Pas si orpheline

Sur les conseils d’une excellente amie, j’ai démarré le visionnage de la série Orphan Black. Avant de commencer, il est nécessaire d’en savoir un peu plus sur les origines de cette histoire mettant en scène des clones. Au stand de la création, nous avons tout d’abord Graeme Manson, scénariste ayant notamment officié en co-écriture sur le film Cube sorti en 1997 et qui a pas mal écrit d’épisodes pour des séries, comme par exemple Flashpoint. A ses côtés, un certain John Fawcett. Lui est plutôt connu pour quelques directions de métrages, notamment Ginger Snaps (2000) et The Dark (2005). Ils se rencontrent et décident de créer Orphan Black, où la première saison fait son entrée sur la BBC en 2013. Ces deux Canadiens parviendront-ils à convaincre les foules en créant une série dramatique sur le thème du clonage humain ?

Sarah Manning revient dans sa ville natale, bien décidée à trouver l’argent nécessaire pour récupérer sa fille, dont la garde a été attribuée à une certaine Madame S, sa propre mère adoptive. Un soir, elle assiste au suicide d’une femme lui ressemblant trait pour trait. Elle décide de prendre son identité… et les ennuis qui vont avec. La femme suicidaire, Elizabeth Childs, était en fait un clone, tout comme l’est Sarah… et tout comme il en existe bien d’autres.

Sarah va alors découvrir ses « sœurs » et en apprendre plus sur l’institut Dyad et sur les terribles expérimentations effectuées par celui-ci lors des projets Léda & Castor, visant à créer des clones humains. Se retrouvant face à un passé qui la dépasse, la jeune femme devra alors user de patience et de maîtrise pour parvenir à trouver la clé de la vérité, avec l’aide de ses nombreux clones, bien entendu.

ATTENTION : cet article traitant des cinq saisons, de GROS spoilers sont à prévoir ! 

Un scénario génétiquement modifié

Orphan Black est une série mélangeant beaucoup d’aspects. Durant la première saison, la priorité sera de bien poser les bases fin d’avoir une histoire structurée et intelligente. Je vous rassure, pas besoin d’avoir fait le MIT pour comprendre de quoi il va en retourner ; le personnage de Sarah, totalement hors contexte de cette histoire de clones, sera celle par qui vont transiter les explications scientifiques vulgarisées. Donc, pour tous ceux qui étaient frileux à l’idée de tomber dans quelque chose de « trop » scientifique ; ne paniquez pas, tout va bien se passer.

Par la suite, l’histoire va fortement se corser, partant dans une optique beaucoup plus complotiste. Les personnages changeront régulièrement de camp, les avancées scientifiques vont se faire plus complexes et l’histoire des clones en elle-même sera relativement rude à suivre, vu le nombre important de protagonistes. Cependant, tout en respectant un visionnage sobre (donc, ne pas faire son ménage pendant que la série est en train de tourner) et une envie d’entrer dans cet univers, là encore, tout se passera sans trop d’encombres.

Les bases posées durant la première saison vont donc prendre l’ascenseur pour devenir plus denses et plus complexes. Pour les intrigues secondaires, propres à chacun des clones, cela partira un peu dans tous les sens, tout en restant dans la cohérence du récit. Seule ombre au tableau ? L’intrigue liée à la famille Hendrix. Dès la saison 2, nous aurons cette impression (agréable ou désagréable, c’est selon) de visionner quelques segments de Desperate Housewives. Ce ne sont pas tant les situations, bien que similaires avec la série précédemment nommée, qui seront à l’origine de cela (trafic de drogue dans les beaux-quartiers, meurtres à cacher impérativement, non assistance à personne en danger) mais bien la musique. Ce léger tintement lors des scènes incluant Alison nous rappelle ardemment nos femmes au foyer désespérées. Hommage ou prise de pied dans le tapis ? Personnellement, je me suis senti légèrement à côté d’Orphan Black. Qu’importe au final, vu que les intrigues restent intéressantes et collant tout de même admirablement à l’histoire centrale.  

Le but de la série dès la seconde saison est de monter en puissance pour faire vivre des mésaventures aux personnages qui seront déterminantes pour la suite à donner à leur propre passé. C’est pourquoi, dès la saison 3, l’arrivée des clones Castor va définitivement arrêter l’intrigue principale sur les projets de clones et creuser en profondeur à partir de là. Nous aurons toujours nos lots sympathiques d’intrigues secondaires (Cosima et le remède, la famille Hendrix, l’horreur vécue par Helena) mais dès cet instant, tout va principalement tourner autour des néolutionnistes et de leurs terrifiants buts.  

