Cinéma Tarantinesque

Quand on parle du prochain film de Quentin Tarantino, les dés sont jetés ; si on aime ce que fait le réalisateur, on va forcément sur-kiffer son prochain métrage. Après un excellent Les Huits Salopards en 2015, Monsieur Tarantino revient sur grand écran avec Once Upon a Time… in Hollywood en 2019. Plaçant cette fois-ci son intrigue dans l’ambiance des studios de cinéma et télévision à la fin des années soixante, ce 9ème film du réalisateur va-t-il tenir ses promesses ? Tarantino est-il toujours Tarantino ? L’industrie du cinéma va-t-elle se prendre une baffe ? On crie « Action » et on se lance dans la critique. ATTENTION : balise pour spoilers mentionnée dans l’article

Il était une fois dans le Hollywood de 1969 un acteur sur le déclin ayant pour nom Rick Dalton (Leonardo DiCaprio). Sentant sa carrière se barrer en cacahuète, il peut compter sur le soutien de son meilleur ami et doublure de cascades, Cliff Booth (Brad Pitt). Dans ce climat où la carrière est un tout, Rick découvre que ses nouveaux voisins sont Roman Polanski (Rafal Zawierucha) et Sharon Tate (Margot Robbie) et Cliff fait la connaissance d’une jeune femme habitant dans une communauté appelée « La Famille ».

Pour ceux connaissant sur le bout des doigts les grandes affaires criminelles du 20ème siècle, difficile de ne pas faire le lien avec le tragique assassinat de Sharon Tate durant l’été 1969 par des membres La Famille, communauté hippie constituée par un certain Charles Manson. Cela couplé avec une histoire d’acteur au bord du gouffre, nous sommes déjà bien partis pour obtenir une histoire bien Tarantinesque.

Il faut tout d’abord faire un rapide passage par le casting. Leonardo DiCaprio et Brad Pitt forment le duo parfait de Rick Dalton et Cliff Booth. Le premier se rend cruellement compte que sa condition de star est gentiment sur la sellette. Tantôt pétant un plomb, tantôt fondant en larmes, l’acteur transcende son rôle impeccablement, nous rapprochant de lui à chaque instant. Idem pour Cliff Booth. Malgré une bonne présence à l’écran, on le sent un peu plus effacé mais son côté bagarreur et sa capacité altruiste à rester auprès de son ami en toute circonstance nous font développer une réelle empathie pour le personnage.

Nous sommes à Hollywood en 1969 et il faut donc se rendre compte que nous allons croiser passablement d’actrices et acteurs connus. James Stacy (Timothy Olyphant), Wayne Maunder (Luke Perry), Steve McQueen (Damien Lewis), Bruce Lee (Mike Moh) et bien d’autres encore. Il faut ajouter à cela Al Pacino dans le rôle de Marvin Schwarz, le passage à l’écran de Kurt Russell, Zoë Bell, Bruce Dern et Michael Madsen, la performance de la jeune actrice Julia Butters dans le rôle de Trudi Fraser, ainsi que le caméo vocal de Quentin Tarantino en scène inter-générique et on obtient un casting de fou du côté du gratin d’Hollywood. A noter également la prestation impeccable de Margot Robbie dans le rôle de Sharon Tate.

Du côté de La Famille, on s’en tire bien également. Margaret Qualley se révèle piégeuse dans le rôle de Pussycat, une jeune fille faisant partie de la communauté hippie de Charles Manson. D’ailleurs, Damon Herriman possède réellement la même tête que le criminel en question et a également obtenu un rôle identique dans la saison deux de la série Mindhunter. On ajoute Charles « Tex » Watson (Austin Butler) et Lynette « Squeaky » Fromme (Dakota Fanning) et le tour est joué.

Comme dans toutes les réalisations de Quentin Tarantino, les acteurs sont magnifiquement dirigés dans leurs rôles de manière à pouvoir conserver une certaine liberté (la scène de la blessure à la main dans Django Unchained), cela permettant de se retrouver avec des scènes de dialogues absolument savoureuses. De plus, la ressemblance physique entre les protagonistes sélectionnés pour les rôles et les véritables acteurs est incroyable.

Je passe volontairement sur le fait que des personnages comme Rick Dalton, Cliff Booth ou Marvin Schwarz n’ont pas existés mais qu’ils sont en lien avec des personnalités en vogue à Hollywood dans les années soixante.

Du côté scénario, on se retrouve bien dans un film de Tarantino. Il utilise le Hollywood de 1969 comme un immense terrain de jeu et semble clairement s’éclater. Sur les 2h40 de métrage, on ne s’ennuie pas un instant, le réalisateur nous bonifiant de plans magnifiques, de dialogues hors normes (le tournage de la série Lancer) et d’une montée en tension non négligeable.

