Le verre se fissure mais ne se brise point

Incassable de M. Night Shyamalan est sorti en 2000 et se pose pour être un des meilleurs films du réalisateur « twistique », narrant une histoire de super héros « réaliste » et ô combien bien foutue. Attendant impatiemment une potentielle suite, il a fallut patienter 17 ans avant d’avoir la scène finale de Split pour mettre du baume au cœur. Et finalement, 19 ans après la sortie d’Incassable, Glass arrive sur les écrans, se titrant pour être la suite officielle des deux autres opus. Nighty toujours aux commandes, on nous annonce la conclusion de cette trilogie déjà composée de deux films bien rodés. L’attente a-t-elle valu la chandelle ? Est-ce une tempête dans un verre d’eau ? Le statut des supers héros est-il sécurisé ? Pour le savoir, un visionnage s’impose, bol de pop-corn sur les genoux et un petit drapeau « Allez Nighty » dans la main. ATTENTION : cet article contient des spoilers

David Dunn (Bruce Willis), surnommé le Superviseur par les médias et littéralement incassable, continue de combattre la vermine dans les rues de Philadelphie avec l’aide de son fils Joseph (Spencer Treat Clark). Il traque en priorité Kevin Wendell (James McAvoy) alias la Horde, un gaillard souffrant de personnalités multiples dont celle de la Bête qui assassine violemment des adolescentes. Durant leur affrontement, le Dr. Ellie Staple (Sarah Paulson), une psychiatre experte dans les cas où les patients se prennent pour des supers héros, parvient à les arrêter. Ils sont alors hospitalisés dans le même institut qu’un certain Elijah Price (Samuel L. Jackson) aussi appelé le Bonhomme qui casse, enfermé depuis 19 ans pour des actes terroristes.

Reprenant son rôle tenu dans Incassable, Bruce Willis nous offre une interprétation profonde et doucereuse de son personnage de David Dunn. Super héros à la force colossale et aux os solides, il doit faire la part des choses entre la mort de son épouse, la tenue de sa boutique de sécurité avec son fils et sa vie secrète de redresseur de torts. Touchant de réalisme et de sincérité, il incarne parfaitement celui qui veut utiliser ses pouvoirs pour faire le bien. Son fiston Joseph est interprété par Spencer Treat Clark, déjà présent dans le film de 2000. Se la jouant Oracle, il veut aider son père à effectuer sa mission par tous les moyens.

Puis, nous avons James McAvoy qui reprend le rôle de Kevin qu’il tenait dans Split. Nouveau film, nouvelle performance ! Même si les vingt-quatre personnalités du personnage n’évoluent pas concrètement par rapport au film précédent, n’en reste qu’il s’en tire admirablement bien dans l’interprétation, conservant une posture, un regard et un ton de voix bien défini pour chacune d’entre elles. Anya Taylor-Joy reprend son rôle de Casey, celle que la Bête avait laissé filer dans l’opus précédent. Personnage effacé et n’ayant pas une réelle importance scénaristique (sauf sur la fin), n’en reste que ça fait plaisir de revoir son joli minois.

Et nous avons également le retour du super vilain le plus brisé de tous les temps ; le Bonhomme qui casse, alias Mr. Glass, alias Elijah Price. Samuel L. Jackson reprend son rôle avec brio qui prend un essor évident dans la seconde partie du métrage. Diabolique dans ses plans, ayant largement plusieurs coups d’avance sur tout le monde, il s’impose pour être un réel vilain et une menace des plus concrètes pour David… et le reste de l’humanité. Enfin… une menace… bon, nous y reviendrons. Sa mère est à nouveau interprétée par Charlayne Woodward, déjà présente dans Incassable. Soutenant son fils en toute circonstance, elle semble être la seule à pouvoir réellement le comprendre.

Le Dr. Ellie Staple, psychiatre de son état, est de ces gens que nous adorons détester. Elle est là pour tenter de raisonner les différents protagonistes et les convaincre qu’ils ne possèdent pas de supers pouvoirs. Partant de ce postulat, on part déjà mal pour qu’elle se trouve dans nos petits papiers vu qu’elle veut clairement nous sabrer notre bonheur de voir des super héros à l’écran. Pourtant, son double jeu va être des plus intéressants et franchement, c’est un personnage avec un but qu’on ne voit pas venir.

A noter le caméo traditionnel du réalisateur M. Night Shyamalan dans la boutique de David Dunn qui ose même revenir sur ses années de petite délinquance lorsque le gardien de la sécurité travaillait encore au stade de Philadelphie.

Donc, Glass, c’est quoi ? La suite d’Incassable ? La suite de Split ? Un peu des deux ? Ne souhaitant pas faire une suite par film, Nighty a décidé de combiner deux suites en une, mêlant habilement les deux premiers films dans le même univers. Si Incassable se focalisait sur la naissance d’un super héros en se centralisant sur David et que Split nous expliquait l’émergence de la Horde, ce troisième opus ne peut que parler de l’affrontement final entre ces deux supers personnages. Mais pas seulement.

Maniant le scénario avec délicatesse et précision comme un souffleur de verre travaillant une œuvre, Shyamalan approfondi ses personnages tout en leur donnant une dimension toujours plus humaine et réaliste. Remplis de craintes, de doutes, de colère et d’espoir, chacun des protagonistes a un but différent mais un même dilemme ; sont-ils vraiment des êtres humains possédant des capacités extraordinaires ? Et c’est là le centre du film.

C’en est le centre à tel point que même nous, spectateurs convaincus de l’existence de personnes augmentées dans cet univers, parviendrons à douter de cela, via notamment un long échange entre le Dr. Staple et ses trois patients. Si l’on se pose la question « Est-ce qu’Incassable et Split nous auraient menti ? », la réponse est forcément dans Glass.

