Vous voulez jouer avec lui ?

Ah, les poupées ! Elles sont un vecteur de trouille non négligeable dans les films d’horreur. En 1988, Tom Holland (le réalisateur, pas l’acteur) est aux commandes d’un métrage scénarisé par Don Mancini, John Lafia et lui-même ; Jeu d’enfant (Child’s Play). Suivant de près le Dolls de Stuart Gordon (1988), l’histoire est ici celle de l’âme d’un tueur en série se retrouvant dans un poupon de dessin animés pour enfants « Brave Gars ». Est-ce que la peur est au rendez-vous ? La poupée se nommant Chucky va-t-elle devenir célèbre ? Que penser des entreprises créatrices de jouets cotées en Bourse ? On enfile nos salopettes et on se met en quête de réponses. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Andy Barclay fête ses six ans. Gentil petit garçon, attentionné envers sa mère, cette dernière (limite au niveau thunes) ne peut pas lui offrir une poupée « Brave Gars » pour son anniversaire, cadeau que le petit souhaite plus que tout. Manquant cruellement de moyens, désespérée et souhaitant faire plaisir à son fils, Karen accepte d’acheter l’un de ces poupons à un clochard au détour d’une ruelle. Manque de bol, la poupée est habitée par l’âme d’un tueur en série fraîchement décédé, Charles Lee Ray. Pour sortir de ce corps de plastique, il doit transférer son âme dans la première personne  au courant de son secret et le gagnant… c’est Andy. 

Qu’est-ce qu’une maman ne ferait pas pour son fiston, allant même jusqu’à lui acheter le jouet de ses rêves dans le caddie d’un clochard de passage. C’est ce que fait Karen (Catherine Hicks), mère dévouée, aimante et désirant combler son enfant qu’elle aime plus que tout. L’actrice nous offre une excellente prestation, avec un personnage déterminé et déterminant. L’incrédule détective Mike Norris (Chris Sarandon) est tout d’abord celui qui est parvenu à mettre un terme (temporaire) aux agissements monstrueux du tueur en série avant que celui-ci ne devienne une poupée. Personnage intéressant, n’entrant pas dans le délire de la famille Barclay dans un premier temps, et devenant une force de frappe importante par la suite, il est confronté à l’un des tueurs les plus tenaces qui n’ait jamais existé. Il a déjà rencontré Tom Holland sur le tournage de Vampire, vous avez dit vampire ? où il tenait le rôle principal. Andy Barclay (Alex Vincent) est un enfant tout ce qu’il y a de plus normal… et de plus crédible. Accusant la poupée d’un tas d’horreur, les adultes ont sans doute oublié que la vérité sort bien souvent de la bouche des bambins. Une prestation impeccable et surtout, de nouvelles apparitions à venir (dans le 2ème opus et dans les suites de 2013 et 2017).

Et bien entendu, l’icône de la poupée « Brave Gars », l’effigie de Chucky, celui qui lui prête sa voix dans le film (et dans tous les suivants) ; Brad Dourif. Avec sa gueule incroyable, sa voix distinctive, sa filmographie de fou et sa capacité à se mettre dans la peau des personnages qu’il incarne à l’écran, imaginez ici ce que cela donne avec… une poupée ! Apparaissant quelques minutes au début du métrage, il donnera ensuite de la voix au tueur miniature pour le reste du film, nous délectant de son rire et de ses répliques.

Remettons les choses dans leur contexte. Nous sommes en 1988. Une année avant est sorti le film Dolls, de Stuart Gordon, mettant également en scène des poupées peu avenantes. Avec Jeu d’enfant, Tom Holland veut en mettre plein les mirettes tout en conservant une tension tout le long du récit. Il s’agit donc de travailler principalement sur les personnages et l’ambiance afin que tout soit bien mis en place. Et puis, il faut bien continuer sur la vague des croque-mitaines qui traînent sur les écrans depuis la fin des années 70, non ? En réalisant ce film, Tom Holland ne se doutait pas qu’il allait non seulement lancer une saga qui durerait encore 30 ans après, et donner vie au plus petit des grands croque-mitaines du cinéma d’horreur. Tenez-vous bien Freddy Krueger, Jason Voorhees, Michael Myers et autres, un petit nouveau débarque !

Le scénario entremêle pas mal de choses pour donner un contenu cohérent. L’idée de mélanger un tueur en série, du vaudou et une poupée permet alors d’avoir un film complet, innovant et intelligent. Evitant de s’approcher des cas de possession de poupées par des esprits malintentionnés, le scénario permet une humanisation de Chucky qui est fortement bienvenue, faisant de lui un personnage à part entière et non pas une entité aux vagues desseins.  

Le film démarre en trombe avec l’explication complète sur le pourquoi du comment une poupée en vient à tuer des gens ; grâce à l’âme d’un tueur en série, pardi ! Terré dans un magasin de jouets, blessé et se sentant mourir, le tueur Charles Lee Ray décide de transférer son âme dans le corps d’une poupée à la mode au moyen d’une incantation vaudou. Il va pouvoir, dès lors, continuer sa sinistre besogne et se mettre en quête d’un nouveau corps.

