C'est le brouillard...

En 1980, la nouvelle Brume, écrite par Stephen King, apparaît dans l’anthologie de Kirby McCauley, Dark Forces. En 1985, elle ressort dans un recueil titré Brume et écrit par Stephen King. En 2007, Frank Darabont réalise le film The Mist, terriblement bien fichu. En 2017, Christian Torpe, un scénariste danois, se lance dans la création pour la télévision de la série. Cependant, il s’agira ici d’une adaptation libre de l’histoire de Stephen King et non d’un allongement du film. Etait-ce une bonne idée de ressortir le brouillard de sa boîte ? Le fait d’avoir une histoire moins fidèle peut-il bonifier l’œuvre ? Est-ce que les phares anti-brouillard écartent, réellement, le brouillard ? Quelques réponses et d’autres questions dans ce qui suit. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Kevin Copeland a quelques litiges avec sa femme, Eve, sur l’éducation de leur fille, Alex. Celle-ci se rend à une soirée durant laquelle elle se fait violer. Son meilleur ami, Adrian, témoin du drame, dit qu’il s’agit du quaterback des environs, Jay. Seulement, Jay est le fiston du shérif Connor. Bref, les choses ne sont vraiment pas évidentes, et le brouillard qui descend sur la ville n’aidera en rien à ce qu’elles s’améliorent. Dans cette brume étrange se cachent des créatures n’hésitant pas à attaquer tous ceux qui s’y aventurent. En ville, dans différents lieux, les survivants tentent de trouver des solutions. 

Kevin Copeland (Morgan Spector) est le père de famille permissif mais déterminé. Tout d’abord planqué dans une église avec d’autres survivants, il va partir à la recherche de sa femme et sa fille, piégées dans le centre commercial. Un peu lisse en surface, n’explosant que rarement (sauf sur la fin), il reste un rôle central intéressant. Son épouse, Eve (Alyssa Sutherland) est une mère hyperprotectrice, étant prête à tout pour que sa fille n’en bave définitivement plus après le terrible drame qu’elle a vécu. C’était sans compter sur la brume qui va les confiner, mère et fille, dans un centre commercial rempli de badauds en pétard. De nouvelles occasions pour Eve de montrer son leadership et son indépendance, au détriment, parfois, d’une certaine cohérence. Sa fille, Alex (Gus Birney) interprète bien l’adolescente paumée, qui doit se reconstruire après un événement dramatique. Personnage jouant relativement souvent la girouette (sa relation avec Jay), on s’y attache malgré tout.

La famille Copeland, c’est fait. Passons maintenant à Mia Lambert (Danica Curcic). Jeune femme prise dans l’enfer de la drogue, elle se fait surprendre par la brume et se retrouve à devoir squatter l’église. Eprise de liberté et possédant un passé des plus sombres, l’interprétation de ce personnage est, sans doute, l’une des meilleures de cette série. Elle finira par faire confiance à Jonah (Okezie Morro), militaire amnésique, poussant même jusqu’à une petite idylle. Le coup du type qui ne se souvient de rien, on nous l’a déjà fait un certain nombre de fois et ici… ça ne diffère pas des autres. Le jeune Jay (Luke Cosgrove) a une sérieuse tête à claque, mais deviendra de plus en plus sympathique au fil des épisodes. Violeur présumé d’Alex, les apparences sont parfois cruellement trompeuses. Son père, Connor (Darren Pettie), shérif de son état, est froid, procédurier et radical dans ses décisions. Avec Mia, sans doute le meilleur personnage de The Mist, se faisant lentement mais sûrement embobiner par Nathalie Raven (Frances Conroy). L’actrice reste excellente dans ce rôle de la femme légèrement hippie, communiquant avec la brume et allant même jusqu’à la vénérer. Adrian (Russell Posner) est le meilleur ami gay d’Alex. Avec son comportement introverti et son calme à toute épreuve, il va révéler une nouvelle facette de son personnage en fin de saison, permettant de conclure sur une bonne note la liste des acteurs principaux.

Dans les acteurs secondaires, l’on peut citer ; le Père Romanov (Dan Butler) et son battle de foi incroyable ; Vic (Erik Knudsen), gamer absolu et survivant acharné ; Kyle (Romaine Waite), un gardien de la sécurité un petit peu trop prompt à faire régner la sécurité ; Shelley (Alexandra Ordolis), une mère en colère qui a perdu sa fille dans le supermarché ; Tyler (Christopher Gray) qui cherche son orientation sexuelle à une lettre près ; Gus Bradley (Isiah Whitlock Jr.), le directeur organisé du centre commercial (surtout au niveau de la bouffe) et attachant ; et Link (Dylan Authors), sans Zelda, mais avec une fougue religieuse presque flippante.

Beaucoup de comportements inégaux chez les différents acteurs. Comme mentionné, deux personnages sortent du lot ; Mia et ses soucis de passé et d’addiction, et Connor, shérif rude et sans cœur devenant un symbole humain du changement opéré chez les survivants à cause de la brume. Les interprétations sont pas mal, ce n’est pas la question. C’est simplement que l’écriture des personnages tend à les faire souvent changer d’avis, pour des raisons totalement obscures (voire brumeuses…) et ainsi à intensifier le rythme mais au détriment d’une certaine cohérence. Dans l’ensemble, il faut avouer que les acteurs se débrouillent majoritairement bien et surtout, leur évolution (malgré ces changements brusques de comportement) est fichtrement intéressante.

Et cette brume, dans tout ça ? Il s’agit de l’élément scénaristique central… mais pas principal ! Là où le film de Frank Darabont faisait de cette masse brouillardeuse un personnage pratiquement à part entière, ici, les émanations brumeuses ne seront qu’une excuse, forçant les habitants à se cloîtrer dans des lieux symboliques dans le but d’y évoluer, devenant des exemples de gentillesse et d’humilité… ou se bornant à servir leurs intérêts et faire parler leurs plus bas instincts.

