Mettre du cœur à l’ouvrage

Netflix, mine à séries, a encore fait des siennes ! En 2019, on nous propose une série étrange intitulée Chambers. La création de cette nouvelle venue revient à Leah Rachel, une jeune scénariste et réalisatrice de court-métrages. Elle créé la série mais se retrouve également à l’écriture de plusieurs épisodes, assumant qui plus est la casquette de showrunneuse. Le pitch semble sympathique ; une jeune fille ayant récemment subi une transplantation cardiaque se retrouve affublée d’étranges visions. Simple, efficace, c’est ce que l’on recherche dans le cadre d’un nouveau visionnage de série.

Chambers débarque donc sur Netflix le 26 avril 2019… pour être annulée le 18 juin de cette même année. Un renvoi à l’entrepôt bien rapide si vous voulez mon avis, surtout quand l’on apprend que des acteurs comme Tony Goldwyn ou Uma Thurman (excusez du peu) se trouvent dans le casting. Qu’a-t-il pu bien se passer pour que cela ne dure qu’une seule et unique saison ? La série n’a-t-elle donc pas atteint le cœur des spectateurs ?

Il faut croire que non, Chambers n’ayant pas réellement bénéficié de critiques 24 carats lors de sa sortie. Pourtant, Leah Rachel avait déjà plusieurs idées pour la suite et comptait bien donner les réponses nécessaires à plusieurs questions restées en suspens. Mince… cela veut-il dire que nous allons nous retrouver avec un goût amer dans la bouche en fin de saison, à la manière d’un John Doe dont nous n’aurons jamais la suite ? Les dix épisodes produits valent-ils tout de même la peine d’être visionnés ?

Pour le savoir, je vous propose de décortiquer cette unique saison de Chambers, série horrifico-ado-psychologique qui a le mérite de tenter de se faire une place parmi les innombrables nouvelles idées qui arrivent chaque jour sur nos écrans. L’important, c’est que Leah Rachel y a mis du cœur et ça, pour une série comme celle-ci, c’était tout à fait à propos.

ATTENTION : cet article contient des spoilers sur cette unique saison de Chambers

Des persos qui mettent du baume au cœur

Dans Chambers, il y a un peu de tout, à commencer par une révélation ; Sivan Alyra Rose. Cette jeune femme d’origine Puerto Ricaine et Apache interprète le rôle principal de Sasha. Jeune lycéenne éperdument amoureuse de son petit ami TJ (Griffin Powell-Arcand), elle est victime d’une crise cardiaque lors de sa première tentative de l’amour charnel avec lui. S’ensuit des conséquences désastreuses pour la jeune femme. Son rôle central dans la série lui permet d’être à fond présente à l’écran et de nous épater par sa prestation fichtrement bien menée. Souriante, émouvante, désespérée, sa gamme d’émotions envoie du lourd et ce n’est pas le fait qu’elle ait toujours l’air fatiguée qui va gâcher cela.

Le tuteur de Sasha, Big Frank, est joué par Marcus LaVoi. Il faut dire que ce dernier reste sans doute l’une des meilleures surprises de cette série. Avec une véritable gueule et une carrure pouvant faire frémir n’importe quel bad guy, il arrive habilement à être un père de substitution plus que convaincant pour sa jeune nièce. Dès lors, qu’il se mette en colère ou qu’il soit attentionné, il reste crédible d’un bout à l’autre de la série. Sans noyer le poisson (jeu de mots de circonstance au vu de la boutique tenue par Big Frank), c’est à mon avis le personnage auquel on s’attache le plus.

Puis, dans Chambers, il y a aussi des pointures. J’en veux pour preuve Uma Thurman qui interprète Nancy Lefevre, la mère de la jeune Becky (Lilliya Scarlett Reid). À la suite de la perte de sa fille et la transplantation de son cœur dans la poitrine de Sasha, le personnage va développement une étrange attirance pour la jeune fille. Poignante sur bien des aspects, Uma Thurman nous livre une performance impeccable sur tous les plans et parvient à transmettre cette détresse ressentie par une mère ayant perdu sa fille. Le mari de Nancy, Ben (Tony Goldwyn), s’en tire également bien même si on ne sait pas trop s’il faut le mettre dans la case « méchant » ou « pantin ». Quoique la fin pourrait nous laisser un indice…

Pour continuer avec la famille Lefevre, nous avons Elliott (Nicholas Galitzine), le frère jumeau de Becky. Toxicomane notoire, fouteur de merde en de maintes occasions, on va cependant le voir évoluer, telle une chenille qui se transforme en papillon. Finalement, ce sont souvent les pires de prime abord qui se font proprement tordre par la suite. Pour ce qui est de sa sœur, Becky, même si le personnage n’apparaît pas constamment à l’écran (quoique…), n’en reste que la prestation de Lilliya Scarlett Reid est pleinement convaincante, surtout lors du dernier dialogue entre elle et Sasha.

