Une rencontre peu commune

Le mot « creep » possède plusieurs traductions possibles. La plus courante en prenant le mot comme un nom, me semble-t-il, est celle de « sale type ». Intéressant de constater que « to creep up on somebody » se traduit par « s’approcher de quelqu’un à pas de loup », clin d’œil au masque porté par l’un des protagonistes de ce film. De prime abord, que penser de celui-ci, tourné en mode found footage ? Le réalisateur, Patrick Brice, en est à sa première direction et se tient également dans l’un des rôles principaux. La production est assurée par Mark Duplass, deuxième rôle principal du métrage. On y retrouve aussi un certain Jason Blum et sa boîte de prod’, Blumhouse. Au vu de l’affiche énigmatique et de la présence d’une production prolifique dans le domaine de l’horreur, j’ai pensé qu’il serait dommage de ne pas s’y attarder. Ai-je eu raison ? Une chose est certaine ; ce métrage risque puissamment de diviser les avis. A préciser qu’il n’a aucun lien avec le film Creep de Christopher Smith, sorti en 2004. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Aaron est un vidéaste répondant à l’annonce de Josef, un personnage un peu excentrique vivant dans une chouette bicoque en pleine montagne. Ce dernier, apparemment mourant, souhaite laisser une trace filmée de sa vie quotidienne à son fils, Buddy, qui naîtra après sa mort. Mais plus la journée avance, plus Aaron se demande ce qui peut bien clocher chez Josef. 

Au niveau des acteurs, on ne va pas se prendre la tête. Le réalisateur du métrage, Patrick Brice, joue le rôle d’Aaron. Jeune vidéaste dynamique et motivé, il répond à une annonce alléchante lui rapportant 1'000 $ la journée. Bien dans son personnage, on ne le voit pas des masses à l’écran vu que c’est lui qui tient la caméra, et ses apparitions dans le cadre seront bien amenées. Face à lui, un certain Josef, interprété par un Mark Duplass en puissance. Le monsieur a officié sur d’autres métrages évidemment comme acteur, mais aussi réalisateur, scénariste et producteur. Dans Creep, il est indéniable que son personnage marque autant le malaise que le sublime, ayant un comportement totalement déjanté (la scène du bain, sa manière de faire peur) comme franchement inquiétant (les séquences finales). A préciser la présence vocale de Katie Asleton, interprétant Angela, se trouvant être la femme de Mark Duplass dans la vraie vie. Sympa.

Ce film, c’est quelque chose d’un peu compliqué. On ne sait pas s’il faut crier au génie ou hurler à la daube. Pendant tout sa durée, on est intrigué, on a envie que ça avance et en même temps, on se demande ce qu’on fout là. Dès lors, pour réussir à établir clairement à quoi nous avons affaire, il est nécessaire de jouer sur les deux tableaux pour faire une synthèse concrète de ce métrage.

Crier au génie ? Pas sûr. Ce qui frappe drastiquement dans ce film, c’est la présence constante des dialogues. Il y a extrêmement peu de temps mort, les deux protagonistes passant leur temps à discuter. Le personnage de Josef est particulièrement loquace devant la caméra et envoie répliques et anecdotes comme le ferait une sulfateuse.

L’abondance de dialogues fait que la mise en scène est relativement pataude. On avance dans le film lentement, enchaînant les situations gênantes et les pitreries de Josef, tout en attendant que ça bouge un peu plus, et qu’on bascule dans une horreur qui ne semble pas vouloir se montrer. La relation trouble entre les deux personnages nous fait un peu taper du pied, tout en restant sur le qui-vive de ce qui pourrait arriver.

Hurler à la daube ? Non plus. Mark Duplass a beau cabotiner, il reste un personnage fort, intriguant, mettant mal à l’aise à la moindre occasion, par exemple via la question d’un moment honteux de sa vie lors de l’avalage de pancakes avec Aaron, ou plus fortement pendant la scène du bain. L’acteur semble si bien dans son rôle qu’il en devient presque troublant, de par son naturel et sa capacité à ne pas montrer où il veut en venir. Ses interventions, avec le masque de loup appelé Peachfuzz, seront aussi étranges. Sa petite danse devant la porte de la maison peut paraître ridicule, mais imaginez que quelqu’un vous fasse le même coup. Pas sûr que vous seriez rassuré.

Personnage au comportement troublant, il s’avère aussi capable de se la jouer philosophe (la balade en forêt avec Aaron), voire attendrissant à certains instants. C’est cette ambiguïté qui fait que l’on croche relativement bien au film, même si le rythme est lent. Josef est aussi à l’origine de quelques sursauts bien « Blumesque », permettant tout de même de rester aux aguets. 

Les dialogues sont effectivement légion… mais son bien écrits. Les deux personnages se renvoient la balle, même si Aaron ne possède pas un nombre de mots comparable à celui de Josef. La banalité des discussions donne une immersion réelle particulière. Certaines lignes (le viol commis par Josef) mettront même franchement mal à l’aise.  

D’ailleurs, le malaise, y’en a dans ce film ? Comme dit précédemment, l’horreur semble se planquer sous la couette sans vouloir intervenir. Mais la pose de la relation entre les deux hommes était nécessaire pour aboutir à un final qui ose aller plus loin et reste dans un ton horrifique tout à fait sobre mais efficace. Josef devient alors un ami outrancier, harceleur professionnel, jouant avec sa victime à grands coups de vidéo et de présence malsaine autour de la maison. A la manière d’un Jim Carrey dans Disjoncté, Josef commence de prendre un peu trop de place dans la vie de son nouvel « ami ». La dernière scène, légèrement WTF, fait sursauter tout en finissant le métrage sur une touche humoristique.

Au niveau de l’image, ça reste un found footage, mais on est loin d’avoir l’impression de se retrouver sur une coque de noix au milieu d’une tempête. La caméra est stable, ne part pas dans tous les sens et donne une image claire. Le montage se voudra également intelligent, nous montrant une scène dans une scène, permettant ainsi de blouser quelques instants le spectateur et le faire aller sur une mauvaise piste. Malin. 

Donc, globalement, impossible de donner une catégorie de personnes qui pourraient aimer ce film tant ce dernier est atypique. Facile à suivre, bourré de dialogue, un peu lent, possédant un final clairement horrifique, Creep risque fortement de diviser. Pour ma part, j’ai cru me retrouver face à quelque chose de naze et j’ai finalement beaucoup aimé, car Patrick Brice ose sortir un peu des sentiers balisés pour nous emmener dans une balade en forêt tendue, étrange et originale. 

Sans être un monument absolu du monde horrifique, ce found footage reste une bonne surprise et permet de découvrir deux acteurs face à face dont l’un avec une sérieuse case en moins. Si vous aimez les films relativement réalistes, plongés dans une bonne masse de dialogues, et offrant une histoire certes banale mais bien amenée, je vous le conseille. Et également à tous ceux qui veulent se faire rapidos 1'000 $ par jour… à leurs risques et périls.

Avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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