Tout cela avancera jusqu’à une cinquième saison apportant toutes les réponses nécessaires avant un final prenant, bien qu’un peu too much. Les sœurs se retrouvent ensemble, peuvent partager ce qu’elles ressentent et permettent alors à Sarah de prendre conscience de son importance. Cette dernière s’évertuant à ne chercher aucune attache devra finalement admettre que sa place est ici, avec ses sœurs. S’ensuivra plusieurs scénettes expliquant ce que devient cette sororité peu commune et finalisant le tout sur un ton d’espoir et de lendemains qui chantent. A noter que durant ce final, Helena aura l’honneur de nous émettre LA phrase ultime de la série, de celles qui nous font marrer car totalement hors contexte (une histoire de sable et d’enfants, mais vous verrez bien).

Bon, autant que ça finisse comme ça, car des drames, nous en aurons eu durant la série. Entre les morts surprises de certains personnages (Donnie, lâche ce flingue) et celles de ceux qu’on ne voulait pas voir partir (Ferdinand obtient un 10/10 lorsqu’il cause une mort injuste et brutale), nous aurons potentiellement le risque de verser quelques larmes ci ou là. Le dramatique ne partira jamais dans des extrêmes, mais sera assez présent pour nous garder alerte et nous faire prendre conscience que personne n’est à l’abri dans ce genre de situation. Au niveau tension lacrymale, il faut dire que les prestations des acteurs font beaucoup, et c’est ce que nous allons voir maintenant. 

Clones en série

Il est nécessaire de parler de ce qui donne véritablement le goût à cette série ; les personnages. Partant de l’épisode 1 où ils sont tous des individus lambdas, leur profondeur ne cessera d’être explorée jusqu’à parfois, il est vrai, devenir un poil complexe. Mais ne râlons pas sur cela ; la série exploite à fond la carte des personnages et c’est une agréable surprise, ne se contentant pas d’un effleurage de surface. Par exemple, dans le premier épisode, Sarah souhaite vendre de la drogue pour amasser assez d’argent afin de récupérer sa fille. Après le suicide d’Elizabeth et la prise d’identité de celle-ci par Sarah, il va s’avérer que la jeune femme fraîchement décédée avait un travail… dans la police. Cette manière de jouer avec les personnalités sera présente d’un bout à l’autre de la série, mettant les protagonistes dans des situations délicates voire totalement cocasses (intervention de Cosima à la place d’Alison lors d’un discours).

Après quelques apparitions à la télévision et au cinéma, l’acteur Jordan Gavaris devient Felix Dawkins, le frère adoptif de Sarah. Gay dans son rôle et à la ville, il incarne parfaitement l’artiste déjanté, aimant profiter de la vie et souhaitant protéger sa sœur et sa nièce. Son rôle présente tout d’abord les attributs du comique de service. Puis, avec l’avancée de la série, il va devenir un soutien non négligeable pour les siens, s’alliant parfois à être la voix de la raison. Atteignant son apogée dans la cinquième saison, il s’avérera être un des personnages les plus normaux mais possédant une importance à ne pas sous-estimer. 

Dylan Bruce aura le rôle de Paul, petit ami d’Elizabeth qui va bien se rendre compte que quelque chose cloche avec sa chère et tendre. Personnage ambigu, il fait partie de ceux qui changeront régulièrement leur fusil d’épaule. Arrivant très souvent comme un cheveu sur la soupe, sa fidélité absolue ne sera révélée que dans ses derniers instants, faisant de lui un personnage très présent mais un peu fade.

Habitué des séries télévisées, Kevin Hanchard est l’inspecteur Arthur « Art » Bell. Bien dans ses baskets en policier torturé, il est l’équipier d’Elizabeth et lui aussi va se demander ce qui peut bien clocher avec cette dernière. Au fur et à mesure des saisons, il va devenir un allié de choix. Carré dans ses scènes, ne montrant ses émotions qu’en de très rares occasions, il aura cette capacité d’attirer l’attention et la sympathie des spectateurs.

