Passez-moi un stylo

Death Note, c’est tout d’abord un manga paru de 2003 à 2006, écrit par Tsugumi Oba et dessiné par Takeshi Obata. En 2006, deux films sortent pour transposer l’histoire du cahier de la mort à l’écran : Death Note et Death Note 2 : The Last Name, tous deux réalisés par Shusuke Kaneko. D’autres films viendront ensuite ponctuer ce récit (L : Change the World et Death Note : Light Up the New World) avant l’arrivée du Death Note version US de 2017. Pour mettre en scène ce métrage, on demande à Adam Wingard de passer derrière la caméra. Ce nom pourrait ne pas vous être inconnu vu que le monsieur a déjà réalisé deux segments dans les films V/H/S et également la version 2016 de Blair Witch. Alors, facile de reprendre le thème des fournitures scolaires de la mort ou non ?

Light Turner est un brillant étudiant, bien qu’un peu marginal. Peu après la mort de sa mère, il découvre un étrange cahier : le Death Note. Très vite, il va rencontrer Ryuk, le dieu de la mort lié à ce bouquin. Light apprend qu’il peut tuer n’importe qui de la manière dont il souhaite simplement en écrivant le nom de la personne dans le livre et ayant son visage en tête. Aidé par sa petite amie Mia, il souhaite débarrasser le monde des « méchants » et devenir un nouveau dieu, Kira. Face à lui, un jeune et talentueux détective connu sous le simple pseudonyme de « L ».

Avant toute chose, il est nécessaire de dire que nous sommes ici en présence d’une américanisation d’un métrage japonais. Tout comme ça a été le cas pour le film espagnol [REC] et sa reprise américaine En quarantaine, si vous avez lu le manga, vu l’original ou l’animé et que vous avez particulièrement aimé, vous allez certainement voir cette version comme une pâle copie, américanisée à fond les bidons, incapable de trouver une profondeur quelconque, destinée à avoir son nom dans ledit Death Note. Dès lors, je vous préviens à l’avance, j’ai ÉNORMÉMENT aimé l’original.

En tête d’affiche, nous avons Nat Wolff, déjà connu comme acteur grâce à des films comme Nos étoile contraires ou La face cachée de Margo. Ici, il campe l’étudiant mal dans sa peau, découvrant les incroyables pouvoirs du Death Note. Personnage relativement plat, sa mégalomanie divine se transpose étonnamment vite de la frénésie au je-m’en-foutisme et son alter-ego Kira devient alors une guimauve. Face à lui, le personnage de « L », joué par Keith Stanfield. Possédant des tocs mémorables (kif absolu des bonbons et impossibilité de s’asseoir normalement sur une chaise), ce détective hors norme est bien interprété, dévoilant même un aspect radicalement humain, moins présent dans le film d’origine. Pourtant, à nouveau, on ne creusera pas énormément la psychologie de ce personnage, le laissant vadrouiller avec son col roulé et ses idées arrêtées sur le tueur. Cet acteur a déjà été vu notamment dans Get Out, de Jordan Peele.

Aux côtés de ces deux têtes d’affiche, nous allons retrouver Margaret Qualley, en Mia, la petite amie de Light. Devenant de plus en plus obsédée par le pouvoir du Death Note, elle manipulera habilement son monde pour parvenir à ses fins. Le personnage restera cependant relativement en surface (tiens, c’est étonnant, non ?). Shea Whigham est James Turner, le père de Light, convaincant dans son rôle de policier sur la piste du mystérieux Kira. Paul Nakauchi est Watari, sympathique mentor et ami de « L », étant sans doute le personnage le plus touchant de la bande. A noter la présence de Willem Dafoe dans le rôle de Ryuk, le dieu de la mort. Ici, notre Bouffon Vert va reprendre ses anciennes mimiques, ajoutant une folie particulière à ce personnage virtuel.

Death Note américanisé… aïe ! Je ne vais pas passer cette critique à comparer les quatre heures de film sorties en 2006 avec celui-ci. Ce qu’il faut simplement dire, c’est qu’il est physiquement, humainement et pratiquement impossible de faire tenir quatre heures de développement cinématographique et/ou l’intégralité de l’animé dans un métrage de seulement 1h40. Et là, nous tenons déjà une première chose qui pèche ; la durée.

