C'est dans votre tête

Takashi Shimizu est un pilier dans le genre horrifique japonais, ayant réalisé notamment Ju-on : The grudge (2002), Marebito (2004), The Grudge (le remake en 2004) ou récemment Inunaki : Le village oublié (2019). Forcément, en entendant parler de sa nouvelle réalisation disponible sur Netflix en 2021, je me rue dessus ! Le métrage en question, ayant pour titre Homunculus (une partie du cerveau correspondant aux aires corticales de la somesthésie, merci Wikipedia !), est basé sur le seinen manga d’Hideo Yamamoto, disponible en 15 tomes. L’adaptation est-elle louable ? Notre détermination est-elle assez grande ? Notre cortex va-t-il se retrouver tout minus ? On prépare son matériel de trépanation et on se lance dans la critique !

Susumu Nokoshi (Gô Ayano) vit dans sa voiture près d’un camp de sans-abris. Amnésique et disposant tout de même de quelques maigres moyens, il fait la rencontre de Manabu Ito (Ryô Narita), un interne en médecine un peu barré qui lui propose un deal ; 700'000 yens (env. CHF 5'800.-) pour subir une trépanation. Nokoshi accepte et se retrouve alors doté de la capacité de voir les traumas les plus profonds de ses semblables.

Oui, le synopsis donne carrément envie, surtout lorsqu’on voit la teneur du manga. Il est fort probable d’avoir des images fortes, des scènes choquantes et une intrigue bien troussée sur notre capacité humaine à déterminer les maux de nos congénères tout en allant dans la direction de les aider. Et pourtant…

Ce ne sont pas tant les acteurs qui posent un problème, ces derniers restant dans leur rôle respectif. Nous avons un Nokoshi passablement taciturne, s’orientant de plus en plus vers l’expression de ses émotions grâce à son sixième sens. Le background du personnage est également bien présent.

C’est également le cas d’Ito ; armé de ses coupes de cheveux incroyables, de ses piercings et de son regard allumé, il alterne les transformations entre son job à l’hôpital et sa vie privée qu’il passe à en savoir plus sur l’homonculus sensitif de l’être humain, trépanant à tour de bras des gens à la recherche d’argent. A mon sens, il reste le personnage le plus intéressant du métrage, son passif (et sa fin) étant un point central du récit.

Les autres acteurs semblent bien dans leurs baskets et bien que n’envoyant pas du lourd sur notre écran, on se fond assez bien dans cet univers mélangeant habilement vie quotidienne difficile et capacité hors du commun à voir les souffrances profondes des autres, via les yeux (enfin, l’œil gauche) de Nokoshi.

Cette nouvelle capacité donne droit à quelques scènes sympathiques au niveau visuel, notamment celle où il découvre son pouvoir dans une rue bondée. Nous sommes encore à l’aube de ce métrage de deux heures et on se dit qu’on aura droit à des effets cossus et des histoires à ressort pour nous présenter un peu mieux le pouvoir de Nokoshi. Que nenni !

Tout d’abord, il est compliqué de compiler les quinze tomes du manga dans un film, quand bien même ce dernier durerait plus de deux heures. On se retrouve alors avec beaucoup de scènes de parlote mettant en exergue le don de Nokoshi, mais ça semble tout de même passablement traîner en longueur. Je pense notamment à sa rencontre avec un Yakusa particulièrement furax qui nous présente toute la transition pour permettre au truand de retrouver une vie normale, acceptant et faisant face à son trauma passé.  

Pourtant, bien que nous trouvant dans un film japonais et donc dans une culture qui voit le cinéma différemment, on a droit à quelques scènes bien senties voire borderline comme les habiles jeux visuels concernant les trépanations, le méli-mélo final sur les raisons de l’exil dans la rue de Nokoshi et même une scène où l’on nous présente carrément un viol pour le bien-être de la victime, rien que ça ! Pour cette dernière, on ne peut que constater l’imbroglio scénaristique total qui ne fonctionne absolument pas, déclenchant un réel malaise sur la présence même de ladite scène.

Le souci principal de ce film, c’est un scénario au rythme émoussé et un montage qui s’attarde sur quelques cas où Nokoshi apporte son « aide » avant de tout centraliser sur les deux personnages principaux. Comme si la première partie du film ressemblait à une série et sa deuxième se basant sur une consistance totalement cinématographique, faisant presque fi de ce qui s’est passé précédemment.

On en arrive au bout du visionnage avec un sentiment mitigé. En même temps, c’était bien foutu visuellement, le fond pouvait être extrêmement pertinent et les personnages valaient sans doute la peine que l’on s’attarde sur eux. Mais sur ces trois points, il n’y a eu que des bribes et on regrette tout le potentiel que le film aurait pu avoir en mettant en place les choses autrement.

Le point culminant du dommage est le traitement du don de Nokoshi. Au lieu de rester planté sur des cas uniques pendant des plombes (le Yakuza, la lycéenne), pourquoi ne pas être parti dans quelque chose de plus vaste, avec des traumas visuellement plus dérangeants et surtout un traitement plus acéré des deux personnages principaux ? Sans doute par respect pour le manga mais là encore, il fallait faire un choix ; mini-série pour avoir toute la consistance ou remaniement honorable pour un film de deux heures.

Bien que la notion de réalité projetée par le cerveau est intéressante dans le film (et je pense même pertinente pour un bon vieux débat après visionnage), qui plus est étant une question qui reste en suspens dans notre univers connu, moins de blablas cervico-philosophique et plus de consistance scénaristique aurait été une chose bienvenue.

Homunculus n’est pas du grand Takashi Shimizu ; restant très gentillet visuellement, viscéralement discutable par moment et ne développant son intrigue qu’à grand coup de papotages métaphysiques entre Ito et Nokoshi, ce film ne restera pas longtemps dans notre entrepôt-mémoire. Sympathique à visionner pour les grands fans du réalisateur et pour les aficionados du manga, potentiellement à éviter pour les autres.

Ou alors, essayez de le regarder seulement avec l’œil gauche ; peut-être ça change quelque chose.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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