Dans le casting principal, nous avons également Maria Doyle Kennedy. Chanteuse et actrice irlandaise, elle incarne Siobhan Sadler, alias Madame S. Mère adoptive de Sarah, tutrice légale de Kira (la fille de Sarah, jouée par la jeune Skyler Wexler), elle possède sans doute l’un des rôles le plus complexe de la série, ou du moins celui ayant un passé des plus fournis. Car en découvrant l’histoire, nous allons nous rendre compte que tout est lié et que cette femme se trouve être un personnage capital, faisant le lien avec l’origine des projets Léda et Castor.

Michael Mando est Victor, l’ex-petit ami de Sarah. Son personnage, plus comique qu’autre chose de prime abord, prendra de la consistance lors de la saison 2 où il va se révéler déterminant. Evelyne Brochu joue le Dr. Delphine Cormier, petite amie de Cosima et ambiguë dans ses relations. Semblant jouer avec les sentiments de Cosima, il va s’avérer que ses intentions étaient bonnes depuis le départ, étant tombée amoureuse de la belle scientifique. Elle joue un rôle oscillant entre la poigne de la science et la fragilité de l’amour. Josh Vokey est Scott, étudiant assidu et ami de Cosima. Souvent présent à l’écran, membre d’une équipe de jeux de rôles, il soutiendra ses amis à tout instant et sera, sans nul doute, l’un des personnages les plus stables de la série, ne bougeant à aucun moment du clan qu’il a choisi au départ. Kristian Bruun, lui, est Donnie Hendrix, le mari d’Alison. Epoux attentionné (surveillant également sa femme pour le compte de Dyad par la même occasion), père aimant, il se retrouvera embrigadé dans l’aventure des clones et sera un atout de choix. C’est d’ailleurs lui qui, accidentellement, mettra fin à la vie d’un personnage important de manière extrêmement inattendue.  

Comment parler de la série d’Orphan Black sans mentionner celle sans qui tout cela n’aurait servi à rien. Après quelques rôles dans des films (Diary of the Dead) ou des séries (Flashpoint), elle parvient à décrocher pas moins de quinze récompenses et dix nominations rien que sur la série Orphan Black ! Dans la série, elle ne totalise pas moins de quinze rôles à elle toute seule ! Je veux bien entendu parler de Tatiana Maslany ! Vous ne connaissez pas ? Sérieusement ? Allez, HOP ! Filez voir Orphan Black tout de suite pour vous faire une idée de la performance de l’actrice en question. Même si le nombre total de personnages dans la série reste important, on peut dire que c’est elle qui porte le tout sur les épaules de ses différentes facettes.  

Dans ses rôles, nous avons :

Sarah Manning

Jeune femme paumée souhaitant récupérer sa fille et partir loin de sa ville natale. Indépendante et colérique, elle prend l’identité d’Elizabeth Childs après son suicide. Personnage imposant de par sa présence, intéressant de par son histoire et rageant de par sa personnalité. Elle restera le centre absolu, prenant malgré elle une certaine place de leader. Torturée et tiraillée entre son amour pour sa famille et celui pour ses sœurs, elle devra prendre des décisions difficiles pour arriver à obtenir le fin mot de toute cette histoire.  

Elizabeth Childs

Inspecteur de police, son personnage interviendra quelques minutes dans le premier épisode puis en flashbacks pour les suivants.

Alison Hendrix

Mère au foyer, épouse aimante, elle entraîne l’équipe de foot des enfants et aime bricoler. Semblant être d’une importance moindre, il s’avérera qu’il s’agit sans doute de l’actrice ayant le potentiel destructeur le plus incroyable (hors Helena, bien sûr). Son rôle gravitera cependant dans quelques relents de Desperate Housewives, comme mentionné dans la section du scénario. Peu active dans les interventions contre le Dyad, elle aura pourtant une place dominante dans la série… et dans le cœur de ses frangines.

Cosima Niehaus

Scientifique travaillant dans le domaine de la génétique (tiens, tiens),  elle est avenante et prête à tout pour aider ses sœurs. Rôle tout aussi central que celui de Sarah, la « maladie des clones » dont elle souffre nous donnera quelques sueurs froides tant son personnage est attachant. Elle vivra un certain nombre d’aventures durant les cinq saisons pour finir dans le village d’un certain Westmorland et ainsi être la première à découvrir l’instigateur de tout ce bazar.  