Nous retrouvons aussi Yvonne (Kyanna Simone Simpson), la meilleure amie de Sasha, sympathique, déterminée et ayant une mère semblant se fondre dans les événements étranges du coin ; Penelope (Lilli Kay), camarade de Sasha dans sa nouvelle école, gravement brûlée et ambigüe ; Marnie (Sarah Mezzanotte), également camarade de Sasha et incroyable peste que l’on aime détester ; et Ruth (incroyable Lili Taylor), adepte de la Fondation Annex et plus sournoise qu’on le croit.

Dans l’ensemble, le casting tient en trois parties ; les valeurs sûres, les révélations… et les autres. Mais il ne faut pas se fourvoyer ; tous s’en tirent bien au vu de la teneur de la série et surtout des actions à réaliser pour conserver une cohérence scénaristique globale, comprenant l’histoire de chacun des personnages. Même si tout n’est pas creusé en profondeur (le père de Sasha ou son grand-père, le lien de Ruth et sa fille Marnie), il y a fort à parier que c’était noté pour la seconde saison. Dommage.

Un sujet qui tient à cœur

On ne le dira jamais assez ; le don d’organe peut sauver des vies. Pourtant, dans le cas de Sasha, ce n’était pas précisé que c’était livré avec des visions terrifiantes et le squat de la défunte propriétaire du cœur en question. Sur l’idée de base, il n’y a pas grand-chose à redire car il s’agit d’un sujet sérieux et vaste sur lequel l’on peut développer beaucoup de théories et tout autant de scénarios.

La série part donc avec la présentation des personnages, la première tentative de Sasha et de TJ se soldant par un arrêt cardiaque et l’arrivée du nouveau cœur dans la poitrine de la jeune femme. Les raisons effectives de cette crise cardiaque seront expliquées en fin de saison et sont à la fois logiques et déroutantes. Le sujet central tient donc la route jusqu’au bout, sans fioritures.

Pourtant, le scénario va se balader par monts et par vaux avant de finalement prendre un axe décisif dans le dernier épisode. On part tout d’abord sur l’idée de la mémoire cellulaire, puis sur la possibilité qu’il s’agisse d’une malédiction Navajo, cela avant de bifurquer sur un transfert d’énergie possible fomenté par l’Annex. C’est peut-être là la clé ; cette mystérieuse fondation.

L’Annex est apparemment dirigée par Ruth et son époux Evan (Matthew Rauch), du moins l’antenne se trouvant à proximité de la famille de Sasha et des Lefevre. Présente dès le début, l’histoire reste relativement silencieuse à son sujet. On sait qu’ils pratiquent la méditation, qu’ils distribuent des brochures, qu’ils aiment bien bouter le feu aux choses et qu’ils fêtent les équinoxes tout de blanc vêtu à grand renfort d’alcool.

Cependant, même s’ils ont tous les aspects d’une secte, n’en reste que leur peu de présence dans l’histoire nous fait renifler le problème. Ils doivent sans doute être dans le coup concernant la transplantation subie par Sasha, cela se confirmant petit à petit dans la série. Ce sera chose faite dans le dernier épisode en nous présentant les véritables raisons des visions étranges de Sasha.

Sans donner de nom afin de laisser tout de même une quelconque surprise, l’Annex cherche à faire revenir sur Terre une « divinité » connue des aficionados du genre horrifique, en pensant présentement à Supernatural. L’histoire principale va donc se terminer sur un cliffhanger de haut-vol, permettant du coup à la série de se présenter comme étant clairement du côté féminin.

