Bienvenue dans le Maine !

Stephen King est l’un des auteurs les plus adaptés au cinéma et à la télévision. On ne compte plus les Shining, Christine, Cujo et autres Ça sortis ces dernières décennies. Dès lors, quand j’entends parler d’une série intitulée Castle Rock (ville fictive au centre de plusieurs intrigues de Stephen King), il est logique que je m’y intéresse. En grattant un peu la surface, j’apprends que le Maître du suspense se trouve dans les producteurs exécutifs aux côtés d’un certain… J.J. Abrams. La création de cette série anthologique revient à Sam Shaw et Dustin Thomason, officiant tous deux dans la sphère télévisuelle depuis plusieurs années. Ça ne peut que fonctionner, non ? En même temps, adapter une histoire inédite basée sur la ville de Castle Rock, surtout au vu de l’univers créé par King, peut s’avérer casse gueule. Est-ce que tout cela va nous transporter dans un univers « Kingesque » ? Le voyage jusque dans le Maine vaut-il le coup ? Castle Rock, est-ce une ville pour un bon investissement immobilier ? Après avoir vérifié trois fois que la porte était fermée et deux fois qu’il n’y avait rien sous le lit, je démarre le visionnage. ATTENTION : cet article contient des spoilers

La ville de Castle Rock possède une histoire parsemée d’événements étranges, perturbants et violents. Après le suicide du directeur de la prison de Shawshank, à l’aube de sa retraite, on retrouve un détenu confiné dans une aile condamnée du bâtiment. Enfermé depuis de nombreuses années, les seuls mots qu’il prononce sont le nom d’un avocat ayant grandi à Castle Rock et se trouvant maintenant au Texas. Afin de faire la lumière sur cette affaire, Henry Deaver (André Holland), l’avocat en question, va revenir dans sa ville natale et faire ressurgir de vieux démons.

On ne peut pas le nier ; le scénario, c’est bien de la trempe de Stephen King. Durant les dix épisodes de cette première saison, on retrouve tout ce qu’apprécie l’auteur ; une ville en perte de vitesse entachée par des événements dramatiques, des personnages supportant difficilement le poids du passé, les dérives de la religion et un suspense omniprésent. Oui, ça ressemble bien à du King.

La clé pour une bonne histoire, surtout lorsque cette dernière doit se construire sur plusieurs niveaux, ce sont les personnages. Ici, nous avons Henry Deaver au centre de l’attention. Enfant noir adopté par Ruth (Sissy Spacek), une femme attentionnée, et Wendell (Adam Rothenberg), pasteur de Castle Rock intransigeant, la complexité du personnage prend forme petit à petit au cours des épisodes. Nous n’avons connaissance du fin mot de son histoire que dans l’ultime segment, permettant ainsi d’avoir une construction identitaire fiable et délicieusement complète. En plus, André Holland interprète à merveille les différentes facettes de son personnage.

Ses parents jouent également magnifiquement leurs rôles, principalement Sissy Spacek, qu’il est extrêmement agréable de retrouver dans l’univers de Stephen King après sa prestation particulièrement remarquée dans Carrie au bal du diable de Brian de Palma en 1976. Personnage atteint de la maladie d’Alzheimer, son interprétation est gigantesque, sans fioritures, avec simplicité et nous impactant de manière non négligeable. Quant à Adam Rothenberg interprétant le père d’Henry, disons simplement qu’il parvient à nous faire froid dans le dos à quelques occasions.

Tout aussi présent dans l’histoire, le rôle de Molly Strand est joué par Melanie Lynskey. Amie d’enfance d’Henry, elle partage avec lui un lien particulier. Malgré cette bonne idée, on peine à comprendre concrètement le personnage et disons que la plupart de ses apparitions se soldent par un regard inexpressif de notre part. Cependant, elle parvient à nous captiver durant les trois derniers épisodes en prenant plus d’essor.

Dans le lot, il reste deux excellentes surprises ! Tout d’abord Jane Levy (Evil Dead de 2013, Don’t Breathe) interprétant le rôle de Jackie Torrance. Les fans du King reconnaîtront immédiatement ce nom de famille évocateur, renvoyant directement à l’excellent Shining du Maître du suspense. Nièce de Jack, sa passion pour les événements morbides et les haches font d’elle un personnage entier, intrigant et que l’on aurait sans doute apprécié voir un peu plus. Sa toute dernière apparition donne l’eau à la bouche sur la suite de son aventure. Je vous laisse le plaisir de la découvrir.

Et puis il y a Bill Skarsgard dans le rôle du Kid. Déjà présent dans l’univers de l’écrivain depuis son interprétation incroyable de Ça dans la nouvelle adaptation du film éponyme, on confirme qu’il n’a pas besoin de trop forcer pour s’avérer inquiétant. Enfermé depuis 27 ans (tiens, tiens) dans un vieux réservoir de la prison de Shawshank par l’ancien directeur, le mystère qui l’entoure, fil rouge de cette première saison, et chacune des apparitions de son personnage, nous collent à l’écran.

En passant l’on peut mentionner Dennis Zalewski (Noel Fisher), gardien de Shawshank un brin sur le fil du rasoir ; Alan Pangborn (Scott Glenn), shérif iconique de Stephen King, vibrant de réalisme ; Wendell (Chosen Jacobs), fils d’Henry et fan des jeux sur portable ; le directeur Dale Lacy (Terry O’Quinn), s’éteignant dès le premier épisode mais restant partie intégrante de l’intrigue ; et pour terminer Willie (Rory Culkin) interprète d’Odin Branch (CJ Jones), un mystérieux sourd qui aurait entendu la voix de Dieu.

