Quelle plaie !

Basé sur la nouvelle The Visible Filth de l’écrivain horrifique Nathan Ballingrud, Wounds a été présenté au Festival de Sundance en janvier 2019. Orchestré par Babak Anvari (à qui l’on doit le sympathique Under the Shadow), le titre du film semble plus qu’évocateur ; on va avoir droit à un body horror bien huilé à la mode « ça va faire mal » ! C’est donc avec un certain enthousiasme que j’en enclenché le visionnage. La véritable question est ; est-ce que ça fait mal ? Pour le savoir, on se passe un coup de pommade et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Will (Armie Hammer) est un barman de l’établissement Rosie’s à la Nouvelle-Orléans. Après une bagarre, il retrouve un téléphone portable appartenant apparemment à l’un des étudiants présents ce soir-là. Désireux de retrouver le propriétaire, il parvient à déverrouiller le téléphone. Ce qu’il va y trouver changera sa vie à jamais.

Le personnage de Will, on aime le détester. Buveur invétéré, volage, n’ayant apparemment aucun plan pour le lendemain, susceptible et relativement peu à cheval sur les principes, il faut cependant reconnaître qu’il a un certain charisme et que sa prestation est honnête d’un bout à l’autre. Ce n’est pas le cas de Dakota Johnson interprétant sa petite amie Carrie. D’un flegme à faire tressaillir tout britannique qui se respecte, la jeune femme ne décroche aucune émotion concrète et semble être présente en tant qu’excuse pour renforcer l’aspect bad boy absolu de Will. Sans plus.

Heureusement, Alicia (Zazie Beetz) et Jeffrey (Karl Glusman) apportent un peu de fraîcheur et d’intrigue. Will étant éperdument amoureux de la belle Alicia, il va se créer quelques soucis notamment avec Jeffrey tout comme avec Carrie, qui semble avoir l’habitude de ce genre de comportement. Et personnellement, j’ai énormément apprécié la présence de Brad William Henke. Cet ancien joueur professionnel de football américain s’est reconverti dans le cinéma et la télévision (Lost, Orange Is The New Black). Son rôle d’Eric, gros buveur, bagarreur et accessoirement victime de la malédiction des plaies, reste pour moi marquant bien que peu présent.  

Donc Wounds, c’est quoi ? Ben, on ne sait pas vraiment. Les premières impressions semblent osciller en direction d’un One Missed Call qui tournerait dans la version trash d’un body horror à la Contracted, cela depuis la trouvaille du téléphone portable jusqu’au premier appel de Will qui lui laisse un son amer dans l’oreille… et déclenche apparemment les événements à venir.

Puis, on sent une puissante influence asiatique pointer le bout de son nez en virant dans un autre registre. Le son entendu par Will semble déclencher chez lui une connexion avec des être supérieurs, respectivement issus des plaies. D’après un livre (plus que douteux), il serait possible de se connecter avec des gugus pratiquement divins au moyen de blessures infligées. L’illustration de ce « passage » se fait via un écran d’ordinateur contemplé par Carrie, auquel Ring n’a rien à envier et qui m’a fait ressurgir les souvenirs d’un certain Uzumaki pour les plus connaisseurs d’entre nous.

C’est d’ailleurs principalement à ces deux références que je pense quand je dis que ça part du côté de l’horreur asiatique. La présence de fantômes au visage flouté et les transformations corporelles étranges et cachées (Tetsuo ?) font également écho à cela. Du coup, on se trouve bien dans un film d’horreur anglais ou non ? Parce que pour le moment, je ne vois pas trop où on veut en venir.

On suit les tribulations du pauvre Will qui doit compiler sa vie déjà complexe avec des visions étranges, une irrésistible envie de s’émanciper de tout ce qu’il possède et une démangeaison étrange sous le bras. Entre ses écarts avec Alicia, sa capacité à avoir des hallucinations à tout instant et sa petite amie qui lui envoie des textos au summum de l’étrange, ce n’est franchement pas évident de vivre simplement.