Dès le début du film, tout va très vite. Le bouquin apparaît dans les toutes premières minutes, immédiatement suivi par l’intervention de Ryuk. Démarre ensuite l’élaboration du plan de Light pour devenir Kira, tout en racontant le tout à sa potentielle petite amie (cheerleader de son état), conversation qui intervient comme un énorme cheveu sur la soupe. Et encore, ça ne s’arrête pas là. Cela va même empirer avec l’arrivée de « L ». Son enquête prendra des raccourcis magnifiquement grandioses pour réussir à tenir le coup dans la timeline et ainsi boucler dans les temps. On file vite, on file droit et on a l’impression de survoler l’histoire. Même les règles du Death Note, d’une importance capitale dans le manga et la version précédente, seront passées à la va-vite.  

Du coup, les personnages n’ont pas une réelle profondeur et ça manque cruellement de stabilité. Kira, mégalomane flippant au départ, va peu à peu devenir un adolescent standard, égratigné par la vie et se demandant ce qu’il fiche avec ce foutu cahier. Le film prend alors la tournure standard des films d’adolescents américains, mettant en avant le mal-être et la différence en lieu et place de cogiter sur l’importance des actes commis et des conséquences qui vont avec. Bref, une critique sociale reléguée à un simple constat adolescent. Dommage, dommage.

Le scénario est pourtant sympathique et sort un peu des sentiers battus. Les puristes y verront un affront absolu, les autres une histoire à 120 km/h qui parvient pourtant à tenir d’un bout à l’autre. Même si le tout est rushé sur 1h40, les raccourcis restent légion et l’impression de s’être fait avoir se fait cruellement ressentir. Si ça va vite et que l’on parvient à suivre, c’est forcément que c’est extrêmement facile à suivre.

Les effets spéciaux sont bien sentis, mais les scènes des morts du Death Note ressemblent parfois à s’y méprendre à un environnement à la Destination Finale.  Ryuk est particulièrement bien fichu, usant de la motion capture de Willem Dafoe pour prendre vie. Restant dans l’ombre, parlant avec sarcasme et cynisme, nous avons ici un dieu de la mort qui semble ne pas vouloir rester en simple observateur comme dans le matériau d’origine. On sent une haine et une présence d’autant plus malsaine, via la mise en garde dans le Death Note, lue par Light en début de film. En brisant les codes du matériau d’origine, il aurait pu faire un méchant digne de ce nom.

Car ici, on peine clairement à dire qui est le plus méchant. L’ambigüité des personnages est présente mais pas assez imprégnée pour que nous y prêtions une réelle attention. Light est censé être tourmenté, devenant de plus en plus déglingo au fur et à mesure de son utilisation du Death Note. Ici, au contraire, le justicier devient une solution, un moindre-mal. Sans doute qu’avec tous ces films de super héros ces dernières années, il ne fallait pas trop taper sur la possibilité d’une justice telle que celle-ci. On évite de trop égratigner les avis des spectateurs et sans prise de décision, on se retrouve à avoir un scénario et des personnages qui restent en surface.

L’américanisation se déroulera jusqu’à un final des plus étonnants, ne fermant pas la possibilité d’une suite. Actuellement, les discussions sont en cours pour continuer l’histoire et sans doute prendre un chemin radicalement différent du matériau d’origine, histoire de s’en départir complètement et conservant uniquement le cahier de la mort et les personnages comme référence initiale.

Death Note reste un film sans enjeu, se contentant de suivre (rapidement) le scénario et boucler le plus vite possible. Même s’il s’agissait ici d’une introduction à quelque chose de plus grand, je ne pense pas que la base soit assez solide pour que cela tienne sur la durée. Toutefois, si vous êtes accro à l’univers de Death Note ou que vous aimez les films pop-corn vite-fait sur votre canapé, regardez-le tout de même. Pour les autres, passez votre chemin, lisez les mangas et matez l’animé ainsi que les films de 2006 ; là, ça envoie du steak.

Du coup, si on note le nom du film dans le Death Note, il se passe quoi ?

Anecdote : Au début du film, Light lit une mise en garde contre Ryuk dans le Death Note. A la 48ème minute, Ryuk précise bien que tous ceux qui ont tenté de mettre son nom dans le cahier ne sont jamais allés au-delà de deux lettres. T’as tout faux, Ryuky ! 

Emmanuel Karsen, la voix française de Ryuk, a déjà participé vocalement à l’animé de Death Note dans le rôle de… Ryuk. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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