Elle est trop goule cette minisérie !

Patrick Graham est un britannique travaillant à Mumbai dans l’industrie cinématographique. En 2014, un partenariat est conclu entre Blumhouse, Phantom Films et Ivanhoe Pictures pour la création de plusieurs films d’horreur réalisés en Inde, en langue locale. Le premier de ces films à voir le jour est Ghoul. Afin d’être diffusé sur Netflix en 2018, le format change et le film devient une minisérie, laquelle est créée, écrite et réalisée par Patrick Graham. Politique et surnaturel font-ils bon ménage ? Les interrogatoires musclés sur des entités paranormales sont-ils tolérés ? Un film en minisérie, une bonne idée ? On révise son hindi et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Dans un futur dystopique, l’Inde est baignée dans un fascisme absolu. Dans ce chaos, la jeune Nida (Radhika Apte), officier se spécialisant en interrogatoires à l’école militaire, dénonce son père Shahnawaz (SM Zaheer) continuant de donner des cours de littérature qui sont interdits. A la suite de cela, elle est transférée dans un centre de détention pour interroger le terroriste le plus recherché par le régime et enfin capturé ; Ali Saeed (Mahesh Balraj). Mais ce personnage terrifiant est tout sauf humain.

N'ayant pas une connaissance approfondie concernant les acteurs officiant en Inde, on constate tout de même que les personnages sont posés et que leurs rôles sont interprétés avec tout le professionnalisme nécessaire. On en sait suffisamment sur la relation entre Nida et son père via un flashback à la fois révélateur et tendu, sans parler de la scène d’introduction qui met en place le personnage de Ali Saeed. On peut aussi mentionner la présence de Manav Kaul dans le rôle du Colonel Dacunha, juste ce qu’il faut énigmatique et s’adonnant à la boisson à ses heures perdues.

Toutes les prestations sont bien fichues d’un bout à l’autre de la série et tous les personnages ont leur lot de casseroles à traîner. Normal ; la goule révèle les péchés des gens… avant de s’en repaître. On regrette presque de ne pas connaître certaines facettes des personnages secondaires tant les caractéristiques de ces derniers entrent en ligne de compte pour l’histoire en tant que telle.

Dès lors, après deux introductions bien torchées, on débarque dans cette prison secrète pour terroristes contre le régime mis en place. Installations glauques, aucune lumière du jour, cellules crasseuses et salle d’interrogatoire suintant l’horreur des actes commis, font partie du décor. L’aspect à la fois épuré et réaliste nous met complètement dans le bain pour la suite des événements.

C’est dans ce cadre peu accueillant qu’arrive Nida. Prestation de haut vol, cette jeune femme tient sur ses épaule la majorité de la série en nous livrant un personnage complexe, torturé, où son cœur balance méchamment entre ses devoirs civiques envers le régime et l’amour familial. Convaincue que le régime est le bon choix, elle arrive donc à cette prison pour procéder à l’interrogatoire d’un terroriste capital ; le légendaire Ali Saeed.

On commence alors à déceler que si le film de base s’est transformé en minisérie en trois parties, il doit certainement s’agir de trois actes distincts. Dès lors, le premier est clairement la mise en place du décor ainsi que la découverte des personnages. Brutale et droite dans ses bottes, la major Das (Ratnabali Bhattacharjee) nous invite à penser que les gardes sont autant dangereux que les prisonniers. On termine donc le premier segment avec l’arrivée à la prison de Saeed.

On démarre ensuite la seconde partie avec l’interrogatoire de ce dernier qui s’avère des plus étranges. Semblant en connaître un rayon sur Nida et son père, le terroriste ne parle que pour révéler des petits secrets peu enviables sur différents personnages et ses yeux virent parfois au noir ébène. Nida se rend alors vite compte que quelque chose cloche. La peur augmente, la tension aussi et on sent bien que ça va partir en sucette. Le second segment se termine avec l’évasion de Saeed.

Le troisième acte explose alors en saveur sous nos yeux conquis. Saeed est bel est bien une goule, créature possédant le pouvoir de prendre l’apparence de la dernière personne qu’elle a mordu. Son but existentiel est de révéler les péchés des gens avant de les bouffer (chacun son taf’, moi je dis). Le hic ? Une goule ne peut apparaître que si elle est appelée. Qui est donc responsable de cela ?