Puis, Will perd tout… absolument tout ; Carrie, travail, Alicia, potes, le voilà relégué au plus infime cafard peuplant le monde, tout comme ses amis à six pattes qui grouillent dans le bar ou dans l’appartement d’Eric. C’est d’ailleurs vers ce dernier qu’il va chercher une oreille attentive et c’est là, lors d’une scène complètement WTF que des milliers de cancrelats vont se mettre à ramper dans l’appartement. Will, lui, est tranquillement en train d’aspirer une créature qui n’a rien à envier au frère siamois de Basket Case depuis la plaie ouverte sur la joue de son ami Eric. Fin.

Eh… oui. Wounds démarre au moment où il se termine. Tout ce qu’il se passe avant n’est apparemment que garniture. L’intrigue principale reposant sur la trouvaille du téléphone et le livre expliquant comment ouvrir une autre dimension à partir de plaies semble totalement passer outre. Les étudiants mystérieux et leur vidéo glauque ? A la trappe. La démangeaison de Will sous le bras ? Une excuse. Comment peut-il déclencher l’arrivée d’une créature monstrueuse via une plaie ? Circulez, y’a rien à voir.

La majorité des intrigues secondaires qui auraient pu apporter un ressort non négligeable au métrage sont passées sous silence, ne nous offrant qu’une fin d’une ouverture telle qu’elle serait semblable à une gargantuesque plaie d’où il faut s’échapper. Les explications n’étant pas légion, il faudra donc faire avec notre matière grise, mais j’y reviendrai.

Outre cela, l’aspect horrifique du métrage est bien existant. Même si nous ne somme clairement pas dans un body horror (Contracted était plus dur à regarder que ça), n’en reste que les apparitions subliminales d’œil et de spirale ainsi que les rencontres peu conventionnelles effectuées par Will nous présentent quand même quelque chose de couillu. Cependant, sans aucune explication, c’est dur de se faire une idée du niveau de dangerosité de ces choses.

Pour trouver le pourquoi du comment, il faut se référer à la phrase de l’écrivain Joseph Conrad (1857 – 1924) tirée du livre Heart of Darkness et présentée en début de film : « … elle lui avait chuchoté des choses sur lui-même qu’il ignorait, dont il n’avait pas le moindre soupçon…le chuchotement s’était révélé fascinateur. L’écho avait été d’autant plus profond en lui qu’il était creux à l’intérieur ».

N’ayant pas lu la nouvelle de Nathan Ballingrud, je m’appuie sur cette phrase de cet autre écrivain pour faire un parallèle évident avec le personnage de Will. Carrie lui dit elle-même qu’il est « vide à l’intérieur » et comme l’on sait, tout ce qui est vide peut être rempli. Il est donc le candidat idéal pour des créatures d’une autre dimension (de laquelle on peut venir via… des plaies) afin de prendre possession de son corps.

Le parallélisme avec l’alcoolisme est également souvent évoqué comme explication, poussant le consommateur dans une autodestruction ne se terminant que par l’abandon pur et simple de soi. Mais n’est-ce pas un peu compliqué pour un film comme Wounds ? 

Pour le métrage en lui-même, on se retrouve pendant une heure trente à attendre un démarrage qui n’apparaît que durant les dernières secondes, non sans nous coller quelques frissons que l’on aurait souhaité plus tôt. L’on peut donc le regarder puis tergiverser pendant quelques heures avec nos compagnons de visionnage pour déceler toutes les potentielles facettes du métrage. Intéressant, certes, mais me semble-t-il un peu complexe pour un film n’allant pas réellement au bout des choses.

Wounds est donc potentiellement à éviter. Mélangeant plusieurs genres, ne sachant pas vraiment sur quel pied se positionner, il ne remplit pas ses obligations et nous laisse une plaie ouverte sans même nous passer un peu de pommade. On s’attend à beaucoup et nous nous retrouvons finalement avec bien peu. On se sent creux… un peu comme Will en fait. Après le visionnage, ce n’est pas le moment qu’on nous chuchote des trucs chelous pour nous remplir de quelques inepties.

Perso, je dis « preum’s » pour les bouchons d’oreille. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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