L'horreur, c'est du sérieux

Après avoir été à la direction de trois courts métrages, Denis Rovira van Boekholt s’essaie au film de plus d’une heure trente avec La Influencia. Considéré comme la relève du fantastico-horrifique espagnol, il réalise ce métrage basé sur le livre The Influence sorti en 1988 de l’écrivain britannique Ramsey Campbell. Un film d’horreur, espagnol de surcroît, basé sur un livre d’un fana de l’univers d’H. P. Lovecraft ? Là, ça ne peut augurer que du bon, non ? Il paraît que réaliser des films d’horreur, c’est du sérieux, mais à quel point ? Va-t-on sérieusement être influencé par le visionnage de ce film ? Activons notre respirateur et lançons-nous dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Alicia (Manuela Vellés) retourne à la maison de son enfance avec sa famille pour aider sa sœur Sara (Maggie Civantos) à s’occuper de leur mère Victoria (Emma Suárez), plongée dans un profond coma. Vouant une véritable haine pour cette sorcière, Alicia va alors être témoin d’événements étranges dans la maison et particulièrement un changement terrifiant de comportement chez sa fille Nora (Claudia Placer). Malgré son coma, Victoria aurait-elle encore de l’influence dans sa famille ?

La plupart des acteurs présents dans le film sont rattachés principalement à des productions espagnoles parfois peu connues dans nos contrées. On note cependant une filmographie cossue de Manuela Vellés qui interprète son personnage de manière sérieuse. Ses grands yeux de biche nous hypnotisent et elle capte notre attention à chacune de ses apparitions. Idem pour la jeune Claudia Placer que nous avons déjà eu le plaisir de retrouver dans Verónica. Pour son jeune âge, l’actrice crève l’écran et nous offre une prestation appréciable.

Pour les autres, c’est parfois presque anecdotique. Le personnage d’Alain Hernández en tant que Mikel, mari d’Alicia, sent un peu le poisson et reste relativement effacé, sauf dans un élan final particulièrement remarqué. Maggie Civantos jouant la sœur d’Alicia s’impose avec (sans doute) trop de sérieux et la jeune Daniela Rubio interprétant Luna est inquiétante mais son personnage n’atteint pas un niveau permettant de réellement nous inquiéter.

Il y a en revanche la grande et austère Emma Suárez, jouant une mère de famille ténébreuse à la perfection. Sorcière de son état, concoctant de petites potions via un grimoire et faisant joujou avec des amulettes dans le but de conserver une influence déterminante sur sa famille, chacune de ses interventions sur ses deux pieds met mal à l’aise. Sa cruauté n’a d’égale que sa détermination (je ne me couperai plus jamais les ongles des pieds de la même manière) et son aptitude au combat fait mal… très mal.

Je parle de sérieux depuis le début de la critique et pour cause ! Car nous avons affaire ici à un film d’horreur posé, évitant de prendre des gants et restant dans une ligne droite rigoureuse du début à la fin. Dès les premières minutes, nous sommes mis au parfum ; Victoria est une sorcière. Le sujet de la pratique de la magie ne comporte pas d’esbrouffe et on ne cherche pas à nous faire du Hocus Pocus avec quelques rictus pour nous détendre ; c’est du sérieux.

Ce sérieux implique donc que le scénario va l’être également. On traite ici du sujet de la famille (sans blague) et des héritages qui y sont liés. La scène avec le notaire, traitée raisonnablement, est un exemple concret ; les femmes de la famille se doivent de perpétuer la tradition occulte de Victoria. Si Alicia la déteste (à juste titre) et que Sara semble trop faible, ne reste que la jeune Nora pour reprendre le flambeau.

Dans sa première partie, La Influencia va rester pépère. Quelques portes qui bougent sans l’aide de personne, quelques bruits peu conventionnels et des flashbacks révélateurs sur l’ambiance familiale totalement barrée vécue par Alicia et sa sœur. Le rythme est posé… peut-être même un peu trop, nous tirant lentement vers une certaine léthargie, voire un coma.

Puis arrive la deuxième partie, plus cadencée mais surtout plus trash visuellement. Massacre à coup de pelle, assassinat de chien à coup de hache (horrible…), morsure profonde et arrachage d’entre-doigts ne sont que quelques-unes des joyeusetés proposées durant cette seconde partie. On crisse un peu des dents mais le scénario, lui, reste posé sur ses rails.

Et c’est ainsi jusqu’à la fin, attendue, conventionnelle, où tout ce que nous attendions se produit. Pas de twist ultime (pour une fois, vous me direz) ni de révélation inopinée ; on reste dans le sérieux. Notons cependant que la tête du démon de l’histoire se vendrait sans doute très bien sous forme de peluche, ce dernier semblant être un croisement entre la créature présente à la fin de Ma vie est un enfer et un Balrog sans les flammes.

Pourtant, il faut laisser au réalisateur une maîtrise impeccable de la photographie. Les plans sont magnifiques, les jeux de lumières renvoient à certains métrages horrifiques des années 70 (ah, ce rouge, ce bleu et ce vert…) et on voit que l’imagerie globale est traitée avec… sérieux. Sur cet aspect, on peut clairement dire que La Influencia peut apporter un plus dans notre visiographie perso et il sera intéressant de voir cet aspect évoluer dans les prochains métrages du directeur.

Trop de sérieux donc dans ce film ? Eh bien, l’ambiance globale ressentie est clairement celle d’une situation tout à fait plausible sur la forme. Les querelles familiales n’incluent pas toujours la présence d’une sorcière mais en usant de ce stratagème, on se retrouve effectivement dans un drame horrifique terre à terre sans aucun répit. Pas une esquisse de sourire pour faire descendre une pression qui peine à arriver.

Usant de quelques jump scares ainsi que des ficelles traditionnelles du genre, on sursaute quelques fois de surprise et on ressent un certain malaise, particulièrement lors de la présence à l’écran d’Emma Suárez. Les incursions visuelles font parfois un peu mal mais on ne peut pas réellement dire que la tension soit présente. Au vu du traitement du film, c’est dommage de ne pas ressentir une envie intense de se planquer derrière tous les coussins du canapé, mais c’est un fait.

Drame horrifique qui marque les débuts du réalisateur Denis Rovira van Boekholt dans la cour des grands, La Influencia ne nous influence pas une seconde. Après le visionnage, on se baladera tranquillement dans notre appart’, toute lumière éteinte, sans aucun souci. Un réel intérêt dans le jeu de certains personnages et dans la photographie bien fichue du métrage mais pour le reste, on loupe quelque chose. Le cinéma horrifique, c’est du sérieux… mais encore faut-il qu’il parvienne à nous terrifier.

Courage M. Denis Rovira van Boekholt ; la prochaine fois, c’est la bonne.

Commentaires

loulouu

28.12.2019 01:36

qui est luna ? une cousine ?

Critiker

28.12.2019 12:03

Excellente question qui reste relativement ouverte. Le personnage de Luna peut notamment être la représentation physique de l'influence de Victoria sur sa petite-fille Nora.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

Partagez cette page