Sans s’encombrer de twists inutiles, le dernier acte se suit avec passion, non sans rendre un certain hommage à The Thing dans certains passages où il faut déterminer qui pourrait bien être la goule. Tout cela pour en arriver à un final tonitruant où tout est révélé, rendant une cohérence complète avec le récit, ceci jusque dans les dernières images où Nida, dans sa cellule, s’apprête à commettre l’irréparable.

Le fait que la série soit tournée en Inde avec des acteurs de cette même culture nous baigne dans une ambiance grisante. En même temps, le coup des endroits clos avec de vilaines créatures, on connaît… mais pas de cette manière-là. Les plans, le visuel global, les idées et le fond culturel n’étant pas les mêmes, on voyage et on découvre de nouvelles manières d’appréhender le domaine horrifique.   

Nous sommes clairement dans une œuvre d’ambiance et non de jump scares faciles. La tension monte au fur et à mesure des segments, ces derniers possédant chacun un texte à leur début, fonctionnant comme un fil rouge de l’histoire pour nous préparer à ce qu’il va arriver. Quelques scènes nous font tout de même sursauter de surprise, surtout lorsque Saeed se la joue Grave Encounters dans le coin de la salle d’interrogatoire.

L’idée de choisir une goule vient bien entendu de Patrick Graham. Ce dernier se disait que tout ce qui touchait aux vampires, loups-garous et morts-vivants était un peu trop conventionnel. Il voulait donc une créature moins connue et surtout ayant un potentiel de pouvoir se développer dans un endroit confiné comme une prison. A mon avis, le choix n’aurait pas pu être plus judicieux.

Les débordements visuels sont également présents car une goule, quand ça mord, ça n’y va pas avec le dos de la cuillère. Sans compter que l’on se trouve tout de même dans une prison secrète et que les interrogatoires ne se font pas à coups de café et de donuts. L’univers est brutal, sans concession et rempli d’une certaine inhumanité, tant de la part des gardes que de la créature démoniaque présente en ces lieux. 

C’est là que Ghoul marque également des points ; les sujets traités. Ils sont relativement nombreux ; totalitarisme, culpabilité, devoir, relation familiale, péchés commis, détention injustifiée, torture ; on en a pour notre réflexion si l’on veut creuser un peu plus les choses. Dans l’ensemble, l’idée est de faire appel à une goule pour donner une bonne leçon aux acteurs principaux du système totalitaire et ainsi déclencher une prise de conscience sur ce qui est véritablement important.

Le tout est bien entendu centralisé sur le personnage de Nida, elle qui a tout de même envoyé son père dans un endroit comme celui-là pour venir en aide au régime. En matière de culpabilité, elle pèse dans le game ! Il en va de même pour le Colonel Dacunha qui représente le système mis en place ; déviant, alcoolique, prenant des décisions hâtives sans réellement avoir conscience des conséquences. L’histoire prend donc parfois un tournant politique, mais cela est intéressant de le combiner avec un aspect surnaturel. Même s’il y a clairement une dénonciation des méthodes utilisées, ces dernières sont vaines face à une créature millénaire qui aime bien becqueter de l’humain coupable. 

Il y aurait sans doute énormément à dire sur la symbolique de la série, ceci jusque dans le symbole utilisé pour appeler la goule qui doit certainement découler sur quelque chose de plus cossu qu’une simple rune d’appel. Cela dit, je vous laisse vous faire votre propre opinion sur les choses à retenir de cette minisérie. L’importance des faits ne dépend que de votre vision des choses.

Film transformé en minisérie, Ghoul vaut la peine d’être visionné. Avec ses trois épisodes de quarante-cinq minutes, cela ne prend pas énormément de temps et ça en vaut carrément la peine. Personnages intéressants, histoire originale et bien construite, scènes prenantes et tension montante, voici quelques-unes des raisons de se lancer dans le visionnage… sans se sentir coupable.

Ouais, parce que sinon, vous risquez de finir en apéro pour goule.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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