Hill House, quand tu nous tiens

Il fait partie de mes réalisateurs favoris. Mike Flanagan (Oculus, Hush, Ouija : les origines) manie merveilleusement la caméra dans ses réalisations, permettant une immersion adéquate dans le monde horrifique tout en conservant un réalisme humain intransigeant. Quand j’apprends (merci Sylvie !) qu’il vient de créer une série horrifique ayant pour nom The Haunting et qu’il en réalise tous les épisodes, j’ai bondi devant mon téléviseur en me disant que 2019 avait peut-être finalement de bonnes surprises. Sortez vos veilleuses et ne vous endormez pas tout de suite ; nous allons visiter Hill House. ATTENTION : cet article contient des spoilers

En 1992, la famille Crain achète un ancien manoir, Hill House, dans le but de le rénover puis de le revendre. Les semaines passent, le comportement de la mère de famille, Olivia (Carla Gugino), devient de plus en plus inquiétant, jusqu’à cette nuit sordide où Hugh (Henry Thomas), le père, embarque ses cinq enfants loin de la maison. Olivia décède dans d’étranges circonstances.

En 2018, cette famille brisée se retrouve dans de funestes circonstances et prennent alors conscience qu’ils ont peut-être quitté Hill House il y a 26 ans… mais la maison, elle, ne les a jamais vraiment laissé partir. Ils se mettent alors tous en quête de la vérité afin de faire la lumière sur les événements étranges qui sont survenus pendant leur séjour là-bas… et qui continuent encore aujourd’hui.

« Une histoire de maison hantée ? C’est has been ! » allez-vous me dire. Eh bien, il faut tout d’abord savoir que la série The Haunting est une anthologie. Les différentes saisons vont donc parler, à chaque fois, d’une nouvelle histoire de hantise. Pour celle-ci, le scénario est librement adapté du roman de Shirley Jackson paru en 1959 et intitulé The Haunting of Hill House. Quand on apprend que le récit fait partie d’une des meilleures histoires de maisons hantées de la littérature, on commence à se frotter les mains.

Cette première saison se démarque sur un certain nombre de points à commencer par sa non-linéarité. Nous allons régulièrement passer de 1992 à 2018 afin d’en apprendre plus sur les événements et les personnages. Même si on rame (si peu) dans les deux premiers épisodes pour faire le lien entre les enfants et leur « moi » adulte, on remet vite les pièces dans le bon ordre pour ne pas perdre une miette du récit.

L’histoire se centre donc sur la famille Crain avec un casting scintillant pour les deux époques. Carla Gugino est impeccable en mère de famille aimante, basculant lentement mais sûrement vers une folie destructrice. Henry Thomas (E.T., Ouija : les origines) fait un père de famille convaincant en tous points, aimé de son épouse et de ses enfants. Ces derniers comprennent Steven (Paxton Singleton), le grand frère protecteur ; Shirley (Lulu Wilson), la grande sœur pragmatique et attentionnée ; Theo (Mckenna Grace), la jeune fille renfermée qui possède le pouvoir de ressentir des choses en touchant des objets ; puis Luke (Julian Hilliard) et Nell (Violet McGraw), les jumeaux benjamins de la famille.

Pour l’intrigue se déroulant en 2018, tout ce petit monde change de peau, si j’ose dire. Hugh (Timothy Hutton) peine à voir ses enfants à la suite de cette terrible nuit à Hill House ; Steven (Michiel Huisman) est devenu écrivain à succès d’une série de livres ayant démarré par l’histoire de Hill House ; Shirley (Elizabeth Reaser) est entrepreneuse de pompes funèbres et mariée à Kevin (Anthony Ruivivar) ; Theo (Kate Siegel) tente de ne pas abuser de l’usage de son don ; Luke (Oliver Jackson-Cohen) est tombé dans la drogue ; et Nell (Victoria Pedretti) a une vie mouvementée et ne s’est jamais vraiment affranchie de son ancienne maison.

On ajoute à cela la présence du couple Dudley avec Clara (Annabeth Gish) et Horace (Robert Longstreet), gardiens de Hill House connaissant de biens sombres secrets, et on obtient un casting de fou. L’écriture des personnages a dû être un travail de titan quand on voit le résultat. Chacun interprète magnifiquement son rôle, des enfants aux adultes. Les comportements retranscrits, les états d’âme, les regrets, les pertes, les angoisses, tout coïncide parfaitement avec l’ensemble. Mike Flanagan gère la direction de ses protégés et nous permet d’avoir une réelle empathie envers chacun d’eux.

Les histoires de maisons hantées perdurent depuis des décennies dans le monde cinématographique. Le concept peut paraître simple ; une bâtisse avec du cachet, des portes qui s’ouvrent toutes seules, une famille enjouée comme propriétaire et des hallucinations terrifiantes. Pourtant, réussir à maîtriser cette ambiance si particulière n’est pas chose aisée. Mike Flanagan s’en tire haut la main.

