de ses contrats. Revenant à lui, il est maintenant capable de voir Happy, une petite licorne bleue avec des ailes qui s’avère être l’ami imaginaire d’une petite fille appelée Hailey (Bryce Lorenzo). Celle-ci a été kidnappée par un très méchant Père Noël (Joseph D. Reitman) et Happy demande l’aide de Nick pour la retrouver.

Et là, ce n’est que pour la première saison !

On part sur un trip complètement dingue, sorte de mélange de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? emballé dans une comédie noire et violente à souhait. Ne pas faire dans la dentelle, telle est la devise de cette série ! De plus, si les deux créateurs de la petite licorne sont également au fait de sa transposition en live, il y a fort à parier que ça va être une tuerie… littéralement.

La première saison se déroulant pendant les fêtes de Noël reprend la trame de la série de comics. La seconde saison, qui se déroule pendant les fêtes Pâques, nous transporte dans de l’inédit, également sous la création de Morrison et Robertson, le tout passant sur la chaîne Syfy avant d’être disponible sur Netflix. Mais voilà, la série est annulée à l’issue de cette seconde saison, faute à une baisse d’audience.

Happy! n’est pas à mettre sous tous les yeux, je vous prie de me croire. Cynique à souhait, désespérée dans certains aspects de sa narration, osant le politiquement incorrect sur pratiquement tous les points, la série nous fait assister à un spectacle à la fois délirant, sombre et délicieux. Est-ce que cela tient le coup sur toute la longueur ? Les amis imaginaires ont-ils des droits ? Les fêtes vont-elles s’en prendre un coup ? On enfile son écharpe de circonstance et on démarre la critique ! ATTENTION : cet article étant partiellement une analyse, un certain nombre de spoilers sont présents

Des amis pas qu'imaginaires

Surtout connu pour ses rôles de Christopher Keller dans Oz (1998-2003) et de l’inspecteur Elliot Stabler dans New York, unité spéciale (1999-2011), on peine à voir Christopher Meloni dans un rôle aussi déjanté que celui de Nick Sax. Pourtant, la magie opère et il nous présente une interprétation complètement allumée d’un bout à l’autre de la série. Vous prenez le personnage de Porter dans Payback de Brian Helgeland (1999), vous le boostez avec un cynisme plus poussé, une capacité hors normes à prendre des coups et une folie exacerbée et vous obtenez Nick Sax.

Le binôme que cet ancien policier entreprend avec Happy est simplement impeccable. L’osmose entre les deux personnages est totale et permet des dialogues outranciers ainsi que des remises en question salvatrices. Pour incarner la voix de la licorne, c’est l’acteur et humoriste Patton Oswalt qui est choisi. Happy, c’est le cheval jovial jovial, le canasson joyeux luron. Rempli d’enthousiasme, d’innocence et de joie, cela pourrait bien changer à force de côtoyer quelqu’un comme Nick Sax, surtout si la vie d’Hailey est en jeu.

La jeune fille en question est interprétée par Bryce Lorenzo est se retrouve donc catapultée dans un monde sombre, glauque et sans concession. Pile dans le ton durant la première saison, on sent un certain flegme durant la seconde, ce qui peut s’expliquer par les événements atroces qu’elle a vécu. Ah oui, accessoirement, Hailey est la fille de Nick Sax, qu’il a eu avec son ex-femme Amanda.

Cette dernière est interprétée par Medina Senghore. Mère perdue dans la première saison, elle va littéralement nous péter une grave case durant la seconde, nous offrant même une scène d’accouchement que je ne suis pas près d’oublier. Elle va également devenir amie avec l’ex-coéquipière de Nick, Meredith McCarthy. Celle-ci vit avec sa mère souffrant d’Alzheimer et se retrouve souvent embrigadée dans les mésaventures de son ex-collègue.  

Mais une véritable histoire de dingues ne le serait pas sans des antagonistes dignes de ce nom ! On commence avec Francisco « Blue » Scaramucci, interprété par un Ritchie Coster déjanté. Baron du crime en ville, importateur de vins et père de famille, il va lentement mais sûrement se transformer en autre chose de bien plus sordide.

Et pour parfaire l’ambiance outrancière du métrage, l’autre grand méchant s’avère être… une star d’émission pour enfant : Sonny Shine. Tant le générique de son émission est kitsch à souhait, tant Christopher Fitzgerald qui interprète le personnage le fait avec une dégaine inspirant tout sauf de la confiance. Malsain, s’adonnant à des orgies réellement flippantes et étant pourtant adoré des enfants, sa montée en puissance n’a d’égale que sa capacité à ne jamais se faire attraper.