Les apparitions des membres de La Famille en cours de métrage active le batteur pour faire monter la mayonnaise, tout comme les scènes incluant Sharon Tate, cette dernière se rendant notamment dans un cinéma pour voir le dernier film dans lequel elle a joué et ainsi constater elle-même la réaction du public. En connaissance de cause (ou non), on sait que quelque chose se prépare… et on s’attend à tout, car nous sommes dans un film de Quentin Tarantino.

Avec sa connaissance étendue en cinéma, le réalisateur maîtrise parfaitement les différents rouages et nous offre donc une vision des studios Hollywoodiens à la fois fidèle et critique. Conservant cette fois-ci une certaine linéarité dans le récit, on suit sans mal la déchéance de Rick Dalton, l’avènement du mouvement hippie dans cette Amérique des années soixante ainsi que les tranches de vie de chacun des personnages.

La musique est également une part importante dans le monde du réalisateur et c’est avec un plaisir non dissimulé que nos oreilles captent les différents inserts musicaux. Deep Purple, Paul River and The Raiders, Simon and Garfunkel ou encore Los Bravos ne sont que quelques-uns des interprètes que nous avons l’honneur de pouvoir entendre pendant le film.

L’art du film dans le film est ici bien représenté. Pour faire court, c’est un véritable morceau de l’histoire du cinéma. En nous parlant des westerns spaghetti, des séries des années soixante et osant même nous refaire une scène incrustée de La Grande Evasion de 1963, le réalisateur nous écrit une véritable histoire d’amour du cinéma et de la télévision de ces années-là. Et puis, on voit ce qu’aurait donnée Leonardo DiCaprio à la place de Steve McQueen et ça, c’est du lourd.

ATTENTION : à partir de ce point-là, des éléments importants de l’intrigue sont révélés. Si vous souhaitez conserver une surprise totale, merci de revenir plus tard.

La montée en tension faite pendant le film nous fait accéder à un final couillu, certainement l’un des plus osés de ces dernières années. On le sait, le réalisateur aime jouer avec le fait de réécrire l’histoire. On se souvient tous de la fin de Inglorious Basterds où Hitler prenait cher bien avant son heure finale. Eh bien dans ce film, c’est un peu la même chose.

C’est donc avec une délectation non coupable que nous assistons à la décimation des trois meurtriers de Sharon Tate par… Rick et Cliff ! Une scène absolument dantesque qui nous offre non seulement un lot de violence que l’on pourrait qualifier de fun (je me souviendrai à vie du coup du lance-flamme), mais également un pied-de-nez franchement osé à ce qui s’est réellement passé lors de cette nuit de 1969.

Car dans nos contrées européennes on ne s’en rend peut-être pas bien compte, mais le meurtre de Sharon Tate et de plusieurs de ses amis dans la résidence de Roman Polanski cette année-là a été l’un des événements les plus dramatiques du 20ème siècle et a fortement choqué les Etats-Unis et la culture américaine dans son ensemble. Modifier ce contexte, franchement, il fallait oser. D’ailleurs, le final divise énormément l’opinion. Pour ma part, après le coup dans Inglorious Basterds, je trouve que le réalisateur conserve une certaine cohérence couplée avec un courage à toute épreuve.

Cela nous donne donc un final complètement barré et doté d’une émotion non négligeable. Rick fait ainsi la connaissance de Sharon Tate en allant prendre un verre chez elle et voir cette dernière, bien en vie, après que les trois membres de La Famille ont été occis, en tant que cinéphile, ça fait quand même un petit quelque chose. Comme si l’espace d’un instant, Tarantino avait réussi à corriger le tir.

Outre cet aspect complètement fou, fou, fou, on se rend bien compte qu’un acteur sur le déclin ainsi qu’un cascadeur sans boulot peuvent faire la différence. Il suffit parfois de peu pour que tout puisse changer. Le film parle également de l’amitié et ce qu’implique cette dernière, Cliff conservant une vie simple mais restant irrémédiablement fidèle à son meilleur pote. Les thèmes sont bien trop nombreux pour être tous cités ici et je vous invite à les découvrir par vous-mêmes.

Oui, nous sommes bien en présence d’un film Tarantinesque. En exposant sa vision d’un Hollywood en pleine expansion, Quentin Tarantino nous offre un 9ème métrage comme on pouvait l’attendre. Avec des acteurs piles dans leurs rôles, une maîtrise de la réalisation et un final couillu réécrivant l’histoire, on passe un très bon moment de visionnage. Un film qui parle de cinéma et d’une célèbre affaire criminelle, le tout réalisé par Tarantino ? Ben oui, ça ne pouvait que fonctionner.

On attend le 10ème film avec une certaine impatience.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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