Helena

Ukrainienne complètement barrée, souhaitant mettre fin aux jours des autres clones qu’elle considère comme des copies. Flippante dans la première saison, son personnage va évoluer jusqu’à devenir l’un des plus intéressants de la série. Avec un passé dont personne ne voudrait et une liste de victimes à faire pâlir nombre de tueurs en série, son statut de « véritable sœur » de Sarah lui apportera une famille, une raison de vivre et surtout une envie de se battre aux côtés de ses sœurs. Il s’agit ici, au niveau prestation, d’un des rôles les plus incroyables de Tatiana Maslany.

Rachel Duncan

Néolutionniste convaincue, prête à tout pour arriver à ses fins, elle sera de plus en plus dangereuse au fil des saisons. Oscillant parfois entre deux clans, jouant finement ses cartes sans attirer l’attention, il sera parfois complexe de la suivre. Au final, elle restera sans doute l’antagoniste la plus convaincante de la série, surtout après être passée malgré elle au « pirate style ». Durant sa dernière scène, on ne sait plus vraiment s’il faut lui tirer une baffe ou la plaindre. Une très bonne prestation en perspective.

Krystal Goderitch

Jeune femme travaillant dans un salon de manucure, superficielle et axée sur la beauté et la mode, elle apparaîtra lors de la troisième saison. Elle se retrouvera au milieu de toute cette histoire de clones sans pour autant réellement y croire. Elle se découvrira une relative importance en cours de route et il faut dire qu’à nouveau, c’est bluffant de voir la capacité de Tatiana Maslany à jouer un rôle totalement différent des autres.  

Veera « M.K. » Suominen

Apparaissant dans la quatrième saison, cette hacker de génie va donner un fier coup de main à l’équipe des clones pour leur permettre d’avancer dans leur enquête. Peu présente à l’écran, elle va pourtant attirer rapidement la sympathie, ce qui en découlera un destin on ne peut plus tragique.

Tatiana Maslany aura également les rôles de ; Popuk (voix uniquement), un scorpion apparaissant à Helena durant la saison 3 ; Katja Obinger, dont le personnage ainsi que la coupe de cheveux ne feront pas long feu ; Tony Sawicki, un clone transgenre n’apparaissant que dans un épisode de la saison2 et dont on aurait bien apprécié un peu plus de présence à l’écran ; Jennifer Fitzsimmons, atteinte par la « maladie des clones », elle apparaît dans un journal intime vidéo via le net ; « Clone de l’église » durant un flashback sur la vie d’Helena ; et finalement Camilla Torres, un clone rencontré par Delphine durant le dernier épisode. Oui, mesdames et messieurs, tout ça rien que pour cette actrice !

C’est ici que réside le tour de force de cette série. Tatiana Maslany parvient, avec une facilité déconcertante, à jouer ces différentes facettes, à tel point que l’on a vraiment l’impression d’avoir plusieurs personnes distinctes pour ces rôles. De plus, ces clones possèdent chacun leur personnalité et leur profondeur, permettant ainsi de ne s’ennuyer à aucun moment. Ces « sœurs » sont totalement opposées… mais font partie de la même famille.  

Forte de jouer tous ces rôles, elle parviendra également à les faire évoluer au fil des saisons, atteignant des sommets avec certains personnages (Helena, Cosima, Rachel) et surtout, les rendant majoritairement attachant.

Le casting secondaire est légion, nous présentant toute une gamme de personnages, attachés d’une manière ou d’une autre à l’un des clones de Tatiana Maslany. Dans les grandes lignes, on peut citer Matt Frewer dans le rôle du Dr. Aldous Leekie. Un généticien de génie qui aura, et c’est peu de le dire, la fin la plus inattendue de la série. Tantôt menaçant, tantôt attachant, il semble ne pas y avoir de réelles mauvaises motivations en lui, si ce n’est l’envie de découvertes scientifiques nécessitant des expérimentations relativement risquées. James Frain est Ferdinand, exécuteur au service de Dyad. Froid, calculateur, masochiste à ses heures perdues, il intègre pleinement le rôle de l’individu froid et impulsif. Tous les citer ici serait folie, c’est pourquoi je vous invite à les découvrir en visionnant la série.