C’est ainsi que nous suivons sans peine le scénario proposé par Shyamalan. Les rondes de David en Superviseur, le plan de la Bête pour occire quatre jeunes cheerleaders, l’arrestation des personnages par le Dr. Staple et leur internement dans un institut psychiatrique ne concernent qu’une petite partie du métrage qui va prendre un essor tout particulier dans sa seconde moitié où Elijah va se révéler comme étant un véritable super méchant. Et si lui s’avère être la tête (disons que ses jambes ne sont pas en état), il se doit d’avoir des muscles pour effectuer sa mission… et la Bête semble être le candidat idéal.

En seconde partie de film, le plan se met à exécution. Elijah passe à l’action, la Bête prend une place plus importante et David se doit d’aller protéger le monde extérieur. Comme à son habitude, le Bonhomme qui casse va défier son alter ego en lui proposant de se prouver à lui-même qu’il est bien un super héros en lui intimant de s’évader tout seul de sa chambre… fermée par une porte en acier. Tout cela avant d’enclencher sur un affrontement ravageur impliquant non seulement les individus aux capacités extraordinaires mais aussi les forces de l’ordre, dépassées par la situation.

Attention cependant ; pas de combat à la Marvel dans ce film. Shyamalan a réussi (tout comme dans Incassable) à conserver un certain réalisme dans sa mise en scène en nous proposant des pirouettes exceptionnelles sans pour autant en faire trop. Même si retourner une voiture ou plier une barre de fer reste de l’ordre du sensationnel, il ne faut pas vous attendre à des acrobaties aériennes ou des projections de boules d’énergie. Ça reste réaliste, impliquant de ce fait notre propre vision du monde si de tels individus existaient.  

On reconnaît aussi la manière de filmer de Shyamalan qui parvient à nous faire des plans propres et magnifiques (la scène de discussion avec la psy et les trois loustics, les jeux d’ombres avec le personnage de David, les scènes de combat non survoltées et bien visibles). Rien à redire au niveau des effets spéciaux et cela fait également plaisir de retrouver le code couleur cher au réalisateur. Renseignez-vous pour plus d’informations concernant ce point-là ; ça en vaut la peine.

Bons acteurs, bon scénario, mais est-ce que la conclusion de la trilogie est faite correctement ? Et quel est le but final de Glass en dehors de cela ? Attention, à partir d’ici, les spoilers sont omniprésents.

Commençons par la conclusion (au niveau narratif, cette phrase n’a aucun sens). On ne peut pas dire que nous assistons à une fin fermée. Même si les protagonistes ne sont plus là et que le monde est maintenant au parfum de l’existence des supers héros (et supers vilains par la même occasion), il reste encore des personnages et surtout une mystérieuse société secrète chargée de « s’occuper » des individus présentant des capacités surhumaines pour éviter « d’avoir des dieux parmi les hommes ». Des suites potentielles ne sont cependant pas en discussion et pour être tout à fait honnête, une fin comme celle là convient très bien… même si elle arrive comme un chien dans un jeu de quille.

A quelques minutes de la fin, on nous balance ce twist énorme (Nighty, on te reconnaît bien là) au sujet de cette société millénaire comme pour justifier un changement de cap de dernière minute dans le but de surprendre le spectateur. Alors oui, ça fonctionne. Oui, c’est inattendu. Oui, c’est bien vu. Mais cela reste comme s’il fallait impérativement procéder à un revirement final avant la fin du compte à rebours. C’est donc plaisant mais un peu trop tiré par les cheveux, surtout pour un film de cette teneur qui voulait conserver un certain réalisme.  

N’empêche, on prend son pied à se dire que ladite société en question se fait complètement berner par le génie d’Elijah, lui qui a tout prévu pour que le monde puisse être au courant de l’existence des héros et des vilains. Se faisant, si Incassable se centrait sur David et Split sur Kevin, dans ce film, c’est bien Elijah qui est à l’honneur. Un super méchant au service de la vérité ! Lui qui a voulu, toute sa vie, prouver sa théorie, il peut maintenant la balancer au visage de la planète entière et savourer une satisfaction bien méritée de l’endroit où il se trouve.

Globalement, le film reste posé d’un bout à l’autre et nous permet de nous interroger sur notre propre vision de nous-mêmes, humains que nous sommes. Nos dons, nos capacités, ce que nous sommes au plus profond de nous même, arrivons-nous à le prouver, à le montrer ? Ou n’est-ce que le reflet d’illusions perdues auxquelles nous tentons de nous accrocher afin de donner un sens à notre existence ? Bon, je vous l’accorde, il n’est peut-être pas nécessaire de se poser des questions aussi profondes pour passer 120 minutes franchement jouasses avec ce film.

Dix-neuf ans d’attente… et cela en valait finalement la peine. Même si Glass reste d’une certaine manière en-deçà de ses prédécesseurs, il conclut bien cette trilogie super héroïque à la mode Shyamalan et permet de passer un excellent moment. Cela peut surprendre mais reste dans une ligne de tir initiée par un bon réalisateur il y a pratiquement une vingtaine d’années, agrémentée par d’autres révélations remettant aussi en cause les événements d’Incassable. Avis aux fans du réalisateur, aux aficionados des deux premiers films ou de tous ceux qui veulent voir des supers héros d’une autre manière. Et au final, après l’avoir vu, ce sera à vous de décider si le verre est à moitié plein… ou à moitié vide.

Bon, la trilogie Incassable, c’est fait. Espérons que l’on ne va pas nous annoncer la suite officielle de 6ème sens.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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