Parler du racisme, c'est coton...

Tirant son titre d’une locution latine voulant dire « avant la guerre », Antebellum va donc nous parler de la période précédant la Guerre de Sécession, ce terme étant utilisé principalement dans ce contexte précis. Sur l’affiche, on nous précise (en GRAND, s’il vous plaît) qu’il s’agit des mêmes producteurs que deux grands films de Jordan Peele ; Get Out et Us. A la barre, nous avons deux réalisateurs ; Gerard Bush et Christopher Renz, officiant tous deux pour la première fois sur un long métrage. Entre racolage en nous présentant de grands succès et du sang neuf en réalisation, ce film va-t-il nous scotcher ? Va-t-on parler du problème du racisme de manière pertinente ? Cela va-t-il nous rappeler les champs de coton dans notre mémoire à la manière d’un certain JJG ? On s’accroche et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers, mentionnés par une balise

Eden (Janelle Monáe) est esclave dans une plantation de coton en Louisiane. Traitée de manière affreuse par les officiers et soldats de l’armée des Etats Confédérés, elle fait la rencontre de Julia, une jeune femme enceinte arrivée récemment dans la plantation. Après la mort de celle-ci, elle va tout faire pour s’enfuir de ce cauchemar.

En tête d’affiche, on retrouve Janelle Monáe, auteure-compositrice-interprète de soul music, elle passe de temps à autre devant la caméra comme actrice ou doubleuse, par exemple dans Rio 2 ou encore Les Figures de l’ombre. Elle nous livre ici une excellente prestation, parvenant à nous tenir en haleine lors de chacune de ses apparitions à l’écran. A la fois brisée et déterminée, elle incarne toute la force de caractère et l’indépendance du métrage.

A ses côtés, on retrouve un officier confédéré (Eric Lange), tortionnaire absolu ; Elizabeth (Jena Malone), terrifiante en responsable de la plantation ; le capitaine Jasper (Jack Huston), sadique jusqu’au bout des ongles ; Julia (Kiersey Clemons), la nouvelle venue ; Eli (Tongayi Chirisa), un modèle de bravoure ; et Bridget (Gabourey Sidibe), une jeune femme qui n’a pas sa langue dans la poche.

Globalement, le casting fonctionne bien et la fraction visible entre les Confédérés et les esclaves glace le sang. On se prend rapidement d’affection pour les personnages et la tension se fait alors sentir sur leur avenir au sein du scénario. Enfin, quand je dis ça, c’est un peu de manière inégale.

En milieu de métrage, le film nous gratifie d’un twist abrupt mais connu pour ceux qui ont vu la bande-annonce ou encore qui ont lu le pitch complet du film. On démarre alors un nouvel acte passablement longuet avant de reprendre là où l’on s’était arrêté. Un choix osé mais qui plombe un rythme déjà passablement mollasson.

Parler du racisme au cinéma, beaucoup arrivent à le faire de manière concrète et intelligente. On peut reprendre l’exemple du fameux Get Out, de Jordan Peele, véritable perle en matière de tension, de personnages et de scénario. Ici, c’est beaucoup plus « brut » et on tente de nous faire passer un message sans trop prendre de gants.

En même temps, l’aspect horrifique de ce film est clairement le fait de se rendre compte de l’horreur du racisme, chose qui se trouve encore être monnaie courante de nos jours. Ce que l’on peut voir dans l’actualité journalière ne date pas d’hier et ce genre de métrage est là pour nous le rappeler, non sans se prendre un peu les pieds dans le tapis.

ATTENTION : SPOILERS A PARTIR DE CE POINT

Car sous son apparence extrêmement crue, avec un démarrage magnifiquement terrifiant au moyen d’un long et musical plan séquence, le film se perd ensuite lorsque l’époque change… ou du moins où il nous fait croire que ça change. On assiste alors à un approfondissement du personnage d’Eden (en vrai Veronica Henley), sociologue renommée, ayant été kidnappée pour travailler dans une plantation de coton façon 19ème siècle.

La rencontre avec ses amies Bridget (Gabourey Sibide) et Sarah (Lily Cowles) nous en apprend plus sur sa personnalité mais on a l’impression d’un tirage en longueur malvenu. Dès lors, quand on revient dans la plantation, on se rend compte de la supercherie et là, le film perd en intérêt, devenant simplement un survival d’où il faut s’échapper, sans réels enjeux en profondeur.

Dans le troisième acte, on peut noter une tension plus présente mais qui retombe rapidement, notamment avec une course-poursuite finale en première vitesse et une confrontation avec le personnage d’Elizabeth qui laisse un peu pantois. La finalité de l’histoire est cependant intéressante, bien que traitée rapidement sans faire de fioritures.

ATTENTION : FIN DES SPOILERS A PARTIR DE CE POINT

La problématique du racisme est difficile à traiter et Antebellum fait ce qu’il peut pour parler de ce genre d’affaire en voulant nous faire réfléchir. Malheureusement, même si le malaise est effectivement présent sur la forme (le traitement infligé aux esclaves, le coup du brûloir, les viols répétés des Confédérés, l’évasion d’Eden), on ne peut nier que le fond manque de consistance.

On se retrouve donc à voir un film qui se prétend novateur mais qui ne fait que reprendre une idée déjà utilisée simplement en modifiant son contexte pour tenter de surprendre le spectateur. Ajouté à cela le fait que certaines scènes semblent s’éterniser, et on pourrait rapidement en décrocher, ou du moins ne pas en garder un souvenir impérissable.

Traitant d’un sujet compliqué avec conviction mais tentant d’en faire trop dans son scénario, Antebellum reste un film intéressant, osant traiter un sujet malheureusement toujours d’actualité sans commettre de fautes outrancières. Il serait d’ailleurs intéressant d’aller plus loin et de philosopher un brin sur les nombreuses métaphores que l’on pourrait en tirer. Les deux réalisateurs ont de l’avenir, c’est certain, car commencer avec quelque chose comme ça, il faut tout de même le faire.

Avis à tous ceux que le sujet intéresse, qui veulent voir de bonnes prestations d’acteurs et qui souhaitent se replonger dans l’ambiance terrifiante des plantations du 19ème siècle, vous pouvez procéder au visionnage. Pour ceux qui cherchent à avoir plus de fond, une relecture de Get Out s’impose. Oui, j’en parle beaucoup mais c’est Antebellum qui a commencé avec son affiche.

Et n’oubliez pas, les apparences sont souvent trompeuses.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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