Tatiana Maslany n’est pas la seule à jouer plusieurs rôles ! Nous aurons l’occasion d’apprendre que le projet Léda souhaitait obtenir des clones femelles… et le projet parallèle, Castor, des clones mâles. C’est l’acteur Ari Millen qui aura l’occasion de jouer six rôles différents (Mark, Rudy, Miller, Seth, Ira et Parsons). Tous interprétés avec brio, les clones Castor sont malheureusement sujets à la « maladie des clones »… et leur survie fortement menacée.

Globalement, les acteurs interprètent très bien leur rôle, permettant ainsi une immersion presque intuitive dans l’univers d’Orphan Black. Même si quelques prestations peuvent sembler étranges, elles restent cohérentes avec cet univers particulier lorgnant sur le biopunk. De bons moments sont à prévoir au niveau des jeux d’acteurs, surtout en arrivant au bout de la série.   

Thèmes et théorèmes

Orphan Black parle de génétique et d’expérience de clonage. Dans la première saison, tout va relativement tranquillement au niveau des origines des sœurs (ça se compliquera par la suite) ; on vous balance quelques informations sans pour autant en faire des caisses. Pas d’inquiétude concernant les explications scientifique ; Cosima vous vulgarisera tout ça pour que cela soit compréhensible.

L’aspect biopunk de la série est totalement assumé notamment avec la présence du concept de Néolution, un groupement souhaitant mettre en place une société idéale où les enfants pourraient être « à la carte » et où les modifications corporelles permettraient une avancée génétique de l’être humain. Ce mouvement est représenté ici par le Dyad et plus explicitement par Westmorland, le leader de ce joyeux bazar scientifique, lors de la saison 5. Le bonhomme souhaite prolonger la vie humaine (la sienne tout d’abord) grâce à la génétique, la création de clones étant une des étapes de cette recherche. Au final, toute la vie des différentes sœurs ne lui servait que pour ses expériences destinées à allonger sa propre existence, lui-même confiné dans une société autarcique sur une île loin de tout. Ironique pour un homme souhaitant utiliser la science moderne et la technologie, non ?

Pour contrebalancer avec l’aspect omniprésent de la science, rien de tel que l’autre côté de la pièce; la religion. Ici, cette dernière est dépeinte comme extrémiste avec les Proléthéens, un groupement obscure usant pourtant de la méthode de l’insémination artificielle pour parvenir à leur but. Quel est-il ? Créer un être parfait, notamment grâce à des ovules d’un des clones (Helena). Bien souvent, l’ambition d’un homme est cachée derrière une sainte mission. C’est le cas ici, et l’on constatera que leur entreprise ne fera pas long feu (non, n’y voyez aucun jeu de mot).

La dualité entre science et religion n’est pas clairement explicite. Les Proléthéens utilisent des techniques scientifiques pour arriver à leur fin et le village de Westmorland dans la saison 5 ressemble plus à une communauté religieuse qu’à un lieu d’expérimentation à grands coups de technologie avancée. La Néolution même a beaucoup de relents religieux, incluant des pratiquants fanatiques se métamorphosant corporellement pour ressembler à l’idéal néolutionniste mentionné par le Dr. Leekie. Dès lors, on pourrait dire qu’Orphan Black ne prend pas de parti, si ce n’est celui de l’extrémisme. Dans les deux cas (Néolution ou Proléthéens), c’est l’ambition, l’égoïsme et le jusqu’au-boutisme qui est à l’origine des horreurs et des drames. Prendre les deux côtés d’une pièce pour, au final, nous prouver par A + B qu’il s’agit d’argent sale, c’est très fort et relativement couillu.

Au-delà de cela, Orphan Black parle de quelque chose de beaucoup plus vaste ; la famille. Au départ, aucun des clones ne voulait foncièrement se retrouver dans une immense sororité. Pourtant, avec le temps, chacune a su voir les autres avec leurs qualités et leurs défauts. En témoigne ce repas qu’elles prennent ensemble en fin de saison 2 ou la scène des retrouvailles en fin de saison 5, où Sarah témoigne de ses doutes et se rend alors compte que ses sœurs ont également leurs failles.

Orphan Black met à jour les relations entre les différentes facettes de la famille ; entre sœurs (les clones), entre frère et sœur (Sarah & Felix), entre mari et femme (Alison & Donnie), entre mère et fille (Mme S. & Sarah ou Sarah & Kira), entre parents et enfants (Rachel et ses parents), etc. Toutes les possibilités sont explorées et permettent alors aux spectateurs non seulement de comprendre les réactions et les personnalités de chaque protagoniste, mais également d’y être inclus, pouvant même se référer à des émotions potentiellement déjà vécues.

