A l'Ouest, que du nouveau !

En 2016, Westworld débarque sur les petits écrans. Adaptation d’un film de Michael Crichton de 1973 ayant pour nom Mondwest, il sera traité d’un parc d’attractions un peu spécial où l’on peut vivre des aventures dans l’ancien Far West plus vrai que nature. A la création, Lisa Joy, ayant déjà officiée comme scénariste sur Pushing Daisies et Burn Notice. A ses côtés, un certain Jonathan Nolan, ni plus ni moins que le frère de Christopher Nolan (Batman Begins et ses suites, Man of Steel, Interstellar, Dunkerque). Le Johnny n’en est pas à son coup d’essai non plus vu qu’il a été co-scénariste sur plusieurs films de son frangin (Le Prestige, The Dark Night, The Dark Knight Rises, Interstellar) ainsi que sur plusieurs épisodes de la série Person of Interest. Avec deux créateurs comme ceux-ci, il faut s’attendre à du bon. En plus, nous avons des producteurs de folie : Jerry Weintraub (Ocean’s Eleven et ses suites), Bryan Burk (Lost, Alias, Star Trek, Super 8) et un certain J. J. Abrams, créateur de série, scénariste et réalisateur ayant de la bouteille. Pour parfaire le tout, un très bon ami m'a conseillé de voir cette série de fou. Du coup, visonnage ! Vous êtes parés pour partir à la conquête de l’Ouest ? ATTENTION : cet article contient des spoilers

Westworld est un parc d’attractions futuriste permettant aux visiteurs (« invités ») de venir faire un tour dans l’ancien Far West du 19ème siècle comme s’ils y étaient. Pour accentuer le réalisme, des androïdes appelés « hôtes » sont parsemés partout dans le parc, obéissant chacun à une ligne narrative tout en pouvant improviser certaines actions. Avec la dernière mise à jour de leur programme, les hôtes commencent d’avoir des bugs relativement importants, sortant de leur boucle scénaristique. Les techniciens vont tenter d’y remédier tandis que les visiteurs continuent de vivre leurs aventures, dont deux hommes d’affaires en mal de sensations et un étrange homme en noir connaissant le parc comme sa poche.

Avant toute chose, il faut préciser que nous sommes ici en présence d’une série qui envoie carrément du lourd. Avec une brochette de créateurs et de producteurs comme cela a été mentionné précédemment, nous ne pouvons nous attendre qu’à une explosion d’histoires en tout genre et plusieurs lignes narratives. Le récit ne se contentera donc pas uniquement de suivre un fil rouge convenu, mais bel et bien plusieurs lignes narratives, respectivement toutes celles des différents hôtes. Plus fort encore ; ces lignes vont s’entremêler, poussant au paroxysme ce qu’il est possible de faire en matière de narration. Attendez-vous donc à une expérience relativement imposante.

Impossible de démarrer sans écrire quelques mots sur le film de 1973, Mondwest (Westworld en VO), duquel s’est inspirée la série ici décrite. Outre l’idée de base du parc d’attractions ultra-perfectionné, peuplé d’androïdes à l’apparence humaine, et partant radicalement en couilles, nous n’aurons pas vraiment d’autre ligne reprenant le métrage des seventies. Plusieurs clins d’œil seront présents, comme le nom de la société « Delos », visible en fin de série, nous offrant potentiellement d’autres terrains de jeu que le Far West. Le personnage de l’homme en noir sera une reprise de la dégaine de Yul Brynner dans le film original. Dans les grandes lignes, c’est une belle reprise du métrage de 1973, qui étend exponentiellement l’univers de ce dernier.

Vous pensiez que les créateurs et les producteurs c’était de la folie ? Vous n’avez pas encore vu le casting ! Anthony Hopkins (oui, oui) est le Dr. Robert Ford. Co-fondateur du parc, il nourrit des intentions obscures et prépare un nouveau scénario qui semble dépasser tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Posé, pragmatique, mystérieux, un très grand rôle pour un très grand Monsieur. Comme visiteur acharné du parc, nous avons Ed Harris (rien que lui !). Venant régulièrement depuis 30 ans, il cherche à terminer un ultime scénario mettant en jeu ce qu’il appelle « le labyrinthe ». Gros mystère en perspective, il est également un grand philosophe sur la conception des hôtes, arguant notamment que ce n’est pas du jeu vu qu’ils ne peuvent pas faire de mal aux visiteurs, et donc sont condamnés à perdre. L’homme en noir ultime ! Evan Rachel Woods est Dolores, une hôte éprise de liberté. Directement créée par l’autre co-fondateur du parc, un certain Arnold, elle semble posséder des aspects inexistants chez les autres androïdes. Un rôle où elle aura fort à faire entre la jeune femme innocente et celle avide d’aventures. La classieuse Thandie Newton joue Maeve, mère maquerelle des filles du saloon. Personnage relativement effacé dans un premier temps, son essor va être impressionnant par la suite. Prestation impeccable de l’actrice. Jeffrey Wright interprète Bernard, directeur de la programmation. Chargé de vérifier que les hôtes sont programmés correctement, il va se retrouver face à plusieurs problèmes de comportement et décidera de mener l’enquête. Rôle complexe et magnifiquement joué. James Marsden est Teddy. Hôte condamné à être un loser, il va pourtant s’affranchir de ce rôle pour sauver celle qu’il aime, Dolores. Notre Cyclope de X-Men possède ici un rôle étoffé et franchement sympathique.

