Un p'tit pneu n'importe quoi

Artiste adepte de l’aléatoire absolu (« Il n’y a rien de plus beau dans l’art que de ne pas réfléchir »), Quentin Dupieux, réalisateur de ce sympatypique film, est plus connu sous le pseudonyme de Mr. Oizo, accompagné de sa marionnette jaune, Flat Eric. Compositeur et DJ, il fait ses premières armes de réalisateur avec un certain Michel Gondry. Avant Rubber, il est aux commandes de deux films ; Nonfilm (2001) et Steak (2007). Puis, en 2010, arrive cette histoire de pneu autonome, se baladant dans le désert en faisant exploser la tête des gens. Oui, oui, vous avez bien lu. Si vous avez envie de passer un moment sans prise de tête (notez la blague subtile), Rubber est fait pour vous. Du lourd en matière de « aucune raison », une ode au n’importe quoi et une réalisation artistique qui dépasse tout ce que notre petit cerveau peut concevoir. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Dans le désert californien, un pneu doué de pouvoirs psychokinétiques prend vie. Il démarre un parcours meurtrier en faisant exploser la tête des gens qu’il croise. Pendant ce temps, une bande de spectateurs armés de jumelles assistent à cette balade assassine.

Dur, dur de synthétiser Rubber tant l’idée de base est… d’un WTF total. Pour participer à cette folie sur écran, nous avons Stephen Spinella dans le rôle du shérif Chad. Avec ses magnifiques tirades sur le n’importe quoi, sa prestation d’acteur qui en a marre et sa répartie toute relative, il est un point fort du métrage. Sheila (Roxanne Mesquida) n’est pas en reste vu qu’elle sera la jeune femme dont le pneu semble s’être amouraché. Avec ses airs de binoclard soumis, le comptable (Jack Plotnick) est censé être responsable du meurtre des spectateurs (oui, oui, vous avez bien lu) en empoisonnant leur nourriture. Mais l’un d’eux (Wings Hauser) n’a pas vraiment faim et sera au centre de l’intrigue finale. A noter les apparitions dans le film de compositeur de musique électronique ; Pedro Winter, aussi connu sous le pseudo de Busy P, dans le rôle d’un mec qui brûle des pneus ; et Gaspard Augé (membre du groupe français Justice) en tant qu’autostoppeur.

Rubber, c’est du grand n’importe quoi, mais maîtrisé d’un bout à l’autre. Jamais vous n’aurez vu quelque chose comme ça de votre vie. Le film démarre par une tirade de Chad sur le « aucune raison » dans le cinéma actuel, usant de plusieurs exemples via une liste de films connus. A noter qu’avant de causer directement au spectateur, il arrive dans le coffre d’une voiture de police et tient un verre d’eau durant tout son monologue. On se rend ensuite compte qu’il parle à des badauds présents dans le désert, possédant tous une paire de jumelles. Ils vont être les témoins des agissements macabres du pneu télépathe et, accessoirement, la représentation des vrais spectateurs, osant même un « C’est nul. C’est quand que ça commence » de la part de l’un d’eux, sentiment partagé par ceux se trouvant devant leur écran.

Les acteurs, d’ailleurs, sont tous très convaincants… et ne se prennent pas réellement au sérieux. Chad, pendant que les spectateurs sont morts, demande à ses collègues de lui tirer dessus pour prouver que tout ça n’est que du cinéma. Lorsqu’il apprend que l’un d’eux a survécu, il continue son enquête comme si de rien n’était… couvert de sang. Sheila fait partie d’un stratagème pour en finir avec le pneu tueur, mais peine cruellement à convaincre comme actrice vocale. Remplacée par Chad, ils se font interrompre par l’homme en chaise roulante qui leur demande d’accélérer la manœuvre parce qu’il commence à s’embêter. Du n’importe quoi, je vous dis, mais toujours avec des acteurs  ayant le souci de bien faire leur non-travail, en quelque sorte.

De l’horreur ? De la comédie ? On voit des têtes qui explosent, une enquête policière bâclée, la poursuite d’un pneu psychopathe en plein désert, des témoins à la ramasse, des spectateurs empoisonnés et un fan de cinéma retors. Le fond n’est même pas horrifique, ni comique, ni psychologique. Rien n’a de raison… et c’est ça qu’on aime dans ce film !

Il est extrêmement compliqué d’avoir un avis concret sur quelque chose qui n’a pas de raison d’être. Pourtant, dans le cinéma actuel, ne pas réfléchir du tout sans que ça ne parte en cacahuète est chose rare. Assez rare pour être soulevée et pour que l’expérience valle le coup d’être vécue. On sent le fun du réalisateur derrière sa caméra à y aller à la road again sans prendre en considération une suite logique, et l’ensemble final donne quelque chose d’étonnamment savoureux.

Dès le début du métrage, on sait qu’on va regarder quelque chose de pas du tout conventionnel. Et ce sera ainsi pendant tout le film. On suit l’enquête policière (qui n’en est pas vraiment une), on assiste aux exactions meurtrières du pneu, une ellipse de trois jours se passe sans que nous ayons connaissance de ce qu’il s’est passé et puis, nous arrivons à la fin. Tout comme le reste du métrage, cette dernière est barrée, sans aucune raison. Les dernières images font sourire et on est ravi d’avoir pris autant de plaisir devant un film pareil.

Rubber est conseillé à tous les garagistes et à ceux qui pensent que le cinéma ne peu plus les surprendre. Quentin Dupieux, artiste du n’importe quoi, signe ici une œuvre qui est une ode à ce précepte selon lequel le cinéma n’a parfois pas besoin d’être sérieux, compliqué et structuré pour plaire. Quand un réalisateur aime ce qu’il fait, ça se sent au travers de l’image et BAM, on se laisse volontiers avoir. Rubber n’est pas un film plat, loin de là. Heureusement ; ça aurait été le comble.

Et vive le concept du « aucune raison » !

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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