Rue de l'Horreur

Le cinéma horrifique espagnol fait partie de mes préférés. Avec des métrages comme [REC], L’Orphelinat ou encore Verónica, le cinoche hispanique nous offre de superbes productions qui nous collent les miquettes et qui sont magnifiquement réalisées. Donc, lorsque arrive sur les écrans Malasaña 32 en 2021, impossible de faire l’impasse. Pour sa première réalisation de long métrage en solo, Albert Pintó décide de nous emmener dans un quartier extrêmement populaire de Madrid, à savoir Malasaña, en plein dans les années 70. Est-ce que la formule fonctionne ? Est-ce que l’immobilier bon marché est une judicieuse économie ? Le ciné espagnol peut-il toujours être inventif ? On dépose ses fonds propres pour l’achat de l’appart’ et on se lance dans la critique ! ATTENTION : cet article contient des spoilers

En 1976, à Madrid, une famille recomposée débarque au numéro 32 de la rue Malasaña pour prendre possession de leur nouvel appartement. Bien que toutes leurs économies y soient passées, ils sont ravis et espèrent pouvoir prendre un nouveau départ citadin après avoir quitté leur village. Mais des événements de plus en plus perturbants vont avoir lieu dans cet appartement, forçant cette famille à se dresser contre des forces qui la dépassent.

Avant de démarrer dans le vif du sujet, un peu d’histoire ! Nous nous trouvons après la mort de Francisco Franco et l’Espagne est en pleine transition. Ce contexte politico-social permet d’ajouter une pointe de compréhension à l’attitude des personnages mais également à positionner socialement le métrage. Tout comme dans des films comme Under the Shadow, la toile de fond historique donne un cachet particulier et surtout une immersion plus fondée.

C’est dont le cas avec Malasaña 32. L’action horrifique découle de plusieurs légendes urbaines et événements étranges s’étant déroulés dans cette rue, notamment depuis les années 60. Les Madrilènes sauront sans doute bien mieux que nous de quoi il en retourne. A noter que le numéro 32 de cette rue n’existe pas dans la réalité ; elle s’arrête au 30 et le film a été tourné dans un bâtiment à plusieurs rues de là.

Mais revenons-en au métrage en lui-même. Nous avons donc cette petite famille qui débarque dans la grande ville. Le père, Manolo (Iván Marcos) a épousé sa belle-sœur Candela (Bea Segura) après la mort de sa femme et le départ de l’époux de celle qui devient son épouse. Cette dernière a deux enfants ; Pepe (Sergio Castellanos), la vingtaine, ayant quelques soucis d’intégration sociale notamment à cause de son bégaiement, et Amparo (Begoña Vargas), 17 ans, passablement déçue d’avoir dû quitter son petit ami pour s’installer à Madrid. Manolo et Candela ont également eu un enfant ensemble, Rafael (Iván Renedo), aimant jouer à la toupie et regarder des émissions de télé cheloues. Tout ce petit monde ne serait pas complet sans la présence de Fermin (José Luis de Madariaga), le grand-père de la bande, ayant de graves troubles de mémoires que l’on pourrait apparenter à la maladie d’Alzheimer.

On peut également noter la présence de Javier Botet, le célèbre acteur étant particulièrement aguerri aux rôles monstrueux comme dans [REC], Mama, Conjuring et j’en passe. Il interprète non seulement un spectre mais également l’agent immobilier s’occupant du dossier de la famille Olmedo présentée ci-dessus ! Franchement ça fait plaisir de le voir dans un rôle « humain » qu’il maîtrise tout aussi bien que lorsqu’il passe trois heures (ou plus) au maquillage.  

OUF, les présentations sont faites. Il faut dire que les acteurs interprètent leurs rôles avec conviction et réalisme, ce qui nous permet de mieux nous immiscer dans la vie de cette famille venant d’opérer un changement drastique dans leur quotidien. Il faut maintenant rembourser le crédit qui leur a permis d’acheter l’appartement à Malasaña 32 et donc travailler plus pour permettre également à la petite famille de manger à sa faim. Eh oui, chercher une vie meilleure, ça génère des sacrifices.