Car dans The Mist, beaucoup de choses sont affaires de symbolique. Les survivants dans l’église se retrouvent avec un prêtre en perte de vitesse (le Père Romanov) et une récente veuve émerveillée par la brume (Nathalie Raven). Les deux personnages vont alors se livrer une bataille faite de coups fourrés et de punchlines pour tenter de « sauver des âmes » et surtout d’engranger des adeptes. Tout ça se finira de manière magistrale avec leur sortie de l’église pour voir lequel des deux sera sauvé. Ils sortiront avec leur propre style : le Père Romanov paré de ses plus beaux atours et Madame Raven dans le plus simple appareil. Et là, devinez qui va retourner bien vivant dans l’église ?

La critique de la religion était partie prenante de la nouvelle de Stephen King et du film de Frank Darabont, notamment avec la présence de Madame Carmody, jouant les gourous du moment en reliant à sa cause des fidèles et en voyant dans la brume un acte divin. Ici, la brume sera surtout une image de la violence de la nature, s’abattant sur les humains pour les punir de faire du mal à la Terre. En ces temps troubles au niveau du climat, la fable écologique semble donc s’immiscer dans toutes les parcelles audiovisuelles. Ce changement radical d’origine de la brume (bien que l’on ne saura jamais ce qu’il en était vraiment) est appréciable bien que peu original. Cela donnera cependant droit à quelques dialogues et scènes bien senties, le brouillard projetant nos peurs les plus profondes pour en finir avec nous.

Toujours dans la symbolique : le centre commercial. Lieu pilier de la nouvelle et du film, il s’agit ici d’un temple de la consommation, d’un endroit où les achats permettent de satisfaire nos désirs culinaires ou matériels. De manière ironique, les problèmes de nourriture ne vont pas tarder à apparaître et amener une tension malsaine entre les survivants présents dans la bâtisse. Rappelez-vous ; ce n’est pas  parce que vous vous réfugiez dans un centre commercial que vous êtes nécessairement en sécurité.

Loin d’être débile, le scénario utilise la brume pour jouer avec ses personnages et les faire évoluer dans différentes directions. La femme joviale et hippie sur les bords qui plonge de manière dévote dans un combat contre ceux qui ne sont pas dignes de la nature ; le papa sympa et parfois un peu je-m’en-foutiste se transformant en un fou furieux vengeur ; le shérif rigide finissant par s’en aller sacrifier son propre fils en pleurant comme une madeleine. Tout cela donne un très bon ton à la série.

Le côté horrifique est présent principalement dans l’ambiance générale, sans être totalement visuel. Oui, nous aurons quelques bestioles pas forcément très sympathiques (des insectes qui utilisent un corps humain comme échangeur d’autoroute, une nuée de sangsues pleuvant dans un couloir) et des apparitions pas franchement rassurantes (la mère de Mia et le coup des portes qui reviennent sur leurs pas, les cavaliers de l’Apocalypse arrivant clopin-clopant). Mais, dans l’ensemble, c’est sur l’horreur des situations que tout va se jouer. La brume qui s’infiltre dans une librairie alors qu’Alex raconte une histoire à une petite fille, une opération à haut risque à faire dans un hôpital dévasté, une tension religieuse palpable dans l’église, et tout cela n’ira pas en s’améliorant. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, les personnages deviennent plus forts, plus tordus et plus viscéraux.

Outre cela, les effets spéciaux sont relativement bien faits, mais on attendait peut-être un peu plus de situations comme dans le film. On se souvient, avec nostalgie, de l’escapade des survivants dans une pharmacie proche du centre commercial et on s’attend à avoir ce genre de scène dans la série. Il y aura effectivement d’autres lieux visités, mais rien qui ressemblera à l’horreur vécue par les personnages du film. La plupart du temps, nous ne verrons que l’état des malheureux qui se sont rendus dans la brume. Bon, il faut dire que rien que ça, ça ne nous donne pas envie d’aller y faire une exploration.

C’est donc surpris, arrivés dans les deux derniers épisodes, que l’on se demande pourquoi on ne pourrait pas continuer, afin de voir jusqu’où les personnages auraient pu aller avant de devenir des maîtres du mal certifiés. Entre les véritables causes du viol d’Alex, le monstre qui s’en prend aux survivants sortants du centre commercial et des hommes armés qui font des trucs pas très sympatoches avec ce qu’ils convoient dans un train, on sera servis.

Mais avec seulement 10 épisodes de 45 minutes et aucune suite possible… on en ressort un peu groggy, comme si on venait de voir un truc franchement bizarre et que l’on avait envie d’en connaître la suite, malgré tout. Dommage pour nous, la série a été annulée et aucune suite ne sera diffusée. Il faudra donc en rester avec plusieurs interrogations et se forger nos propres petites théories. 

The Mist est une série en demi-teinte car s’étalant sur une unique saison. Les personnages sont intéressants, bien joués et possèdent (majoritairement) une histoire à creuser. Seulement, leurs réactions sont parfois étranges et ça fiche un coup au rythme. Le fait de commencer à regarder cette série en sachant pertinemment qu’elle se termine dans un vide scénaristique, ça n’aide pas. Je dirais que les fans de la nouvelle et du film de Frank Darabont vont être cruellement déçus, car il faut voir The Mist comme une revisite totale de l’histoire et non pas un remake. Conseillé à tous les amateurs de série horrifique qui sont prêts à prendre du temps pour une seule saison sans fin concrète.

En même temps, quand on avance à tâtons dans le brouillard…  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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