Disparition de l'innocence

Fans de ciné, on se connaît depuis un moment maintenant, non ? Vous savez donc que le genre horrifique est l’un de mes domaines de prédilection. Vous êtes également au courant que le found footage est un style que j’apprécie particulièrement. Finalement, vous êtes au parfum que pour me choquer, il faut y aller. Eh bien, Megan is Missing a réussi là où d’autres ont échoué.

Rapide cours d’histoire ; nous sommes en 2006. Le réalisateur, Michael Goi débusque environ $ 35'000 pour produire et réaliser un film intitulé Megan is Missing. Ce métrage traite du sujet des cyberprédateurs et se base en partie sur la disparition d’Ashley Pond et Miranda Gaddis à Oregon City en 2002. Pourquoi auto-produire ce film ? Parce que Michael Goi est convaincu qu’aucune boîte de prod’ n’acceptera le contenu passablement violent. Le film est tourné en une semaine, majoritairement avec des acteurs novices, et peine à trouver un distributeur. Il faudra attendre 2011 pour qu’Anchor Bay Films ne lui donne une sortie en salle limitée.

Puis, fin 2020, c’est l’euphorie sur l’application TikTok. Le film devient viral et le visionnage se compte à plusieurs dizaines de millions. Cependant, au vu des commentaires laissés, le réalisateur décide de poster un message à l’intention des futurs spectateurs : « Ne regarder pas ce film au milieu de la nuit. Ne regardez pas ce film seul. Et si vous voyez les mots « Photo #1 » apparaître sur votre écran, vous avez environ quatre secondes pour éteindre le film si vous paniquez déjà avant de commencer à voir des choses que vous ne voulez peut-être pas voir ».

On connaît la musique, hein ? « Houlà, ça fait peur ! A ne pas regarder seul ! Vous allez avoir la pétoche de votre vie ! etc., etc. ». Alors, buzz pour faire de la vue ? Volonté d’essayer de nous foutre la trouille ? Qu’est-ce qui peut être si dérangeant dans un film comme celui-ci. Vous vous doutez bien que j’ai procédé au visionnage… et que fondamentalement, ça laisse une empreinte indélébile. Allez, courage ; on se lance dans la critique ! ATTENTION : cet article contient des spoilers dont le déroulement du film

Megan (Rachel Quinn) et Amy (Amber Perkins) sont meilleures amies bien que radicalement opposées. Megan est une jeune fille populaire, n’ayant pas peur des nouvelles expériences et possédant un passé trouble ; Amy est bien plus posée, vivant dans une famille aimante et s’avère être une jeune fille passablement timide. Mais tout va basculer le jour où Megan accepte de rencontrer un garçon qu’elle a connu sur Internet.

Bon, vu comme ça, ça a l’air passablement naze, non ? Le métrage est tourné sans équipement technique et avec des acteurs tout neufs voire inconnus, poussant ainsi le réalisme dans ses derniers retranchements. La qualité frisant le code, les éventuels manquements de la part des protagonistes sont donc totalement excusés au vu de la teneur du métrage.

Il faut cependant préciser que les deux actrices principales s’en tirent plutôt bien même s’il y a effectivement des débordements parfois abusifs ou des incohérences dans leur manière de jouer. Cependant, l’empathie fonctionne dans les deux cas. Megan, bien que pouvant adopter sans trop de mal le terme de « chaudasse », explique à un moment donné qu’elle a vécu passablement de violences venant de son beau-père et on constate qu’elle vit dans une famille dysfonctionnelle, ce qui accentue la compréhension du personnage ainsi que le capital sympathie. Pour Amy, cela se fait presque naturellement tant celle-ci semble exemptée de tout comportement décalé.

Le film nous présente donc la vie de ces deux adolescentes via les écrans d’ordinateurs ou de téléphones portables. A noter qu’il s’agit d’un des premiers films sur écran d’ordinateur (comme l’a fait plus tard, par exemple, Unfriended). On découvre donc le quotidien de ces deux filles, non sans avoir quelques scènes qui donnent envie de rager (le comportement d’un certain Gideon envers Amy lors d’une fête, la facilité avec laquelle un p’tit con du secteur peut obtenir des faveurs sexuelles, etc.). Mais en apprenant plus de choses sur les filles, on développe ce fameux sentiment empathique.

Puis, Megan se met à causer en ligne avec un certain Josh. Beau gosse, faisant du skate, étant à la fois cool et timide, le jeune homme se met la jeune fille dans la poche et lui propose un rendez-vous. A partir de ce jour-là, on ne reverra plus Megan, ce qui inquiète grandement Amy qui, malgré la réticence des « amies » de sa meilleure pote, va tout faire pour découvrir la vérité.

On suit donc son enquête entrecoupée de quelques extraits d’émission de télévision traitant du sujet des personnes disparues. Jusqu’ici, tout va bien ; le film se déroule simplement, même avec une certaine lassitude, nous présentant des dialogues assez hard mais sans réellement déborder dans le choquant outre-mesure.