Pourtant, la famille Olmedo ne pensait pas devoir sacrifier autant. A peine sont-ils arrivés que des événements étranges se produisent et que le petit Rafael se fait kidnapper par une entité qui aime faire bouger les choses et montrer des programmes flippants avec des marionnettes à la télévision. Pour les membres de cette famille, c’est le début des véritables ennuis.

Le cadre horrifique est magnifiquement posé comme les réalisateurs espagnols (ici donc Albert Pintó) savent le faire ; jump scares sans abus, utilisation des arrière-plans pour augmenter la tension, apparition de détails dans le cadre qui mettent à mal notre palpitant (le coup de la photo dans le corridor) ; on peut dire que les standards sont respectés et le film instaure donc un véritable sentiment de tension.

Qui plus est, le métrage possède sa propre esthétique. Le Madrid des années 70 est à la fois en plein renouveau mais aussi meurtri par plusieurs décennies d’une mainmise dictatoriale. Cela se ressent très bien à l’écran et le soin apporté aux décors et à l’ajustement des plans baignent nos yeux dans une atmosphère empreinte de nostalgie, d’incertitude et de mystère.

Même si le film est magnifique, qu’il s’agit réellement d’un film d’horreur et que les acteurs arrivent à nous embarquer volontiers avec eux dans l’histoire, il y a pourtant une question cruciale à poser ; quel est le juste milieu dans un film d’horreur ? Ici, nous sommes en situation de tension pratiquement du début à la fin. Puis, lorsqu’arrive celle-ci, les choses semblent s’accélérer à vitesse grand V ; Candela demande l’aide de Maruja (Concha Velasco), une dame d’un certain âge ayant quelques dons de médium, et sa fille Lola (Maria Ballesteros), tétraplégique et pouvant taper la causette avec les forces de l’au-delà.

En arrive ensuite une confrontation finale durant laquelle le respect pour les personnes handicapées est passablement bafoué (c’est tout de même un peu poussé, avouons-le). Cela couplé avec le fait que l’identité du terrifiant spectre nous est révélée et pourrait bien activer un nouvel hashtag sur la toile de la part du mouvement LGBT. Comme d’hab’, le film se termine sur un sursaut et la preuve que les prochains locataires vont également en baver.

Donc, quel constat pour ce film ? Esthétiquement et techniquement parlant, nous sommes bien en présence d’un bon métrage horrifique. Cependant, ce dernier s’évertue à pousser la trouille le plus loin possible (avec brio, j’en conviens) au détriment de réellement creuser les personnages et les fonds de toute cette affaire. Par exemple, nous n’avons pas énormément d’explications sur la vie au village de cette famille avant qu’elle n’en parte. Idem pour les personnages de Pepe et Fermin ; l’un n’est pas réellement utile et l’autre sert simplement à éloigner Amparo de l’appartement pour que l’entité puisse discuter pépouze avec Rafael.

Dommage car avec sa base historique, son contexte particulier et ses personnages attachants et réalistes, avec un background plus posé et surtout une fin moins… étrange, le film s’en serait sorti avec les grands honneurs. Ici, je ne parlerai que d’honneurs, ce qui est déjà extrêmement louable car nous avons tout de même un métrage de qualité.

Les sujets traités sont nombreux et on ne sait pas vraiment comment tous les interpréter. Ce que je retiens principalement, outre le fameux adage « La famille, c’est ce qu’il y a de plus important », c’est particulièrement cette période de flou traversée par l’Espagne après le décès de Franco. Le contexte politico-social à lui tout seul est déjà extrêmement intéressant et nous permet de voir diverses situations dans une époque qui était bien différente.

Franchement bien fichu, possédant une esthétique teintée de réalisme et de terreur, le tout surfant sur une réalisation maîtrisée et s’appropriant toute l’atmosphère d’une époque bien définie, Malasaña 32 est un bon film à regarder pour les amateurs du genre. Bien que cherchant principalement à nous faire peur en laissant un peu de côté une histoire qui aurait mérité d’être approfondie, n’en reste qu’une fois encore, le cinéma horrifique espagnol nous prouve qu’il est bien présent et que l’avenir s’avère radieux si cela continue sur cette ligne de conduite.

Enfin, plus radieux que celui de la famille Olmedo, du moins. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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