L'inspiration m'use

Dans le domaine du thriller horrifique, Jaume Balagueró s’impose comme étant un bon réalisateur. Avec des films comme Darkness (2002), Fragile (2005) ou encore le puissant [REC] (2007), on ne doute pas de son intégrité au genre. Mais des films comme [REC] 4 : Apocalypse nous montrent qu’il peut y avoir parfois des dérapages. Qu’en est-il de ce métrage causant des célèbres Muses et adapté du roman La Dame n° 13 (2003), de José Carlos Somoza, écrivain et psychiatre de son état ? L’inspiration va-t-elle venir ? Le scénario va-t-il tenir ? Le spectateur va-t-il sévir ? Un réalisateur-scénariste comme Balagueró basant son film sur un livre d’un écrivain comme José Carlos Somoza, tout devrait bien se passer, mais… ATTENTION : cet article contient des spoilers

Samuel Solomon (Elliot Cowan), professeur de littérature, initie ses étudiants à la poésie et a une relation soutenue avec l’une de ses élèves, Beatriz (Manuela Vellés). Après un terrible drame dont il peine à se remettre, il fait chaque nuit le même cauchemar ; une jeune femme entre dans une maison et se fait brutalement assassiner durant un rituel étrange. Lorsqu’on retrouve le cadavre de la jeune femme dans la réalité, Samuel s’allie avec Rachel (Ana Ularu), ayant fait le même cauchemar que lui, pour tenter de découvrir la vérité… aussi terrible soit-elle.

Après pas mal de séries (notamment Da Vinci’s Demons) et quelques films, Elliot Cowan se retrouve en tête du métrage. Professeur désabusé après la mort violente de sa petite amie, il est en quête d’une vie sans la douleur de cette perte et voit, dans cette enquête surnaturelle, un moyen de trouver des réponses. Il en est de même pour Ana Ularu, au passé mystérieux, recherchant les bribes de sa mémoire. Franka Potente est Susan, collègue de Samuel, le soutenant et tentant de lui faire tourner la page. La terrible Jacqueline, Muse à plein temps, est jouée par Joanne Whalley, et nous fait part de son intransigeance. Et puis, il y a Christopher Lloyd interprétant Bernard Rauschen, un littéraire ayant déjà été confronté aux Muses.

Tout ce petit monde fait ce qu’il a à faire, gravitant autour de l’histoire principale et s’entremêlant à cette dernière. Chaque personnage est une pièce de l’échiquier et la partie qui va se jouer contre les Dames ne sera pas des plus agréables. Les différentes interprétations sont donc correctes. Elles n’entrent pas dans la catégorie « Oh purée ! C’est génial et ça mérite au moins une vingtaine d’Oscars », mais c’est dans le tir de ce que l’on peut attendre.

Il faut le dire ; le film démarre fort. L’introduction nous présentant le professeur Solomon, sa petite vie pépère et sa copine qui assiste à ses cours, nous met dans le bain (je ne fais aucun jeu de mots). C’est avec une scène saisissante, glaçante et dérangeante de réalisme que nous terminons cette intro. Le désespoir, l’horreur de la situation, l’incompréhension, tout s’y trouve pour nous engager sur la route de la terrible mise en garde mentionnée par Beatriz en début de film ; « Abandonnez tout espoir ».

Et puis, on continue ensuite le métrage, découvrant le cauchemar de Samuel et le changement radical de son rythme de vie. A partir de là, on part dans le conventionnel, avec la rencontre entre lui et Rachel, l’enquête menée par eux deux, la découverte des Muses, les explications de Rauschen, la confrontation finale, le tout parsemé de quelques apparitions des Dames pour nous garder en alerte. Usant jusqu’à la corde un scénario cousu de fil blanc, l’histoire ne décolle pas beaucoup et ne nous inspire pas une vénération scénaristique exacerbée. Heureusement, on a un peu baissé le quota des antagonistes pour ne pas trop étoffer le métrage.

Car ce ne sont pas treize femmes surnaturelles que nous avons dans Muse, mais sept ; celle qui devine, celle qui invite, celle qui invoque, celle qui punit, celle qui ment, celle qui passionne, celle qui se cache. Je vous laisse la surprise de découvrir leurs différentes personnalités, sachant que plusieurs bonnes idées (inspirations ?) émanent des Muses présentes dans le film.  

Tout d’abord, le fait de leur donner un visage humain. Certes, cela nous change du train-train quotidien des monstres lambda du cinéma d’horreur, mais apporte une dimension différente au métrage. Car le pouvoir des Dames, c’est de manipuler par la poésie, de faire des mots un moyen d’entrer dans notre monde… et de le contrôler. C’est donc à grand renforts de vers en tout genre que le film avance, nous donnant même quelques frissons quant aux pouvoirs des Muses (un personnage qui veut se dévorer lui-même, frénésie meurtrière soudaine, etc.).

Pourtant, ce ne sont pas les quelques apparitions sympathiques des Dames qui remontent le scénario linéaire du film, arpentant la route traditionnelle des métrages horrifiques de ces dernières années. Les idées, sur le chemin, restent excellentes (les Muses, la séquence finale, le contexte global du film) et l’image est digne de Balagueró, car il sait comment conduire une caméra. Mais cela suffit-il à aimer le film ?

Eh bien même si Muse ne laissera pas un souvenir impérissable, on se surprend à se dire que c’est plein de bonnes idées et que malgré un scénario sympathique sur la forme mais déjà-vu sur le fond, on ne s’endort pas. Les rebondissements sont présents et même peu identifiables de prime abord (franchement, vous l’avez vu venir depuis le début, vous ?).

Sans entrer dans un véritable film horrifique, ou même un thriller jouant sur une tension intense à chaque scène, quelques séquences viendront titiller nos rétines avant de repartir de plus belle dans un segment d’enquête aux révélations qui iront crescendo. Muse, c’est avant tout une figure de style ou comment réussir à combiner les Dames, la poésie, un drame de vie et un passé trouble dans le même métrage. Quand il s’agit d’effectuer des cocktails cinématographiques, Balagueró n’est pas le dernier. Rappelez-vous [REC] et ses zombies-possédés sous couvert d’une critique de la société.  

Sans faire exploser de joie notre palpitant, ni même réellement l’affoler, Muse est un petit thriller surnaturel du vendredi soir, à mater avec une canette de soda et un paquet de chips. Le dimanche, le souvenir de ce film sera certainement diffus, mais vous allez sans doute passer un moment sympatoche durant le visionnage. Conseillé aux poètes en herbe et aux fous de thrillers, laissez-vous inspirer par ce film… et parvenez à retrouver toutes les références poétiques présentes dans ce dernier.

« Je suis heureux. C’est beau, de l’air. J’ai mis mon tricot de couleur vert laine et il ne pèse pas mille tonnes. Pour te faire plaisir, j’ai cuisiné des pâtes. Dans tes Alighieri, j’ai mis des épices pour que tu aies le rein beau ».

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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