Un vent de folie

Après avoir été à la réalisation de deux documentaires, Emma Tammi se lance dans le domaine horrifique avec The Wind, aussi connu sous le nom de Terre maudite. Présenté au Festival international du film de Toronto en 2018, il s’agit ici d’une œuvre horrifique intrigante dans son traitement. A noter que ce métrage n’a rien à voir avec son homonyme sorti en 1928 et réalisé par Victor Sjöström. Ici, on parle d’une maison au milieu de nulle part, de deux couples pratiquement voisins et d’étranges entités se baladant à travers les plaines. Peut-on se retrouver nulle part ? Est-ce que cela nous empêcherait de tomber sur des démons mal intentionnés ? Que penser de tout ça ? On arme son fusil et on ouvre la porte à la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Au XIXème siècle, Lizzy (Caitlin Gerard) et son époux Isaac (Ashley Zukerman) vivent au beau milieu d’une plaine désolée au Nouveau-Mexique. Souvent seule, Lizzy voit l’arrivée de nouveaux voisins dans une masure abandonnée à proximité comme l’occasion de faire de nouvelles connaissances. Mais les histoires étranges sur la région, la focalisation de la voisine Emma (Julia Goldani Telles) pour les démons des plaines et le vent soufflant de manière persistante auront raison de l’optimisme de son optimisme.  

Il faut commencer par noter la superbe interprétation de Caitlin Gerard dans le rôle d’Elizabeth, alias Lizzy. Femme sachant se débrouiller, s’occupant des tâches ménagères et de la propriété tout en trouvant le temps de faire de la couture et de prendre des bains, il s’agit d’une véritable businesswoman du XIXème siècle ! Il faut d’ailleurs mentionner que le film est réalisé par une femme et que la vision globale de ce dernier est majoritairement posée sur une direction résolument féminine. Caitlin Gerard devient alors celle sur qui tout repose… et elle se débrouille admirablement bien.

Le personnage d’Emma est plus effacé bien qu’extrêmement intrigant dans sa manière d’être. Obnubilée par les démons des plaines, elle est convaincue que ces derniers en veulent à son enfant à naître ce qui la rend carrément parano. Les rôles masculins, respectivement d’Isaac et de Gideon (Dylan McTee), l’époux d’Emma, ont tout de même leur importance et ne sont pas relégués à un rang inférieur, pouvant prendre une place à part entière dans le métrage. Le révérend joué par Miles Anderson suscite bien de la curiosité de notre part et permet d’avoir un peu de nouvelles têtes dans les environs.

Car ce qui fait la teneur particulière de ce film, c’est la situation des protagonistes. Nous nous trouvons ici au beau milieu des plaines arides du Nouveau-Mexique avec pour seule compagnie le vent constant et inaltérable. L’ambiance est marquée par une tension mise en place dans une sorte de huis-clos à ciel ouvert. Pour ce qui est de réussir à instaurer une ambiance propre à un métrage, Emma Tammi peut obtenir sans mal la mention « Très bien ».

Quelque chose rôde à l’extérieur, principalement durant la nuit, et s’avère être particulièrement violent. Durant sa grossesse, Lizzy avait tendance à développer une paranoïa similaire à celle d’Emma, certaine que des entités malveillantes traînaient dans les environs et qu’il ne fallait ouvrir à personne une fois la nuit tombée. Une menace invisible est donc présente d’un bout à l’autre du métrage.

Scénaristiquement parlant, on s’emmêle un peu les pinceaux. Nous visionnons le film sur trois axes temporels distincts ; la grossesse de Lizzy ; la grossesse d’Emma ; Lizzy seule après le départ d’Isaac pour quelques jours. Cela va sans dire qu’à force de passer d’un axe à l’autre, on a facilement tendance à ne plus savoir vraiment où l’on se trouve et c’est assez perturbant… dans le sens d’embêtant, nous sommes d’accord.

Même si nous nous trouvons ici en présence d’un réel film d’horreur, instaurant une ambiance particulière et nous faisant côtoyer une présence malsaine durant tout le métrage, on peut brusquement tomber dans le trop plein au détour d’une scène. Si l’on prend l’introduction du film en plan séquence, avec l’arrivée de Lizzy couverte de sang et tenant le bébé sans vie d’Emma dans les bras, cela tranche radicalement avec la raclée qu’elle se prend lors de sa visite dans la maison vide de ses voisins, à la mode Poltergeist. Parfois, il ne faut pas en faire trop.

Le film a pourtant le mérite de se terminer de manière à nous faire cogiter. En apprenant ce qui est véritablement arrivé à Emma, on prend alors conscience de l’état mental de Lizzy et on se demande alors si cette histoire de démons ne serait pas une sorte de protection psychique mise en place par son cerveau histoire de se départir de toute responsabilité. L’image finale nous laisse donc avec quelques interrogations, pour une fois bienvenues car elles permettent un sympathique débat post-visionnage. Pour vous, quel est le fin mot de tout cela ?

Dans la manière de traiter ses personnages, Emma Tammi ne parvient pas toujours à nous faire ressentir une puissante empathie pour ces derniers. On se pose la question de la légitimité de certains décès durant le film. On se dira alors que c’est simplement dommage de ne pas avoir eu l’occasion de voir plus certains personnages à l’écran, sans réellement se soucier de leur mort prématurée.  

Et les démons dans tout ça ? Sans esbrouffe, ces derniers doivent certainement avoir une sale gueule. Je dis « certainement » car nous ne les voyons pas concrètement durant le film, si ce n’est par jeux d’ombres habiles ou via des yeux noirs portés par certains protagonistes. Cependant, la liste que l’on peut voir sur le feuillet transmis par le révérend nous laisse à penser que si de telles créatures zonent dans les environs, il vaut mieux rester chez soi une fois la nuit tombée.

Avec son regard féminin, la réalisatrice nous poste dans la situation de Lizzy et nous parle de la détermination que peut avoir une femme lorsqu’elle se retrouve aux prises avec des éléments qu’elle ne connaît pas. Combative, forte, cherchant même à en découdre avec les entités en question, Lizzy possède une force de frappe non négligeable et sait se servir d’un fusil. Voir le film sous cet angle lui donne un aspect intéressant et relate une manière d’être des personnages féminins que l’on ne voit que trop rarement en reprenant cette période historique.

A noter la présence de quelques littératures gothiques dans le coffre récupéré par Issac en fin de métrage, avec notamment des passages lus pendant le film de Frankenstein de Mary Shelley ainsi que Les Mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe. Tiens, deux romancières britanniques ! Etonnant pour un film souhaitant mettre en avant un point de vue féminin, non ?

Intéressant sur sa forme et sur le fond, The Wind est un courant frais venant nous faire tressaillir quelques fois sans exagérer. Même si certaines scènes sont incongrues et que le montage sur plusieurs axes donne un foutoir un peu lassant, n’en reste que le principe de base du film ainsi que son ambiance ne laissent pas foncièrement indifférent pour les fans de cinéma horrifique. Restant relativement gentillet, il donne place à plusieurs interprétations et vaut certainement le visionnage. Si vous aimez les endroits isolés où de vicieuses créatures peuvent se terrer, lancez-vous !

Cependant, fermez les fenêtres pour éviter les courants d’air.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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