Les morts ne filment pas d'histoires

George A. Romero n’est plus à présenter pour tous les fans de cinéma. Démarrant en tant que réalisateur sur La nuit des morts-vivants en 1968, il a posé les bases même du film de zombie. En 2008, il est aux commandes de Diary of the Dead, traitant toujours des morts qui marchent mais avec une différence ; il s’agit ici d’un found footage. Est-ce que le maître incontesté des morts pas tout à fait morts réussira à nous faire frissonner et réfléchir comme dans bon nombre de ses films ?

Jason Creed et son équipe tournent un film d’horreur dans une forêt. Les informations à la radio mentionnent des cas étranges de morts qui se relèvent et s’attaquent aux vivants. Jason décide d’aller retrouver sa petite amie Debra et tous deux remarquent rapidement que les cas de morts-vivants sont bien plus nombreux qu’ils pensaient. Avec le reste de l’équipe, ils embarquent dans un camping-car et entreprennent de rentrer tous chez eux. Jason, caméra à la main, décide de tout filmer pour laisser le témoignage de ce qu’il s’est réellement passé. Car tout ce qui n’est pas filmé ne s’est pas réellement passé.

Tout d’abord, bonne direction des acteurs. La majorité de ces derniers ont déjà tourné dans des séries, des téléfilms ou au cinéma, et suivent le fil rouge établi par le scénario. Cependant, on pourra regretter un manque de profondeur chez certains d’entre eux. Qu’importe, le but de la manœuvre, c’est d’en savoir juste assez pour que la mort de certains touche d’une manière où d’une autre. En même temps, avec une équipe relativement grande comme celle-ci, difficile de faire dans le profond en 1h30. Mention spéciale à Scott Wentworth que j’ai particulièrement apprécié dans le rôle d’Andrew, prof à la dérive et pourtant sagesse incarnée du groupe de survivants. 

Dans tous ses films, George A. Romero effectue une critique de la société. Ici, ce sont les médias qui sont visés… et pas des moindres. Diary of the Dead, found footage sous forme de documentaire fictif, traite clairement les médias de menteurs et de manipulateurs, abreuvant la population de fausses informations notamment sur le fait que la situation sera bientôt sous contrôle. Volonté de rassurer les gens ou manipulation de masse pour éviter un renversement ? Dans tous les cas, les morts de Diary of the Dead gagnent clairement la partie, fracturant l’humanité jusque dans les sources même de l’autorité et de l’ordre établi. 

Puis, arrive ce moment où les médias disparaissent. Ne reste que les internautes pour informer les gens via des passerelles de transferts de vidéo sur le net. Comme dit dans le film, chacune de ces interventions devient alors une vérité, des images brutes sur ce qu’il se passe vraiment dans le monde, sans transiter par un quelconque filtre médiatique. La mort et la souffrance dans l’état le plus pur et le plus viscéral qui soit.

C’est d’ailleurs ce que tente de faire Jason, caméra au poing. Il veut laisser un témoignage de la réalité des choses, sans modifications par les médias. Il ne souhaite pas rassurer, bien au contraire ; il veut faire peur, dixit Debra dans les premières minutes du film. Diary of the Dead (ou plutôt The dead of the Dead, titre du documentaire de Jason) devient alors une simple fenêtre sur l’atroce réalité, renvoyant chaque humain à un état originel de chair à zombie, destiné à souffrir et à mourir… puis à recommencer une nouvelle fois.

Là où le film de Romero va plus loin, c’est dans son final. De la disparition des médias et l’instauration des internautes anonymes comme source d’information découleront un discours final pessimiste mais terriblement réaliste. Je développe cela, avec spoilers, après le présent article. Ce fameux discours résonne le long de notre colonne vertébrale jusqu’au cerveau, posant une question finale au spectateur. Il appartient alors à ce dernier de choisir la réponse…

Au niveau scénario, on suit l’histoire sans problème et on reste dans le relativement simpliste ; une équipe de différentes personnes voulant rentrer chez elles. Quelques interventions inopinées de zombies seront les bienvenues pour relancer le métrage et des rencontres fortuites aident aussi à ne pas s’ennuyer, permettant à Diary of the Dead de ne pas simplement être un road-trip horrifique de base. Mention spéciale à R.D. Reid aka Samuel, jouant le rôle d’un Amish tout à fait sympathique et prêt à absolument tout pour sauver des vies. Merci Sammy !

Niveau horrifique, on sent la patte de Romero dans les parages. Les zombies sont bien fichus, lents, hagards et terriblement flippants, comme ceux instaurés par le réalisateur dans ses débuts. Il faut dire qu’au milieu de l’adrénaline zombiesque développée par des métrages (certes bons) comme 28 jours plus tard, un peu de nostalgie et de reprises des standards, ça fait du bien ! Les effets spéciaux sont corrects et les décès relativement graphiques, comme dans les autres œuvres de Romero. Le film baigne dans une ambiance de tension qui échappera quelques fois à notre attention, rendant le rythme un peu bancal.

Diary of the Dead est un produit attesté comme étant du pur film de morts-vivants, c’est sûr. De plus, le mode found footage permet une immersion différente. Cependant, nous ne sommes pas partie prenante de l’action en tant que spectateur, mais bel et bien voyeur. Par ce film, la critique des médias est explicite et ces derniers font effectivement de nous des consommateurs d’images, le plus souvent passifs. Armez-vous de votre pop-corn et de votre plus moelleux coussin ; George A. Romero vous présente une fin du monde au premier rang.

BALISE SPOILERS ON

Comme mentionné plus haut, je souhaitais simplement revenir sur la fin du métrage. La disparition des médias met en avant les internautes, devenant tous des témoins anonymes alimentant le web de diverses vidéos, montrant toutes la réalité de manière brute et violente. Les dernières images du film sont sans équivoque ; deux types tirant à bout portant sur des zombies attachés à des arbres. Pour terminer la séquence, une femme morte-vivante, pendue par les cheveux à une branche, se fait littéralement couper le visage en deux par une décharge de fusil à pompe, ne restant que le haut de son crâne.

Sur cette dernière image macabre, une question de Debra, la petite amie de Jason et responsable du montage : « Est-ce que l’on mérite d’être sauvés ? A vous de me le dire ». Cette phrase prend non seulement son sens vis-à-vis des survivants enfermés dans la chambre forte en fin de métrage, mais également sur l’humanité entière. Est-ce que la méchanceté humaine, poussant à diffuser des images de violence (même envers les zombies) ne devrait pas être punie ? Même si les médias mentent, ils restent un filtre. Avec l’arrivée des vidéos faites uniquement pas des internautes, les images deviennent alors une réalité qui n’est pas passée au tamis, un étalage de ce que l’humain est capable de pire… juste pour s’amuser. Du coup, au final, mérite-t-on d’être sauvés ?

A vous de choisir.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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