The Aïe-Land

Netflix, plate-forme salutaire de tous les aficionados du petit écran, nous donne l’occasion de nous divertir et de passer de bons moments. Il se peut parfois que les choses ne se passent pas réellement comme prévu. C’est le cas avec cette série de 2019 numériquement intitulée The I-Land. Avec Anthony Salter à la création, l’histoire nous fait voyager sur une île déserte avec des naufragés qui ne savent absolument pas pourquoi ils se trouvent là. Un peu comme les acteurs, en somme. La bonne nouvelle ? C’est une minisérie, donc une seule et unique saison. Ne tournons pas autour du palmier ; on prend son canot de sauvetage et on se lance dans le bain pour la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Dix clampins se réveillent sur une plage sans aucun souvenir de qui ils sont, ni de comment ils sont arrivés là. Leur but ? Ben, trouver des réponses, tiens ! Même si pour cela ils doivent faire face à une terrible vérité ; ils sont prisonniers d’une réalité virtuelle ultraperfectionnée.

Je l’avoue, pendant quelques minutes, j’y ai cru. Le départ absolu de la série est intriguant et apporte un certain lot de problématiques pertinentes ; les objets dans le sable, le panneau au bout de la plage, les 39 pas, on se demande s’il n’y a pas quelque chose qui va ressortir de tout ça et sauver nos naufragés numériques… du naufrage.

Mais non. Bien que se donnant quelques airs d’un Lost des bas-fonds, The I-Land foire complètement ses idées d’un bout à l’autre de ses sept épisodes éprouvants. Les intrigues présentes dans les deux premiers segments ne servent qu’à nous appâter, rien de plus. Car la réponse finale à tout ce bazar intervient… seulement dans le troisième épisode, histoire de ne pas nous faire languir trop longtemps.

On passe donc le reste de la série à se demander ce qu’ont bien pu faire les protagonistes pour se retrouver dans cette réalité numérique, étant tous des taulards de haut niveau. Pas besoin de trop patienter pour cela ; tout (ou pratiquement) intervient dans le quatrième épisode, après un petit passage dans la vraie vie durant le troisième.

Une vraie réalité en carton-pâte que nous retrouvons dans le tout dernier épisode non sans nous faire demander comment le monde a pu mal tourner à ce point-là. En nous présentant une prison hi-tech détenue par des actionnaires (relents immédiats d’un certain Death Race), dirigée par le directeur Wells (Bruce McGill) tipé immédiatement comme le grand méchant de la série avec ses airs de J. R. soixantenaire kiffant les glaçons dans le whisky, l’histoire se perd en crédibilité et le sable coule plus vite dans le sablier.

Car si l’histoire n’a pas vraiment de sens (j’y reviendrai), il est de bon aloi de ne pas trop parler des acteurs. Certes, le casting est fondamentalement bon, avec Natalie Martinez dans le rôle principal de Chase ou encore Kate Bosworth qui joue K.C., sans parler de Maria Conchita Alonso dans le rôle récurent de la mère de Chase. Malgré cela, on se retrouve avec des personnages factices, ayant tous leur lot d’erreurs commises mais ne parvenant pas à nous convaincre une seule seconde.

Ils passent la majorité du temps à se mentir, se trahir et débattre inutilement sur des faits qui auraient mérité que l’on s’y attarde moins. La plage ou l’intérieur des terres ? Chase ; amie ou ennemie ? Fromage ou dessert ? Même lors de la découverte d’un hôtel abandonné au centre de l’île, même si certains se disent que l’investir serait une idée acceptable, cette solution pourtant jouasse est bien vite laissée pour compte.  

Au lieu de ça, ils pêchent, se baignent (et se font bouffer par des requins) et profitent du soleil. L’urgence de découvrir leur vraie nature n’en semble pas réellement une, les débats stériles et les engueulades soutenues bombardant une importance plus cossue dans le fil des épisodes.

Pourtant, quelques bonnes idées auraient pu sauver l’histoire. L’arrivée de Bonnie (Clara Wong) et Clyde (KeiLyn Durrel Jones) intervient au bon moment pour ne pas nous faire sombrer dans une léthargie définitive. Mais les personnages sont extrêmement mal exploités et deviennent quelconques, insipides, inutiles. Il en est de même pour la présence d’un cannibale sur l’île n° 2. Une possibilité de faire intervenir une menace comme celle-ci aurait sans doute attiser l’intérêt du spectateur. Mais à part discuter de son hypothétique présence, nous ne verrons pas ne serait-ce que le quart de la moitié de sa tronche.

Au fur et à mesure des épisodes, Chase nous énerve au plus haut point, K.C. reste en mode psycho-regard-mauvais tout du long, Cooper (Ronald Peet) cogite sur le sens de la vie et Donovan (Anthony Lee Medina) drague intensément Blair (Sibylla Deen), retombant dans ses travers d’harceleur primé aux Oscars. L’histoire se barre comme happée par un océan déchaîné et nous, spectateurs, on se demande vraiment ce qu’on fout encore devant la télévision.

Tout cela pour atteindre un dernier épisode se passant uniquement dans la réalité où la majorité des protagonistes ne sont même pas présents. Le versus Chase contre le directeur Wells est convenu, sans saveur et nous saoule carrément, surtout au vu de la teneur de la révélation finale sur cette jeune femme qui ne fait même pas tressaillir un poil de mon avant-bras. La toute dernière scène renvoie à un certain (et sous-estimé) Absolom 2022 de Martin Campbell (les vrais savent), le côté glauque et punch en moins.

De la science-fiction ? De la minisérie d’auteur ? Un thriller numérique ? Une daube ? On ne sait pas vraiment ce qu’est The I-Land tant sa consistance glisse entre nos doigts comme du sable. Ce que l’on peut constater néanmoins, c’est que la série parle de réhabilitation et de la dualité entre l’inné et l’acquis. Enfin, c’est ce que l’on cherche à nous faire croire.

Le discours du jury d’universitaires en charge du projet I-Land ne convainc pas une seule seconde. L’idée de départ est cependant intéressante ; si l’on vide un individu de ses souvenirs et qu’on le place dans un cadre différent de celui de la réalité, changera-t-il ses mauvaises habitudes ? Dans le cas présent de la série, il est clair que non, mais cette idée n’est que survolée là où il y avait sans doute possibilité d’en faire plus.

L’autre aspect qui ressort énormément est celui de la rédemption. Tous condamnés à mort (on est au Texas ; ça ne rigole pas), les prisonniers de l’île ont une chance de s’en tirer s’ils changent de comportement. Pourtant, sur les dix du départ, la seule parvenant à s’en tirer est en fait… innocente. Dès lors, s’agit-il d’une réflexion sur la possibilité des erreurs judiciaires ? Sur la peine de mort et ses implications ? Sur la permutation d’une peine définitive en une peine numérique ? En fin de compte, les seuls qui souffrent vraiment, c’est nous, tentant de trouver une logique à tout cela, logique qui n’arrive jamais.

Personnages à occire, histoire sans intérêt, tentatives de remonter le niveau qui se soldent par un échec irrelatif, The I-Land est une perte de temps. Avec ses révélations mollassonnes et son dynamisme inexistant, on s’attend vraiment à ce qu’il se passe quelque chose… en vain. Si vous avez aimé Lost et que vous aimez par-dessus tout les séries à intrigues, passez votre chemin. Merci à Netflix d’en avoir fait une minisérie ; ça nous évite une saison deux.

Au moins, les paysages étaient jolis.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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