Mais ça ne s’arrête pas là ! Ben Barnes, le Prince Caspian de Narnia est Logan. Jeune homme d’affaire habitué du parc, il y vient régulièrement pour prendre du bon temps sans forcément se lancer dans des quêtes remplies d’action. Il emmène avec lui William, son futur beau-frère, campé par un Jimmi Simpson en pleine forme. Personnage de prime abord timide et peu enclin à l’aventure, il va se prendre au jeu de telle manière qu’il va vivre la plus grande aventure de sa vie. Sidse Babett Knudsen est Theresa, directrice des opérations de Westworld. Froide, professionnelle, elle ne laisse rien passer et sa relation avec Bernard n’aidera pas à la chose.

Pour terminer, dans les rôles principaux ; Ingrid Bolso Berdal est Armistice, une hors-la-loi tatouée d’un serpent et totalement barrée ; Clifton Collins Jr. jouant également un hors-la-loi sous deux facettes différentes ; Luke Hemsworth (frère de Chris et Liam) est Ashley, directeur de la sécurité du parc, attentif et prévoyant ; Simon Quaterman est Lee, scénariste en chef des lignes narratives des hôtes, râleur, gâté et ambitieux ; Rodrigo Santoro est Hector, ennemi public n° 1 du parc, beau gosse et franc tireur ; Angela Sarafyan joue Clementine, prostituée gentille et docile sous les ordres de Maeve ; Tessa Thompson interprète Charlotte, directrice exécutive du parc et membre du conseil d’administration, portée sur les affaires et manipulatrice à ses heures perdues ; et finalement, Shannon Woodward dans le rôle d’Elsie, une programmeuse enquêtant sur les différents incidents avec l’aide de Bernard, intelligente et loyale. OUF !

Afin de parler d’au moins un rôle récurent, j’ai choisi celui du vieux Bill, androïde régulièrement réveillé par le Dr. Ford pour taper la causette. Ce vieux modèle ayant des lignes de texte récurrentes n’est personne d’autre que Michael Wincott, déjà vu dans Robin des Bois, prince des voleurs (Kevin Reynolds, 1991) dans le rôle de Guy de Gisbourne ou dans The Crow (Alex Proyas, 1994) en tant que Top Dollar, antagoniste principal du film. Depuis ses débuts en 1979, il sillonne les métrages, toujours dans les rôles de « gueules » en tout genre.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du monde dans les rôles principaux. Le plus étonnant dans cela, c’est qu’ils sont tous absolument excellents et surtout, qu’il y a une profondeur scénaristique pour chacun. Tout comme les lignes narratives des hôtes, les protagonistes de Westworld auront leur propre histoire et cela permettra une immersion d’autant plus grande dans ce vaste monde de l’Ouest ancien. Tous jouent admirablement et ont leur lot de révélations au fur et à mesure de l’avancée de la série. Au sujet de l’écriture des personnages, cette série est déjà une bombe !

La structure scénaristique, c’est une folie. On a des révélations à chaque épisode, le plus intéressant étant que nous ne sommes pas en mesure de différencier les employés, des invités, des hôtes. On se met alors à fomenter des théories pour parvenir à déceler, avant le scénario, qui est qui et surtout, qui est quoi. Souvent, on se plante et on attend la révélation qui suscite, à chaque fois, un attrait évident du menton en direction du sol. La tension est donc très bien gérée et les intrigues foutrement bien amenées.

Westworld s’inscrit donc comme une série jouant principalement sur l’aspect technologique, bourrant son récit de règles en tout genre concernant les androïdes. Il faudra donc crocher pour bien se mettre dans le moule et ainsi pouvoir suivre, aisément, les différents épisodes. Au-delà de ça, cette série allie également le thriller, composé de plusieurs moments où une tension bienvenue viendra nous contracter les muscles. Pas vaches, les créateurs agrémentent cela avec une stature « western » bien présente et puissamment magnifique. D’ailleurs, les gamers connaissant Red Dead Redemption devraient y retrouver pas mal de similarités, dans les scénarios comme dans les paysages.  