Pour les intrigues secondaires, disons qu’elles ne cassent pas trois pattes à un canard et la plupart n’auront pas de finalisation concrète, aucune saison deux ne voyant le jour. Même si la mère d’Yvonne finit en institution, quel était son véritable lien ? Était-elle juste un pion pour l’entité malveillante ou plus que ça ? Marnie devait-elle être le réceptacle de base de l’entité et sa jalousie viendrait-elle de là ? Le couple Sasha/TJ va-t-il tenir le coup après la révélation finale ? Ben, est-il en vie ? Nancy et Elliott vont-ils s’allier pour s’en sortir ? Tant de questions qui ne trouveront, pour la majorité, jamais de réponse.

Donc, si l’idée de base est excellente en partant du postulat qu’une greffe de cœur pour enclencher une histoire en mode horrifique avec des visions et du panache, le scénario se perd en peu en conventions durant sa route, faisant douter le spectateur à plusieurs reprises. Nous faire prendre une mauvaise route, d’accord, mais cela devait intensifier la révélation finale qui n’a pas plus de goût que ça. De plus, les intrigues secondaires ne trouvent pas toutes une issue et ça, ça reste un peu en travers de la gorge.

Montée de tension

Vu qu’il s’agit de ma manne principale, vous allez me demander ; mais Chambers, est-ce que ça fait peur ? Eh bien pour être honnête, il y a une irrémédiable tension qui se fait ressentir d’un bout à l’autre de la série. Le mystère entourant la transplantation de Sasha permet d’aller de petite révélation en petite révélation, gardant notre intérêt pour autant que l’on évite d’échafauder des théories toutes les trois minutes.

Chaque vision de Sasha est bigrement bien fichue ; le vidage imprévu de la salle où TJ fait un discours, son passage de l’autre côté du miroir, la présence fantomatique de Becky à de nombreux instants, tout concourt au bien-être de notre palpitant en nous proposant des scènes de tension bien menées, sans pour autant en faire trop.

Il en va de même au niveau du visuel ; cœur humain servi à table, battement impromptu d’un cœur hors poitrine, ouverture d’une cicatrice aux ciseaux (aïe !), mutilation diverses, Chambers ne s’embête pas avec les détails et se permet de tout montrer. De ce fait, il y a un certain intérêt à rester présent devant son écran si l’on recherche un côté horrifique et même cauchemardesque à certains moments.

Tout cela restant dans la cohérence du récit, c’est un plaisir de découvrir ces différentes scènes, principalement celles où Becky prend le dessus sur Sasha (du moins, l’on croit que c’est Becky…). Son regard après avoir bousculé son amie Yvonne sur la route ne laisse aucune place au doute ; le cœur de Becky contient quelque chose de maléfique… et ça se ressent clairement à l’écran.

A votre bon cœur

Une chose qui ressort intensément dans Chambers, c’est le contexte social. Nous avons Sasha, jeune fille vivant avec son oncle tenancier d’un shop de poissons exotiques et aquariums. Elle fait ses études dans un établissement public et aime danser et traîner avec son amie Yvonne. Ce monde va se retrouver confronté à la vie des Lefevre, lesquels ont des enfants en école privée, mangent vegan et aiment la méditation et les soirées barbecue haut de gamme.

Dès lors, on ne peut pas ignorer une critique sociale évidente concernant les revenus moyens (voire les bas revenus) avec les personnes bénéficiant de plus de pécule. Finalement, la jeune fille riche aura sauvé la jeune fille pauvre et va lui apporter un certain lot de problème par la même occasion. C’est d’ailleurs là que l’on peut voir une fraction entre ces deux univers.

Car c’est bien du côté des Lefevre que le mal prend son essor pour atteindre ce dernier épisode révélateur. Du côté de Sasha et Big Frank, ils vivaient simplement mais sans être englués dans les affaires plus que douteuses dont les Lefevre font partie, respectivement gérées par l’Annex, fondation ultra-thunée, du moins assez pour tenter de se lancer quelques défis du genre « Si on faisait revenir une créature immortelle sur Terre par l’intermédiaire de la petite Becky ? ».

Sans nous moraliser avec cela, on ne peut pas nier la présence des deux univers à l’écran et surtout combien il est nécessaire de rester authentique pour parvenir à tenir bon, que nous nous trouvions d’un côté de la barrière ou de l’autre. Les véritables raisons de la mort de Becky nous laissent à penser que la pression semble plus fort d’un côté… que de l’autre.