Finalement, il y a Smoothie, personnage extrêmement intéressant sur bien des aspects. Adepte de la torture, sado comme maso, toujours bien habillé et avec un design particulièrement réussi dans la seconde saison (un œil rouge, ça aide), il est fondamentalement méchant… mais on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine empathie à son égard lorsque l’on apprend son terrible passé.  

On termine avec les apparitions de Curtis Armstrong dans le rôle de Dayglo Doug, ancien présentateur d’une émission pour enfants et nazi à ses heures perdues ; Antonia Rey, splendide en sorcière travaillant pour la famille de Blue ; Jerry Springer dans son propre rôle le temps d’un épisode ; Weird Al Yankovic, humoriste et spécialiste des parodies musicales, prêtant sa voix à un bébé tenancier de bar ressemblant étrangement à Bébé Herman dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ; et Jeff Goldblum donnant sa voix à… Dieu, dans le dernier épisode de la série.

Tous les acteurs sont à fond dans leur rôle, même si l’on peut entrevoir quelques nonchalances par moment. Pourtant, le duo phare de la série composé de Nick et Happy ne souffre d’aucune lacune et c’est avec une attention toute particulière que nos mirettes se fixent sur ces deux personnages, attendant impatiemment de voir comment va tourner leur relation. Ben oui, être pote avec une mini-licorne volante à la dentition saillante, ça n’arrive pas tous les jours.

Saison 1 : Joyeux Bordel !

Reprenant le thème de la bande dessinée, la première saison se focalise sur les fêtes de Noël… histoire de bien les dézinguer ! La mise en place de la série est assez intrigante, les premières apparitions de l’ami Happy se faisant par l’intermédiaire de sessions de caméra à la première personne, nous laissant dans le doute quant à la forme de la bestiole.

On suit également le quotidien peu reluisant de Nick, ce dernier ayant un contrat pour occire quatre frères issus de la famille Scaramucci, soit les neveux de Blue. C’est à cette occasion qu’il manque de mourir d’une crise cardiaque, la cause à un rythme de vie où le terme « débauché » reste bien trop doux. De cette mésaventure découle ensuite sa rencontre avec Happy.

Car le petit canasson est l’ami imaginaire d’Hailey, une petite fille fan de Sonny Shine, qui se rend à l’un de ses spectacles avec sa mère Amanda. Durant le show, la fillette, souhaitant avoir une vue d’ensemble plus convaincante de la scène, se déplace quelque peu et se fait kidnapper par le très vilain Père Noël, antagoniste majeur de cette première saison.

Et là, mes amis, laissez-moi vous dire que Joseph D. Reitman nous présente ici un personnage des plus torturé, crade et dérangé possible. Avec plus de cent crédits sur la base de données IMDb, cet acteur possède véritablement une gueule incroyable qu’il est difficile d’oublier. On couple cela avec un passé violent et un dédoublement de personnalité lui permettant de prendre la voix d’un enfant et BAM, on obtient un antagoniste comme il se doit.

Cette première saison peut vous crocher directement… ou non. Nous sommes tout de même dans un contexte violent où le visuel, les dialogues et l’ambiance générale restent durs et sans concession. Les interventions de Nick dans les divers épisodes pour retrouver Hailey n’y vont pas avec le dos de la cuillère et rares sont ceux qui s’en sortent indemnes après une confrontation avec lui.

On suit donc cette première saison avec un certain enthousiasme, nous posant tous les jalons nécessaires pour que nous comprenions l’histoire sans en faire trop. La trame principale (la recherche d’Hailey afin de la sauver du vilain Père Noël) est basée sur le principe d’une enquête policière, avec cependant un punch beaucoup plus violent et une noirceur comiques bienvenue.

Les sous-intrigues ne sont pas en reste et demeurent assez intéressantes et barrées pour capter notre attention. La résurrection de Mike par le démon Orcus et son incursion dans la vie des Scaramucci se finalise par la possession de Blue, coincé derrière les barreaux mais devenant un antagoniste potentiel pour la suite. De même, la relation entre Nick et son entourage pèse dans la balance non seulement pour la compréhension du personnage mais aussi pour nous gratifier de quelques scènes WTF voire atroces à souhait.