Le casting général de la série est correct avec plusieurs bonnes surprises, notamment Jackie Torrance, Ruth Deaver et le Kid. Les habitants de la ville de Castle Rock ont cependant le droit d’être un peu secoués avec toutes les crasses qui leur arrive et on peu comprendre un certain désappointement dans quelques-uns des rôles.

Maintenant que les acteurs sont connus, il faut les voir déambuler dans les rues de la ville et construire le scénario. Ce dernier se base, comme mentionné plus haut, sur une idée originale. Le but de la série est de constituer chaque saison (indépendante l’une de l’autre) comme s’il s’agissait d’une nouvelle histoire de Stephen King. Pour le coup, c’est bien le cas sur de nombreux points.

Tout d’abord, l’univers est respecté et ne se transforme pas radicalement. On reste dans quelque chose de posé, parfois lent, toujours intrigant et souvent prenant. Chaque personnage est une partie de la ville de Castle Rock et le fait clairement sentir dans la ligne conductrice du scénario. Comme King apprécie de creuser la psychologie de ses protagonistes pour en faire partie intégrante de l’histoire, il était logique que cela se passerait ainsi dans la série.

On suit donc le développement des différents habitants tout en suivant l’histoire centrale ; la découverte du Kid dans une cage planquée au fond de la prison de Shawshank. Qui est-il ? D’où vient-il ? Que veut-il ? Tant de questions qui trouvent une réponse en toute fin de saison. La révélation est-elle valable ? Cette dernière est très sujette à interprétation de la part du spectateur. Il serait intéressant de développer ce point afin d’en déterminer la réelle valeur.

Sans effectuer un développement théorique de dix pages, je résumerais cela ainsi ; dans les dernières minutes, le Kid nous montre une facette inédite durant quelques secondes. Son destin est directement lié à la plaidoirie d’Henry, dans le premier épisode, durant laquelle il mentionne que pour condamner quelqu’un à mort, il faut plus qu’une certitude. Malgré ce qu’il a vu, Henry fait un choix en conséquence, n’étant pas totalement sûr de la nature supposément diabolique du Kid. La boucle est ainsi bouclée ; Henry est cohérent entre ses paroles et ses actes, cela renvoyant à une acceptation totale de soi-même.

Mais cessons de tergiverser ! Le scénario se construisant petit à petit et ne nous laissant les dernières miettes que pour le final, est-ce que ce dernier est cependant valable ? Eh bien, les véritables raisons de la présence du Kid à Castle Rock peuvent sembler capillotractées mais c’est un thème que King a déjà utilisé dans plusieurs de ses ouvrages (La Tour Sombre, The Mist).

Pourtant, en arrivant à la fin on sent comme un goût d’inachevé, comme si l’histoire n’avait pas été complètement racontée. Je me suis surpris à me demander quand allait se pointer le prochain épisode… sans possibilité que celui-ci n’arrive un jour. On laisse champ-libre au spectateur pour se faire sa propre opinion et décider si tout cela est réellement juste. Nous devenons le jury, devant prendre une décision concernant le final de la série et le sort du Kid. Bien vu sur la forme mais le fond semble cruellement manquer de consistance.

Le plus important, c’est que Castle Rock conserve son statut de ville étrange par excellence. Durant toute cette saison, les événements improbables se mêlent aux personnages morbides (Gordon et son épouse, interprétés par Mark Harelik et Lauren Bowles, passionnés d’affaires sanglantes et ouvrant un bed and breakfast sur ce thème) et aux coups du sort incalculables. On sent cette ambiance pesante sur la ville comme si celle-ci était effectivement maudite, obligée de subir les événements sans pouvoir les contrôler.

Les thèmes des choix, de la rédemption, du pardon et de l’acceptation du passé sont au centre du récit. Comme d’habitude dans les histoires de King, nous avons aussi des allusions très concrètes sur la religion et ses dérives. La rencontre d’Henry avec Odin et Willie en est la preuve. L’histoire de la voix de Dieu, récurrente dans cette première saison, apporte une « spiritual-touch » bienvenue bien que laissée de côté sur la fin. On ne peut donc voir cette perche tendue que comme un moyen de nous faire entrer dans la forêt de Castle Rock pour y déclencher d’autres événements que ceux qui pourraient être directement lié à une intervention divine, du moins de manière concrète. Cependant, cela montre qu’un individu peut se laisser aller à des extrêmes regrettables dans certaines situations.

Bien entendu, dans l’univers de Castle Rock, nous avons plusieurs allusions aux diverses créations de Stephen King à commencer par le générique de la série qui s’avère somptueux. Des références à Shining, Cujo ou à Simetierre sont également de la partie et je vous invite, fans du King, à toutes les retrouver. Rassurez-vous cependant ; il ne s’agit pas d’un Ready Player One de l’écrivain. Les références sont subtiles et parfois même un peu cachées. Même si j’aurais personnellement apprécié qu’il y en ait un peu plus, je pense que le dosage avec parcimonie était nécessaire pour éviter de tomber dans le piège de l’auto-publicité.

Avec ses dix épisodes oscillants entre 45 minutes et une heure, Castle Rock est un bel hommage au travail de King. L’histoire colle avec l’univers sombre et désespéré de l’auteur, non sans apporter une lueur d’espoir sur la fin, comme une invitation à continuer malgré les difficultés. C’est exactement ce que je me dis à l’issue du visionnage ; il y a des imperfections, quelques ratés mais dans l’ensemble, cela vaut la peine d’aller plus loin et de continuer à construire le mythe autour de Castle Rock… et de ses environs. Il reste encore beaucoup de matière exploitable et c’est avec plaisir que je visionnerai la seconde saison qui semble se passer cette fois-ci à Jerusalem’s Lot.

C’est décidé ; ce sera ma prochaine destination de vacances ! 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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