Puis arrive la 56ème minute et la fameuse mention « Photo #1 » sur l’écran. Il est précisé que des images retrouvées sur un site fétichiste vont nous être présentées. Moi, confiant, je me dis que tout va bien se passer et qu’il s’agit sans doute de talons hauts ou un autre truc du genre. Eh bien, chers amis, rien, absolument RIEN ne peut vous préparer à ce qui arrive sur votre écran.

On y voit Megan, harnachée sur un instrument de torture, sa tête en gros plan. Puis apparaît « Photo #2 » et là, on s’attend à pire… et c’est pire, nous montrant cette horrible situation dans son intégralité.

A partir de là, le film prend un tout autre tournant, basculant dans le sombre absolu et le désespoir le plus total. L’enlèvement d’Amy, continuant d’enquêter sur la disparition de son amie, intervient peut après le passage des photos puis nous avons quelques images de l’enquête. Une caméra est retrouvée dans une poubelle… et c’est parti pour 22 minutes en enfer.

Cette dernière ligne droite du film nous montre ce qu’a subi Amy après son enlèvement, le tout soigneusement filmé par l’agresseur. Enfermée dans un cachot sordide, la jeune fille subit les pires outrages ; seau d’eau froide, humiliations, viol, torture psychologique ; rien n’est épargné.

Puis arrive les 11 dernières minutes… Il s’agit d’un long plan séquence où le type est en train de creuser un trou tandis que nous entendons Amy, enfermée dans un tonneau avec le corps de son amie, tenter par tous les moyens de le dissuader de faire ce qu’il est en train de faire. Mais c’est peine perdue. Le tonneau est balancé dans la tombe de fortune, méthodiquement rebouchée, laissant la voix de la jeune fille devenir de plus en plus inaudible. Le monstre repart, non sans vérifier que l’on n’entende pas l’agonie d’Amy.

Le film se termine sur une vidéo des deux jeunes filles avant leur disparition, discutant ensemble de leurs projets d’avenir, histoire de détendre (ou d’amplifier) un peu l’atmosphère.

Bon, premier constat ; ce film dénonce les cyberprédateurs sur Internet et la dangerosité de rencontrer réellement n’importe qui après avoir discuté avec sur le web. Aujourd’hui, l’information est largement diffusée et même si c’était déjà le cas en 2006 (lors du tournage), n’en reste que le métrage fait grandement office de prévention. Comme dans nombre de cas (circulation routière, violence conjugale, cruauté envers les animaux), choquer interpelle plus les gens que simplement passer un coup de pommade.

Ensuite, l’histoire nous montre que personne n’est à l’abri. Qu’il s’agisse de Megan, jeune fille délurée, avide de nouvelles expériences, ou Amy, catégoriquement sur les rails et cherchant juste à aider son amie, quitte à se confronter en ligne à son agresseur, absolument personne n’est à l’abri. Toutes deux arrivent au même et terrifiant terminus.

Le film a tout de même été interdit en Nouvelle-Zélande à cause de « l’hyper-sexualisation des jeunes filles et de scènes profondément choquantes ». Eh oui, le cadre réaliste de Megan is Missing n’épargne pas ceux qui le visionnent, principalement au moment de l’apparition des photos, véritable tournant du métrage qui nous fait prendre conscience que pour Megan, c’est foutu. Ce passage marque la destruction de l’espoir et le début de la lente et terrifiante agonie d’Amy, faisant basculer le métrage dans de l’horreur pure, le tout en mode caméra réalité.

S’agit-il cependant d’un bon film ? Bien qu’il dénonce quelque chose d’utile et que côté atrocités on en a pour notre compte, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un métrage exceptionnel, si ce n’est par sa cruauté. Les thèmes abordés sont intéressants et malheureusement parfois un peu borderline. Mais ce métrage a réussi à me coller à vie des images terrifiantes dans la tronche et pour ça, on peut effectivement le considérer comme une production qui a atteint son but.

Bon, OK, ce n’est pas non plus Thanatomorphose, hein, il ne faut pas déconner. Cependant, en utilisant des techniques moindres, en faisant jouer des acteurs pratiquement inconnus et en parlant d’un sujet qui est encore malheureusement d’actualité, ce métrage combine tout ce qu’il faut pour nous terrifier par sa simplicité, sa mise en scène et sa dernière partie insoutenable.

Me remettant gentiment du visionnage, je conseille vivement à toutes les âmes sensibles (même si vous êtes amateur horrifique) de ne pas visionner ce métrage à la légère. Sujet brutal, empathie envers les personnages qui nous transporte dans un puissant désespoir sur la fin, images crues et inattendues, Megan is Missing peut ne pas être excellent mais une chose est sûre ; il ne laisse pas indifférent.

Bon, je vais me refaire l’intégrale de The Big Bang Theory pour conjurer tout ça. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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