Dès lors, la maison va happer un à un les membres de la famille pour en faire ses amuse-gueules, pénétrant leur psyché dans le but de les maintenir sous son joug et cela même après leur départ. La fuite de la maison étant l’événement déclencheur, l’intrigue se joue essentiellement sur ce point-là, dont nous n’aurons le dernier mot qu’à la fin du tout dernier épisode de cette saison. Mais Hill House va plus loin que ça.

En passant habilement entre les deux époques, Mike Flanagan nous maintient captivés d’un bout à l’autre des dix épisodes. Par un procédé astucieux, les cinq premiers segments reprennent l’histoire de chacun des enfants tout en apportant son lot d’intrigues globales. C’est avec une certaine avidité que l’on veut avancer dans l’histoire, impatient de découvrir quelles monstruosités la maison a placé dans leurs souvenirs pour venir les tourmenter.

Car du frisson, il y en a dans Hill House ! Comme à son habitude, Flanagan joue avec les jump-scares sans en abuser. L’essentiel, c’est bien entendu de faire en sorte que l’ambiance puisse être à la fois oppressante et délicieuse, ce qu’il arrive magistralement à nous mettre en plein dans la tronche. Au fur et à mesure de l’histoire, on ressent de plus en plus la présence maléfique de cette barraque… et on aime ça.

L’homme au chapeau melon, la dame au cou tordu, l’ancienne propriétaire foldingue ne sont que quelques personnages horrifiques dans leur aspect tout comme dans leur faits et gestes. Ces apparitions ne laissent pas de marbre et Flanagan jouant avec les arrière-plans comme personne, nous embarque dans ce tourbillon d’épouvante délectable.

Et que dire des plans ? Les extérieurs de la maison sont splendides, l’intérieur a un cachet absolu et nous invite à nous balader dans les couloirs même si ces derniers regorgent potentiellement de créatures peu accueillantes. On note également un plan séquence de malade durant l’épisode de la veillée, épisode d’ailleurs qui possède une tension semblable à un certain Le Corps dans la série Buffy contre les vampires.

Le thème des maisons hantées est aussi l’occasion de jouer avec notre propre santé mentale. Ainsi, certains personnages dont l’on est convaincu de leur statut de défunt ne le sont en fait pas du tout, un peu comme c’était le cas dans la première saison d’American Horror Story. L’on voit aussi la lente et terrible déchéance d’Olivia, personnage central s’il en est un, qui nous embarque dans une folie macabre et inéluctable.

Hugh devient alors le seul pilier solide pour maintenir la famille à flot. Dans des circonstances comme celles-là, la fuite semble donc une solution logique et le départ de la majorité de la famille Crain durant cette terrible nuit est légitime sur tous les points. La question qui se pose alors est « Comment peut-on abandonner la femme que l’on aime ? », ou encore « N’y avait-il pas un autre moyen ? ». Le scénario est tellement bien rodé que l’on ne cherche même pas d’autre hypothèse ; ce qui est arrivé est arrivé et malheureusement pour les Crain, ce qui se passe à Hill House… ne reste pas forcément à Hill House.

C’est ainsi que les séquences des enfants une fois adultes prennent un sens tout particulier. Chacun représente quelque chose ; Steve le scientifique absolu ; Shirley la mère de substitution ; Olivia la non-acceptation de soi-même ; Luke la fuite artificielle ; et Nell l’innocence brisée. Enfin, dans les grandes lignes, c’est ça.

Il y aurait sans doute moyen d’écrire beaucoup de choses concernant cette première saison de The Haunting, comme par exemple le lien entre les objets de la maison et les fantômes associés, la symbolique finale de la Chambre Rouge ou encore les véritables raisons de l’acte de Nell. Mais je pense qu’il est meilleur pour tout amateur de frissons de découvrir tout cela par lui-même.

Cette première saison se termine sur une note magnifique permettant de boucler la boucle sans fioritures. Le dernier épisode commence de manière extrêmement bourrue pour terminer tout en douceur, comme un final musical avant de lentement lâcher un instrument après l’autre pour que ne réside que le silence, la prise de conscience et l’inévitable vérité, à l’instar du titre du dernier épisode ; « Le Silence pesait lourdement ». 

Une VRAIE série parlant d’une maison hantée, ça fait du bien ! Ambiance maîtrisée, frissons garantis, personnages travaillés et intéressants, décors fabuleux, The Hauting of Hill House semble nous inviter en son sein pour faire de nous des proies plus faciles… et ça fonctionne. Amateurs de baraques pas si vides que ça et d’histoires qui en valent la peine, ruez-vous sur cette série. Et vérifiez que votre porte est bien fermée, car… ah non… ça ne changera rien.

Si la lumière du patio clignote, c’est que c’est le moment de rentrer. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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