Il fut un temps...

Stephen King est une mine d’adaptation au cinéma et à la télévision. Dans son recueil Nuit noire, étoiles mortes paru en 2010, on trouve une novella sobrement intitulée 1922. Nommée pour le prix du British Fantasy du meilleur roman court, cette histoire nous transporte au début du 20ème siècle où la fierté d’un homme, c’était sa terre… et son fils. A l’écriture et à la réalisation se trouve Zak Hilditch qui a la lourde tâche de nous convaincre. En effet, la transposition d’un écrit à l’écran et souvent compliquée, forçant à tordre parfois le matériau original pour parvenir à imager l’histoire. Est-ce que le pari est réussi ? Va-t-on vraiment voyager en 1922 ? La culpabilité, est-ce gérable ? On tourne la manivelle pour démarrer la voiture et on se lance dans la critique.

Wilfred James (Thomas Jane) est un fermier fier ; il possède des terres dans le Nebraska et son fils Henry (Dylan Schmid) travaille dur. Enfin, techniquement, les terres appartiennent à sa femme, Arlette (Molly Parker). Celle-ci, souhaitant fuir la vie à la ferme, décide de vendre ces dernières. Wilfred va alors manipuler son fils pour qu’il l’aide à occire son épouse afin de pouvoir conserver les terres et sa fierté. Mais sa culpabilité le rattrape.

Déjà présent dans Dreamcatcher (2003) et The Mist (2007), deux autres adaptations de Stephen King, Thomas Jane interprète habilement Wilfred James. Souhaitant conserver les terres tout en évitant la paperasse d’un divorce avec son épouse, il décide d’assassiner cette dernière. Implacable dans la première partie à la manière d’un Punisher avec un cran de morale en moins, il sombre dans la paranoïa par la suite, nous gratifiant d’un bon talent de comédien et de sa gueule si caractéristique.

Puis nous avons Molly Parker interprétant Arlette. Epouse sachant tricoter et possédant un fort caractère, ses paroles envers son fils alors qu’elle a un verre dans le nez dissipent tout doute quant à sa capacité à être une magnifique vipère. Un rôle marquant malgré tout. Et que penser du jeune Henry ? Bossant comme une bête à la ferme, il profite de son temps libre pour gazouiller avec la fille du voisin, ce qui a des conséquences pour le moins terribles. On peut citer la participation de Neil McDonough dans le rôle d’Harlan Cotterie, le voisin en question.

Mais que se passe-t-il donc en 1922 ? En fait, il s’agit d’une histoire de jalousie, de possession et de fierté. Wilfred, ne pouvant supporter l’idée de tout quitter pour aller vivre en ville, décide d’opter pour le choix facile en supprimant purement et simplement le cœur du problème ; son épouse. La relation entre père et fils est bien représentée et nous voyons comme il est aisé pour Wilfred de convaincre son rejeton de l’aider dans cette entreprise.

La vie dans les années 20 est convaincante, nous transposant à cette époque où la citronnade fraîche suivait le dur labeur et où les voitures possédaient des manivelles. L’ambiance est posée et l’on ressent aisément ce qui était facile et ce qui l’était moins dans ces années-là, tout en restant centré sur la famille James et ses difficultés relationnelles.

Nous en arrivons donc au moment du meurtre, pénible, filmé d’un bout à l’autre, sans concession. Sans doute la scène la plus éprouvante du métrage par sa simplicité terrifiante et son absence totale de scrupules et de remords. On sait également que c’est à partir de ce point que les choses vont commencer à réellement dégénérer… et on attend de voir cela avec une certaine impatience.

La construction du récit est pratiquement la même que celle de la novella de King. Bien entendu, des adaptations ont été faites pour la transposition à l’écran mais on sent un respect du matériau d’origine qui n’est pas déplaisant. On en arrive donc au naufrage psychique de notre cher Wilfred. Pour constituer ce dernier, pas besoin de faire dans l’abusif ; restons simple.

Quelques apparitions fantomatiques de son épouse, des événements étranges survenant de plus en plus souvent et une présence quasi-constante de rats vont aider à l’affaire. Ces bestioles représentent clairement la culpabilité de Wilfred qui en verra de plus en plus autour de lui, y compris lors de l’écriture de ses confessions dans la chambre d’hôtel.

Fuite d’Henry pour vire en couple avec sa petite amie qu’il a mis enceinte, déboires financiers, hiver rude, Wilfred passe par plusieurs épreuves tout en continuant de se laisser ronger par la mort de son épouse. Les événements deviennent de plus en plus tragiques jusqu’à un dénouement visuellement effrayant, finalisant le métrage comme il se doit.

On reste croché à cette histoire d’un bout à l’autre sans trop se poser de questions. Le but est de voir jusqu’où Wilfred va tenir le choc avant de sombrer définitivement. Il sait que son passé va le rattraper, reste juste à savoir à quel moment. En ce qui concerne le quota de trouille, nous nous trouvons ici plus dans un thriller surnaturel que dans un film d’horreur à proprement parler. Les apparitions d’Arlette ainsi que les événements liés à la « malédiction » de sa mort (pauvre vache…) surprennent plus par leur visuel que leur décharge d’adrénaline, ce qui n’est pas un mal.

Visuellement, le film est magnifique et nous gratifie de chouettes plans pour nous transporter en 1922. Cela est sans compter sur la musique, parfois étrange mais totalement à propos, se trouvant parsemée dans le métrage. On a réellement cette impression de vivre une terrible descente aux Enfers en plein début du 20ème siècle… et c’est une très bonne chose.

Comme mentionné maintes fois dans cet article, le sujet central du récit est la culpabilité. Maniant le sujet comme Edgar Allan Poe dans Le Cœur révélateur, King fait sombrer son protagoniste dans une noirceur d’âme terrifiante avant de nous lancer ça en pleine tronche. Le but recherché étant de nous faire participer à la culpabilité de Wilfred, c’est chose faite, tant dans la novella que dans le film.

Les temps étaient durs en 1922… et ce n’est pas la famille James qui vous dira le contraire. En nous présentant un constat terrifiant sur l’être humain et ses dérives, Zak Hilditch nous livre un bon film parlant de la culpabilité et des difficultés de la vie sans en faire des caisses et surtout sans sortir de la trame de l’histoire. Pas de sous-intrigue vicelardes pour venir nous tarabuster le cerveau ; juste un homme, sa conscience et une longue et inexorable descente dans les abysses de l’être humain.

Pour les fans de Stephen King, il s’agit ici d’une bonne adaptation de l’une de ses histoires. Un Thomas Jane en forme, des apparitions terrifiantes, des rats à foison et une histoire d’un autre temps ne sont que quelques-unes des bonnes choses qu’il est possible de tirer de ce récit. Amis de l’écrivain ou fans des thrillers se déroulant dans un contexte différent de ce que l’on connaît, je vous invite à procéder au visionnage… non sans placer auparavant quelques pièges à rats dans le secteur.

Pauvre Thomas Jane ; après le coup de The Mist, il lui arrive ça. ‘Pas évident…   

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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