On pourrait voit Orphan Black comme la version compliquée d’un week-end en famille, mais même si certains passages semblent prendre des raccourcis, ou encore où les réactions par rapport au vécu naviguent dans une certaine incohérence, il faut avouer que l’émotion s’y trouve bel et bien et que c’est tant mieux ainsi. Parler d’un sujet aussi courant que la famille en usant d’un thème basé sur le clonage, franchement, il fallait oser.  

La présence du livre L’Ile du docteur Moreau de H. G. Wells n’est pas étrangère aux thématiques soulevées dans Orphan Black. L’on pourrait même dire que cela est parfaitement approprié. Dans la série, le livre est utilisé pour être le vecteur des notes du Professeur Duncan, l’un des scientifiques ayant démarré les projets visant à créer des clones. En plus d’un hommage, c’est ici un lien direct avec le passé, le livre étant paru en 1896. De cette manière, l’on ne peut que constater que les hommes de science déterminés et prêts à tout pour parvenir à leurs fins continuent de commettre inlassablement les mêmes erreurs. On retrouve, à nouveau, cette thématique de la stabilité et du juste milieu.

Bien entendu, Orphan Black regorge d’autres thèmes. L’on peut citer le féminisme et le combat de chacune pour devenir indépendante et s’émanciper, notamment des espions dont elles ont été affublées. La culpabilité est également une notion très présente, par exemple avec Alison et sa non-action devant le léger problème de foulard de sa voisine. Cela aura des conséquences non seulement sur elle mais également sur sa famille effective (Donnie et ses enfants) et aussi sur ses sœurs. Une vive critique de la société cherchant à tout prix le contrôle se trouve aussi en première ligne, avec le codage génétique des clones incluant un dépôt de brevet et donc une appartenance à la société Dyad. L’être humain comme simple produit de consommation. Bien d’autres thèmes seraient à relever et je vous invite à les découvrir.

Orphan Black est donc une série qui ose parler de beaucoup de choses, prenant le pari de ne pas militer pour un camp ou un autre, mais dénonçant des pratiques outrancières. Ce sont les abus qui développent les problèmes et cela se ressent également dans les personnages. Ceux qui parviennent à se maîtriser se retrouvent potentiellement moins dans la mouise que ceux démarrant au quart de tour. Avec cette série, nous avons un thème absolu et central reprenant simplement la stabilité. Encore un bon point ! 

Bilan génétique final

Peu d’ennui dans cette série. Entre les moments comiques et dramatiques, nous aurons aussi notre lot d’énigmes et de frissons. Mené tambour battant, le scénario souffre potentiellement de quelques temps morts, mais rien qui puisse réellement nuire au contenu bien fourni d’Orphan Black.

Alliant admirablement intrigues et personnages étoffés, on se retrouve à rapidement suivre les différents épisodes et arpenter les cinq saisons, complètement embarqué dans cette aventure peu commune où les clones renvoient l’image même de l’humanité et ses différentes facettes. De plus, grâce à seulement dix épisodes par saison, il est facile de s’y retrouver et l’on arrive au bout des cinquante avec une douce impression de satiété.

Amateurs de séries à énigmes mélangeant habilement rire, drame et frisson, je vous la conseille fortement. Pour tous les autres, regardez-la quand même, ne serait-ce que pour la prestation tout à fait hallucinante de Tatiana Maslany. La totalité des cinq saisons se vaut largement, bouclant la boucle après un final certes too much mais totalement cohérent. Une très bonne série, loin d’être orpheline.

Anecdotes

En 2015, un comic book Orphan Black est sorti, reprenant les histoires des différents clones, et co-écrit par les créateurs de la série John Fawcett et Graeme Manson. Plusieurs numéros sont sortis par la suite.

Les titres des épisodes en VO ne sont pas choisis au hasard : 

Saison 1 : citations de L’Origine des espèces de Charles Darwin

Saison 2 : citations de poèmes de Francis Bacon

Saison 3 : citations du discours de fin de mandat de Dwight D. Eisenhower

Saison 4 : citations des essais de Donna Haraway

Saison 5 : citations du poème Protest d’Ella Wheeler Wilcox

Le titre de la série apparaît dans l’épisode final. Il s’agit du nom qu’Helena donne à son histoire et celle de ses sœurs.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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