Dans cette première saison, nous allons passer par ; une partie de poker où la triche est de mise ; le tournage d’une émission de téléréalité impliquant Isabella Scaramucci (Debi Mazar) et une recette aux menstruations de sorcière ; un groupe de parole pour amis imaginaires délaissés ; une ancienne enquête de Nick sur un conflit conjugal qui se termine atrocement (pauvre bébé) ; une scène d’orgie particulièrement dérangeante à laquelle assiste Amanda ; et une baston finale entre Nick, le méchant Père Noël et une pléiade d’amis imaginaires.

Outre le fait de briser les fêtes de Noël, cette première saison nous offre également quelques interrogations, notamment sur le fait d’être parents. Amanda fait tout pour retrouver sa fille et va même jusqu’à frapper un officier de police, Meredith en l’occurrence. De son côté, Nick n’accepte pas sa potentielle paternité mais découvre, au fur et à mesure de son enquête, qu’il ne peut pas aller contre le fait de tout faire pour retrouver sa fille.

Un bon départ qui augure du bon pour la suite, surtout qu’à la fin de cette saison, la petite licorne n’est plus l’ami imaginaire d’Hailey, cette dernière ayant « grandit » à la suite de l’expérience traumatisante vécue avec le Père Noël dérangé. Happy se rabat alors sur Nick car un ami imaginaire se doit d’aider celui qui en a le plus besoin. 

Saison 2 : Pâques du bon

Puis arrive la saison deux et là… ça part un peu en chocolat. Après s’être attaqué à Noël et dans le but de conserver une ligne de conduite reprenant le concept des fêtes, les créateurs de la série s’appliquent à modifier l’image que nous connaissons de Pâques, notamment via le personnage de Sonny Shine qui va jusqu’au Saint-Père pour lui demander son approbation pour « rendre à Pâques sa grandeur ».

On démarre en puissance avec une bande de bonnes sœurs habillées d’explosifs qui s’en vont mettre un sacré bazar au beau milieu d’un marché, ouvrant la saison de manière crue, provocatrice et sanglante. On se frotte les mains, on se dit que tout va bien se passer et que ça va être effectivement quelque chose de grand.

Nick arrête de boire et se gave de spray pour l’haleine contenant de l’alcool en lieu et place de bouteilles de bourbon. Fini le long manteau et l’écharpe ; place aux chemises à fleur et à ses responsabilités de père, activité qu’il peine à entreprendre avec sa fille Hailey. Paris sportifs, mise en danger, mensonges, la fillette qui a bien mûri va étonnamment trouver en Smoothie (laissé pour mort en fin de la saison une et possédant maintenant un œil à la Terminator) un ami.

Amanda part en vrille après sa visite à l’orgie de Sonny Shine ; Blue se transforme en Orcus et prend en grade ; Sonny Shine prépare un « œufstaculaire » show pour la fête de Pâques ; Meredith devient agent immobilier ; et bien entendu Happy tente de continuer d’aider Nick malgré les difficultés.

Pourtant, un problème majeur fait son entrée dans cette deuxième saison ; l’abus de sous-intrigues. Si le fil conducteur principal est clairement celui de destituer Sonny Shine de son piédestal en retrouvant toutes les vidéos compromettantes qu’il possède sur toutes les personnes influentes autour de lui, on nous bombarde (et le mot est faible) de sous-intrigues qui, pour la plupart, ne verront même pas une quelconque issue.

On nous mélange donc un animateur pour enfant pervers ayant une main mise sans précédent sur la ville ; un démon de la mort romain qui souhaite tantôt créer le chaos, tantôt faire des affaires ; des monstres hideux (les Wishees, présents dans l’émission de Sonny Shine) déguisés en personnages ressemblant étonnamment aux Télétubbies… et étrangement similaires à un organe génital masculin en retirant leur costumes ; le sang de ces créatures qui devient un symbiote rose à l’occasion ; le pétage de plomb d’Amanda ; le plan de Smoothie pour détruire Nick Sax ; le rôle de père de ce dernier ; la présentation de sa mère ; et l’incursion de Meredith auprès du groupement des Plumes Bleues, un groupe de femmes combattant le surnaturel.  

Il s’agit ici de quelques-unes des sous-intrigues que l’on va nous coller sur nos mirettes pendant cette saison, faisant partir le scénario dans tous les sens. On dirait que les créateurs se sont dit « Allez, on met le paquet ! » et qu’au final, on se retrouve avec beaucoup trop de choses à l’écran. Trop pour que le spectacle cinglant, acide, sombre et blindé d’humour noir de la première saison nous revienne en mémoire.