Femmes, je vous aime

Autre aspect intéressant de Chambers, son casting, son histoire et sa conclusion en font une série résolument… féminine. Nous avons tout d’abord la figure de proue, Sasha, jeune femme indépendante et prête à tout pour réaliser ses rêves tout en profitant allégrement de la vie. Pierre angulaire du projet de l’Annex et victime malheureuse de leurs desseins, elle va pourtant se battre jusqu’au bout pour découvrir la vérité.

En opposition, Nancy, mère brisée à la suite de la perte de sa fille, tentant tout pour parvenir à surpasser un chagrin insurmontable. D’abord partie intégrante du projet pour finalement se retrouver piégée par ses « amis », elle fait clairement compte de son avis et reste une figure d’autorité non négligeable.

Idem pour Yvonne, meilleure amie de Sasha. Travaillant le hardware comme personne, ayant tout appris de sa mère, elle est un pilier solide sur lequel peut compter Sasha (du moins, la majorité du temps). Prenant des initiatives (comme celle d’infiltrer l’Annex), osant aller jusqu’au bout de ses idées, elle est libre de ses mouvements comme peu de personnages de la série.

La liste pourrait s’allonger mais cela serait extrêmement laborieux. L’on peut passer à la comparaison avec la gente masculine. Big Frank, est le tuteur de Sasha mais ne sait pas vraiment comment s’y prendre. Accumulant quelques bourdes, il tient bon la barre mais on sent une cruelle hésitation à chacun de ses gestes.

Ben, mari de Nancy, se fait simplement avoir comme un bleu en fin de saison à tel point que son destin reste inconnu. Il n’est qu’un pion dans le jeu qu’il est possible d’éjecter en tout temps. Même s’il apparaît souvent comme une figure d’autorité (la scène où il parle à Nancy de la couverture de Becky), il reste cependant passablement en retrait allant même jusqu’au s’auto-mutiler pour éviter de ressentir une émotion douloureuse par suite de la perte de sa fille. Idem pour son fils Elliott qui passe pour être le plus charismatique des losers du coin. 

Tous ces arguments sont selon les visions que l’on peut avoir de la série. En revanche, l’épisode final ne laisse aucun doute au moment où tous les gaillards s’effondrent au sol comme des châteaux de cartes. La présence féminine est avérée et reste comme étant un fondement complet et total de la série. S’il y avait eu saison deux, il aurait été intéressant de voir la continuité donnée à cette idée.

Mal au cœur

Pour résumer, Chambers comporte plusieurs lacunes importantes, à commencer par… le manco de la saison deux. Brouillon dans l’établissement de son scénario, s’amusant à nous perdre plusieurs fois en cours de route histoire de nous planter, la mythologie ne s’instaure vraiment que dans les dernières minutes de la série, nous laissant pantois lorsque le générique de fin s’enclenche.

Sans saison deux, les personnages n’ont pas la consistance qu’ils devraient avoir, l’histoire semble voir une fin qui n’en est pas une et les intrigues secondaires restent en suspens pour nous laisser sur notre faim. S’il fallait trouver une véritable raison que Chambers n’en vaille pas le visionnage, c’est ce manque de saison deux.

Cela de pair avec un casting rutilant mais mitigé, inspirant parfois un manque crucial d’empathie où cela serait nécessaire, on peut dire qu’arriver au bout du dixième épisode, on se demande si on n’aurait pas mieux fait de laisser passer son tour.

Mais haut les cœurs !

Pourtant, cette série permet également de retrouver de magnifiques prestations d’acteurs déjà connu comme Uma Thurman ou Tony Goldwyn. Elle permet aussi de découvrir Sivan Alyra Rose comme une révélation et que l’on aura du plaisir à retrouver dans ses futurs projets. Et les personnages qui parviennent à nous convaincre pleinement, eh bien ils rattrapent bien les autres.

Le contexte social permet aussi d’avoir des plans absolument savoureux et sympathiques d’un bout à l’autre de la série. On passe du désert à la maison cossue des Lefevre en faisant un détour par la boutique de Big Frank via la réserve de la population Navajo.

Elle parle également d’un sujet sérieux (le don d’organe) tout en implantant une touche horrifique bienvenue et bien fichue. Non, sérieusement, si vous êtes amateurs de série courte permettant de voir un peu de pays tout en rencontrant de nouvelles têtes et en appréciant d’en voir d’anciennes, le tout saupoudré par une ambiance étrange et envoûtante, Chambers est faite pour vous.

J’avais à cœur de vous écrire tout ça. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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