Merci de ne pas nourrir les plantes

La mention de série B au cinéma dénote un budget très faible et un tournage vite expédié. Roger Corman, réalisateur de La Petite Boutique des horreurs, est un spécialiste du genre. Avec plus de cinquante réalisations à son actif, il maîtrise le domaine, ayant même pour surnom « Le Pape du cinéma pop ». Ses films, au vu de son principe de tournage, sont pour la plupart bâclés mais entrent sans souci dans la catégorie de la série B. Pourtant, on peut trouver quelques pépites dans sa filmographie avec notamment La Petite Boutique des horreurs. Parfum exquis des sixties, cette comédie horrifique est une véritable bouffée d’air frais. Effeuillage !  

Seymour est un employé maladroit et rêveur d’un petit fleuriste. Il est secrètement amoureux de sa collègue Audrey et subit les remontrances de son patron, M. Mushnik. Dans l’espoir de ne pas se faire virer, il présente à son boss une variété de plante encore inconnue qu’il a baptisé Audrey Junior. La petite plante n’étant plus en forme, Seymour découvre accidentellement que le sang humain peut lui redonner un peu de vigueur. Petit à petit, la plante grandit, tout comme son appétit, et son propriétaire à de plus en plus de mal à trouver du sang frais.

Dans le rôle principal de Seymour, nous avons Jonathan Haze. Grand habitué de Roger Corman, il a joué dans la majorité de ses films. Employé timide et dans la lune, ce personnage n’aura de cesse de nous surprendre tout le long du métrage, par sa naïveté et son défaitisme. Jackie Joseph est la belle Audrey, collègue de Seymour. Jeune femme indépendante et souriante, sa joie de vivre et son émerveillement pour tout ce qui l’entoure seront les bienvenus dans toute cette clique de protagonistes. Cette actrice vous dira certainement quelque chose car elle joue le rôle de Sheila Futterman dans Gremlins de Joe Dante, ainsi que dans sa suite. Le rôle de M. Mushnik est tenu en grande forme par Mel Welles. Impeccable comme patron las des frasques de Seymour, il aura une place importante durant tout le film. Dick Miller est Burson Fouch, amateur de fleurs en tout genre (pour les manger, bien entendu !), sa bouille vous rappellera sans doute Murray Futterman dans les Gremlins précédemment nommés, donc le mari de… Sheila Futterman, alias Jackie Joseph ! Enfin, notons le passage de Jack Nicholson dans le rôle de Wilbur Force, le patient masochiste d’un dentiste dans l’un des rôles les plus étonnants de ce métrage.

Les personnages sont tous globalement bien interprétés. Nous sommes en 1960 et il faut dire que la manière de jouer est très théâtrale ; grands gestes, exagérations de mouvements, expressions intensifiées, nous ne sommes pas dans un sur-jeu mais bien dans une bonne direction d’acteurs. Tous sont drôles à leur manière (carrément flippant pour Jack Nicholson) et nous intéressent dès leur première apparition. Les deux inspecteurs de police (joués par Wally Campo et Jack Warford) sont carrément surréalistes, tout comme leurs dialogues absolument savoureux. Les dialogues, d’ailleurs, qui constituent sans doute l’un des meilleurs points de ce film. Bien amenés, drôles, pertinents, les joutes verbales des acteurs sont délectables à chaque instant.

Tous les personnages auront leur mot à dire et leur intervention n’en sera que plus excellente. Typiquement, le rôle de Burson Fouch, apparemment sans grand intérêt, sera plus que sympathique, de même que celui Mme Hortense Feuchtwanger (Lynn Storey), vieille femme venant régulièrement acheter des fleurs chez M. Muschnik à chacun des décès dans sa famille… qui se révèlent étonnamment nombreux. Même dans les personnages secondaires, on sent un réel souci du détail et cela ne fait que renforcer le plaisir du visionnage.

La trame de l’histoire reste relativement simple ; un fleuriste en perte de vitesse, les clients aux abonnés absent, l’arrivée d’une plante pas comme les autres et la reprise des affaires… avec un lot de victimes à la clé. Court mais efficace, la progression d’Audrey Junior est au centre de l’histoire. Au fur et à mesure, elle deviendra de plus en plus grande et de plus en plus affamée, de quoi donner des cheveux blancs à Seymour. Ce dernier, pour réussir à conserver cette plante en bonne santé, va donc commencer de chercher des victimes en dehors du magasin.

Pris dans cette spirale, nous en arriverons au point de non-retour où le pauvre employé devra se plier aux demandes en sang d’Audrey Junior, tout en conservant son aspect maladroit et naïf, ce qui donnera notamment droit à une scène particulièrement cocasse entre lui et une fille de joie des environs. Cette trame, bien entendu, va de paire avec l’amour secret de Seymour pour la belle Audrey, autre pendant scénaristique du film, que l’on suivra avec moins d’intérêt, si ce n’est pour la prestation des acteurs.  

La Petite Boutique des horreurs est à classer comme une comédie horrifique… du moins ce que l’on pouvait appeler « horrifique » à cette époque. Ne vous attendez donc pas à de l’explosion d’hémoglobine ni à des jump scares incessants. Ici, tout est maîtrisé d’un bout à l’autre pour nous mettre en situation de légère tension ou de rire. Nous nous retrouvons tout de même dans le film de Roger Corman, l’homme qui a grandement inspiré notamment Joe Dante, également habile dans l’art des films qui font frissonner et sourire.

Les effets spéciaux sont de bonne facture pour l’époque mais ont, vous vous en doutez, relativement vieilli. Qu’importe, Audrey Junior reste une plante carnivore qui parle et son aspect ne nous fait pas penser à autre chose. Tout se fond admirablement dans le décor sans que nous prenions réellement le temps de nous poser la question si cela est réellement bien foutu ou non. Ne reste que le plaisir de voir les bouts de ficelles des années 60 utilisés pour quelques effets (notamment l’ouverture de la gueule de ladite plante).

Donc tout se suit agréablement, jusqu’à un bouquet final magnifique durant lequel l’éclosion des boutons d’Audrey Junior va apporter quelques surprises. Ce final ira même jusqu’à nous faire rapidement tressaillir tant l’idée est bonne. Le film se termine donc dans la joie et la bonne humeur et on a l’impression d’avoir pris un grand bol d’air frais.

La Petite Boutique des horreurs est une perle des années 60. Jouant habilement sur l’aspect comique et possédant des personnages inoubliables, on peine à penser que le film n’a été tourné qu’en seulement deux jours ! Métrage idéal pour mettre en pause le cinéma actuel et se dire que ce qui était fait avant est également grandement digne d’intérêt. Conseillé à tous les amateurs de cinéma, d’une manière ou d’une autre, vous y trouverez votre compte.

Je vous laisse, je dois aller arroser mes géraniums.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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