Cela ne nous exonère cependant pas de moments complètement barrés et où la violence conserve toujours une place prédominante. L’explosion des nonnes ; Smoothie en lapin de Pâques SM ; Nick faisant un stock d’organes dans son frigo ; un homme écorché vif étant la surprise d’un œuf de Pâques géant ; un combat mémorable dans une maison de retraite pour nazis ; une baston aux toilettes entre Nick et le sang de monstre devenu vivant ; et Happy ayant des relations sexuelles avec une amie imaginaire (eh oui…).

Tout aussi déjanté que la première saison, cette seconde partie tient nettement moins la route. On apprécie l’effort fait dans le n’importe quoi et le fait que ça parte réellement totalement en cacahuète, mais l’aspect sombre de la première saison ne se fait entrevoir que lors du final de cette seconde partie, grandement révélateur sur la condition de père de Nick et sa volonté de protéger sa fille afin qu’elle ne devienne pas comme lui.

Nous avons également un dialogue entre Happy et… Dieu. Ce dernier se présente comme étant un peu similaire à la petite licorne mais ses amis, c’est toute une civilisation. Bien que chacun puisse faire ses choix, il reste à veiller sur le monde et conseille à Happy d’en faire de même et de trouver ceux qui ont besoin de lui. Intéressant sur plusieurs points, ce dialogue est une manière honorable d’arriver en fin de saison.

Le final se passe durant Halloween où Nick retrouve enfin Smoothie, le décapite et pose sa tête devant la maison en guise de décoration. On se dit que c’est dommage et qu’une troisième saison se déroulant durant cette fête aurait pu être énorme, surtout en repartant sur un aspect un peu moins nawak que cette saison-ci. Mais cela… nous ne le saurons jamais. C’est bête, surtout au vu du nombre d’intrigues laissées en suspens (le groupe des Plumes Bleues ; qu’est devenu Happy ? ; le contrat entre Nick et Orcus ; les conséquences de la mort de Sonny Shine ; le fait qu’Orcus et Happy semblent être de parfaits antagonistes ; etc.).  

Les thèmes sont nombreux dans cette saison et sans doute trop (tout comme les intrigues) pour être totalement mentionnés. On note cependant une quête de rédemption de la part de Nick, une recherche de la normalité pour Hailey, le problème lié au stress post-traumatique pour Amanda, tout cela emballé dans un œuf de Pâques représentant la quête de l’identité pour chacun.

Deuxième saison où le foutoir est plus de mise que dans la première, on se marre bien, on assiste à des débordements toujours aussi viscéraux mais ça manque cruellement de finitions, nous laissant béat devant notre écran au moment du final en pensant à tout ce qu’il y a encore en suspens et dont nous n’aurons jamais le fin mot. Heureusement, il nous reste notre imagination ! 

Don’t worry, be happy !

Une première saison dantesque et une seconde qui prend beaucoup trop de chemins différents pour être honnête, Happy! n’en reste pas moins une série complètement délirante que tous les amateurs de comédie très noire ne pourront qu’apprécier. Car cela fait toujours du bien de regarder quelque chose qui sort de l’ordinaire et qui n’a pas peur de s’en aller sur les sentiers du politiquement totalement incorrect.

On ne peut que remarquer le fun que les participants dégagent pendant toute la durée de la série pour nous en mettre plein la vue. A ce titre, cela ne conviendra pas à tout le monde, les excès étant relativement nombreux pendant toute la durée des dix-huit épisodes présentés. Âmes sensibles et cœurs fragiles, abstenez-vous ; bien qu’elle parle d’une petite licorne bleue avec des ailes, la série n’est clairement pas pour les bambins.

Personnellement, j’ai été « happy » de visionner cette série et cela renforce ma conviction qu’il peut encore y avoir des choses non conventionnelles en ce monde qui valent la peine d’être regardées. Oui, Happy! va parfois loin et dégage tout sur son passage, un peu comme un bulldozer satirique balayant les fondations de la maison de la bienséance et de la droiture. Mais franchement, quel bien ça fait !

Si vous aussi vous aviez un ami imaginaire étant enfant, si vous appréciez les bastons à la tronçonneuse et les sandwiches beurre de cacahuète/sang de monstre ou si vous êtes à la recherche de quelque chose de barré et de fun dans la veine d’un Ash VS Evil Dead sur fond d’enquête policière, lancez-vous dans le visionnage. Dans le cas contraire, passez votre chemin et reprenez les Télétubbies dès la première saison.

Quoique… entre les Télétubbies et Happy!, je ne sais pas ce qui serait le plus flippant.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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