A partir de là, nous allons découvrir la famille Barclay et ses débâcles financières. Enfant unique, n’ayant apparemment pas des masses de petits camarades de jeu, Andy souhaite plus que tout avoir une poupée « Brave Gars ». Un ami pour la vie, qu’ils disent dans la publicité. Une chose est sûre, avec un ami comme Chucky… on n’a pas besoin d’ennemi. C’est donc par l’intermédiaire de la maman que la poupée arrivera dans la famille et se lancera dans une nouvelle série de meurtre en commençant pas la pauvre baby-sitter d’un soir du jeune Andy.

Sur toute la durée du métrage, le rythme est tenu. Alternant habilement entre moments d’angoisse et enquête policière, le film se déroule sous nos yeux avec très peu de temps morts, jouant sur la tension et le hors-champ. Quoi de plus flippant que de voir une poupée tuer quelqu’un ? S’imaginer une poupée tuer quelqu’un et ça, Tom Holland l’a bien compris. Il faudra attendre la moitié du métrage pour que Chucky se montre sous son vrai jour au spectateur. Un grand moment de frayeur et de cinéma !

Et puis, c’est qu’il envoie du steak, ce p’tit gars ! Doté d’un humour noir comme la plus sombre des nuits, aimant clairement prendre la vie aux personnes autour de lui, il incarne un méchant intelligent, stratégique, se laissant pourtant aller à quelques crises de colère. Rien qu’en repensant à la scène de la cheminée en fin de métrage, ça colle des frissons. Nous avons, dans cette séquence, une parfaite illustration d’une poupée pétant une case, coincée dans l’âtre par une grille de cheminée. Pour la petite histoire, le nom du tueur en série du film, Charles Lee Ray, est basé sur le nom de trois tueurs ayant réellement existé : Charles Manson, Lee Harvey Oswald et James Earl Ray. 

Et le poupon, il nous met carrément les miches ! Basé sur le design d’une poupée appelée « My Buddy », ses cheveux roux, son pull rayé et sa salopette sympa nous mettent déjà dans un certain mal-être. Que dire lorsque cette représentation humaine miniature aux yeux bleus s’arme d’un couteau et avance gentiment vers sa victime ; de la tension comme on l’aime ! Il faut préciser que les effets spéciaux concernant la poupée ont bien vieillis, ce qui n’est pas le cas de quelques autres effets en cours de métrage (je pense notamment à la scène de transfert du début).

Tom Holland sait donc diriger ses acteurs et maîtrise la tension, faisant de Jeu d’enfant un véritable thriller horrifique maniant l’enquête policière et le surnaturel pur jus avec brio. Peu de choses à redire sur ce film, démarrant une saga qui n’aura de cesse de grandir au cours des années, avec plus ou moins de succès. En visionnant Jeu d’enfant, on assiste donc à l’avènement d’un méchant coloré, doté d’une personnalité bien à lui et possédant une détermination sans bornes.

Le film se suit donc sans mal, avec un rythme bien à lui et laissant Chucky arpenter l’arrière-plan pour nous offrir plus de frayeurs. On sursaute quelques fois, on est tendu devant les avancées lentes et menaçantes de la poupée, et on appréciera l’effort effectué pour nous offrir un vrai film d’horreur avec une tension, une histoire et un contexte. Revoir comment l’on procédait pour la mise en place d’un métrage horrifique d’il y a quelques années, ça fait franchement du bien… et ça change de beaucoup de ce que l’on peut voir aujourd’hui.  

Tout cela pour arriver à un final haletant, prenant place dans un petit appartement. Huis-clos tendu, rempli de rebondissements et de surprises, on assiste aux assauts répétés des protagonistes sur la poupée pour tenter d’en finir avec elle. Pratiquement increvable, il faudra s’y reprendre à plusieurs fois avant de finalement pouvoir l’occire… mais pour combien de temps ? Enfin, on dira que pour entrer dans le panthéon des monstres absolus du cinéma d’horreur, il faut quand même faire preuve d’une certaine résistance, non ?

Dans son film, Tom Holland émet également quelques critiques ; celle de la société de consommation d’une part (tiens, Gremlins et d’autres ont aussi fait ça dans les années 80… n’y aurait-il pas quelque chose à comprendre ?) mais également sur l’innocence apparente des produits vendus. Plus présente dans le second et troisième opus, cette critique à pour but de casser les code de l’enfance innocente, des jouets beaux et gentils. Chucky est mignon… tant qu’il reste dans son emballage. Une manière de préparer le petit Andy à une vie de labeur où il faut se battre pour survivre. Au moins, avec une poupée comme ça, il est paré pour la suite !

Pépite des années 80 pour tous les amateurs d’horreur, fortement déconseillé aux automatonophobes, Jeu d’enfant nous replonge dans le monde merveilleux de notre jeunesse, où l’insouciance et les nouveaux amis étaient nos directives prioritaires. Critique dans son œuvre, professionnel dans son travail et attentionné sur son produit final, Tom Holland a réussi à nous vendre la poupée « Brave Gars » alors que cette dernière était dotée d’une légère tendance au meurtre. Bravo Monsieur Holland !

« Ade due damballa »

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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