De l'action clonée

Les films d’actions mêlés à de la science-fiction fonctionnent généralement bien. Si on caste Will Smith dans le rôle principal, connaissant sa filmographie (Independence Day, I, Robot), on se dit que ça ne peut que fonctionner. Pour emballer le tout, on engage Ang Lee à la réalisation (Tigre et Dragon, Hulk, L’Odyssée de Pi) et là, ça devrait techniquement passer. Devant initialement être produit en 1997, Gemini Man a vécu ce que l’on pourrait clairement appeler l’enfer du développement. Manque de moyens techniques, changement fréquent de réalisateur, d’acteur principal et de concept, l’histoire a mis plus de vingt ans avant de voir le jour, sortant sur les écrans en 2019. Cela se ressent-il lors du visionnage ? L’action futuriste est-elle toujours valable ? Will Smith s’est-il pris un coup de jeune ? On recompte nos chromosomes et on se lance dans la critique.

Henry Brogen (Will Smith) est un tueur à gages qui excelle dans son domaine, particulièrement comme sniper. Après un dernier coup magistral, il décide de prendre sa retraite. Mais les jours de calme sont de courte durée ; un mystérieux assassin, lui ressemblant étrangement, se lance à sa poursuite. Pour s’en sortir, il devra compter sur l’aide de Danny (Mary Elizabeth Winstead), agent de la DIA, et sur la confiance de son ancien compagnon d’armes, Baron (Benedict Wong).

Il faut avouer que le casting n’est pas mal du tout, Will Smith en tête de liste qui ne joue pas un… mais deux personnages ! Grâce à la technique du rajeunissement numérique (j’y reviendrai), notre action-man peut dès lors jouer sur les deux tableaux. Prestation impeccable, d’un côté comme de l’autre, interprétant sur un ton juste le tueur à gages vieillissant et le jeune assassin ambitieux quoiqu’émotionnellement instable.

A ses côtés, Mary Elizabeth Winstead jouant un agent de la DIA particulièrement bien entraîné, et Benedict Wong en pilote professionnel qui s’est éloigné depuis longtemps des combats. Là encore, bonnes interprétations pour des personnages parvenant habilement à nous apporter une certaine empathie. Sobre mais efficace pourrait-on dire. 

Et il y a Clay Verris, interprété par un Clive Owen en demi-teinte. Méchant du film, on ne l’aime pas, on ne le déteste pas… pour faire court, on s’en fiche un peu. Ses intentions sont ambiguës, peu claires et il ne possède étonnamment pas l’étoffe d’une crevure que l’on pourrait qualifier de méchant principal. Que dire de Linda Emond jouant Janet Lassiter, directrice de la DIA ? Là encore, pas vraiment de conviction.

On peut cependant se concentrer sur la performance de Will Smith dans les rôles principaux (si j’ose dire). La technique du rajeunissement numérique implique une fonction à 120 images secondes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que dans Gemini Man, ça fonctionne ! Le résultat est bluffant, même si l’on peut râler sur quelques scènes, notamment le combat entre les deux hommes dans les catacombes où l’utilisation de cette technologie se voit à des kilomètres. Mais dans l’ensemble, on est conquis par le résultat.

Si vous appréhendez Gemini Man comme un film d’action… vous n’allez pas être déçu ! La poursuite à grand renfort de motos, les fusillades intempestives, la scène finale incluant un combat à mains nues avec un soldat masqué particulièrement balèze, on ne s’ennuie pas à ce niveau-là. L’adrénaline monte et on prend un véritable plaisir à assister à ce spectacle explosif. En même temps, vu que Jerry Bruckheimer est dans le coup, ça s’explique grandement.

Qu’est-ce qui cloche alors avec ce film ? Eh bien… son scénario. Nous nous retrouvons ici avec des bases ultra-conventionnelles (qui auraient pu l’être moins en 1997…) et une intrigue principale à trois francs – six sous. Le combat entre deux personnes identiques a été maintes fois utilisées au cinéma (Replicant, Looper, The One) et se retrouve ici avec ses bases ultimes ; le clonage. Dès lors, le problème majeur que l’on peut constater dans le film au vu de son développement longuet est la moindre pertinence de son propos.

Au-delà de ça, même si le comportement des personnages d’Henry et de Junior vient mettre du baume à notre petit cœur d’homme ou de femme d’action, n’en reste que l’histoire reste plate et convenue, ne prenant jamais réellement de parti quant à la situation. L’idée du clonage est balayée en quelques phrases sans une remise en question viscérale de l’accomplissement d’un tel acte et la problématique reste un souci de surface.

Pire ; la finalisation du métrage se fait sur un ton extrêmement doucereux, trop pour être réellement honnête. Alors oui, c’est chouette de voir que les choses s’arrangent et que la vie peut continuer malgré tout, mais tout à fait honnêtement, on attendait sans doute un peu plus de prise de risque au niveau de l’histoire pour parvenir à être concrètement conquis. Surtout que la seule mort prenante du film nous est balancée en pleine tronche sans aucune once d’émotion. On peut aussi ajouter l’effet girouette extrêmement rapide du jeune Junior qui désaxera les plus féroces spectateurs.

Le film traite pourtant certains sujets intéressants comme la recherche de la rédemption, les remords, les regrets et l’impossibilité humaine de faire machine arrière pour changer les choses. C’est là que la relation entre le personnage d’Henry et celui de Junior fait particulièrement mouche ; le premier voit dans le second une chance de rédemption. Je ne parle pas en détail des symboliques qu’il est possible de trouver dans le métrage, notamment sur la réalité de la nature humaine ou les conséquences de l’absence d’une figure paternelle.  

Film d’action ? Sans aucun doute. Film bien construit ? Non. Du coup, Gemini Man se divise un peu en deux parties. D’un côté, il permet de voir une prestation impeccable de Will Smith, des effets spéciaux bien fichus et des scènes d’action prenantes. Mais pour accéder à cela, il faudra supporter une histoire platounette, des méchants qui n’en sont pas vraiment et une trame peu construite. Dans l’absolu, les fans de science-fiction qui bouge devraient pouvoir être satisfaits. Pour les autres, un nouveau visionnage de Looper ne fera pas de mal.

Vous aussi vous n’avez plus 20 ans ?  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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