Mais ne dévalisons pas la diligence avant de l’avoir braquée ! Le scénario complexe proposé par Westworld est sans conteste l’un des points forts de cette série… et également un point faible. Tortueux mais maîtrisé, étendu mais complexe, bougrement intéressant mais extrêmement posé, le récit pourrait en rebuter quelques uns au bout des premiers épisodes. Je vous le dis tout de suite ; tenez bon car plus on avance dans l’histoire, moins la complexité se fait sentir. Si cela paraît parfois dérisoire au point qu’on a l’impression de ne rien y comprendre, c’est simplement que les scénaristes derrière la série ont juste parfaitement fait leur travail… et que le meilleur est à venir !

Le rythme est tout à fait égal d’épisode en épisode, nous servant des révélations lorsque cela est nécessaire et passant le reste du temps à avancer dans les intrigues tout en creusant les personnages. A la fin de chaque épisode, on a absolument envie de voir la suite, ne serait-ce que pour étayer nos propres théories… qui vont pour la plupart tomber à l’eau. Car rien n’est évident dans Westworld, et c’est avec plaisir que nous allons le constater. 

En plus de nous servir des personnages fouillés, un scénario de malade d’une complexité délectable et un rythme nous donnant une furieuse envie de continuer l’histoire, Westworld en impose aussi au niveau du visuel. Des paysages fantastiques se déroulent devant nos yeux, arborant des soleils couchant, des villes bien peuplées et des déserts arides. La beauté du parc Westworld, complète, détaillée et magnifique mais pourtant fictive, entre en totale contradiction avec la « vie réelle » du centre de contrôle. Ce dernier est épuré, vide de toute décoration (il n’y a pratiquement pas de murs, mais des vitres), froid et impersonnel. Dans la série, comme il l’est parfois mentionné, la vie réelle n’est pas à l’extérieur de Westworld ; c’est Westworld.

Et que dire de la musique ? Le responsable, c’est Ramin Djawadi. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant, il est également le créateur de la musique d’une autre série relativement connue ; Game of Thrones. Pour Westworld, il nous offre un générique audacieux et pleinement dans le ton (musical comme visuel) et également des reprises de grands groupes sur le piano du saloon jouant sur du papier à musique. Nous aurons donc l’occasion d’entendre les Rolling Stones, The Cure, Radiohead ou encore Amy Winehouse en version Far West du 19ème siècle ! Gros clin d’œil et performance appréciée pour cet auteur musical talentueux. 

La série prend aussi le pli concernant la dénonciation de la technologie et la dangerosité que cela peut impliquer. En voyant Westworld comme un immense épisode de Black Mirror de plus de 10 heures, on peut constater l’une des dérives susmentionnées ; la création d’un être artificiel, supérieur à l’être humain, et capable de prendre ses propres décisions. Avec la mise à jour des « Rêveries » opérée par le Dr. Ford, les hôtes vont commencer d’avoir des flashbacks concernant leurs souvenirs (ou vies passées), et une voix se mettra à parler dans leurs têtes. La conscience est née, fantôme dans la machine rendant cette dernière capable de faire des choix sans prendre en compte les scénarios compilés par les humains. Droit dans le thème du film de 1973 tout en l’approfondissant, Westworld met en scène sur dix épisodes ce que Mondwest a dû faire, en son temps, en 1h30. Il y a donc carrément matière à pouvoir non seulement creuser les personnages et le scénario, mais également la symbolique.

Puis, on partira nettement sur la problématique de la quête d’identité. Est-ce que nous vivons uniquement au travers de nos aventures, ou pouvons-nous vivre simplement, sans quête ni but ? A l’instar de l’homme en noir, désireux de connaître les moindres secrets du parc, recherchant la confrontation via la libération potentielle des hôtes, on peut dire que sa vie s’est bâtie uniquement sur ces visites régulières. De l’autre côté de la barrière, Maeve, vivant selon un scénario et souhaitant s’affranchir de ce dernier. Malgré beaucoup d’efforts et de souffrance, est-elle véritablement arrivée à son but ? Cela peut même nous poser certaines questions sur notre situation en tant qu’humain et notre quête de l’identité, via un monde virtuel… ou au contraire dans une réalité existante.

Westworld se déroule donc sur dix épisodes d’environ une heure, un peu plus pour le premier (environ 70 minutes) et le dernier (environ 90 minutes). Etalant intelligemment ses intrigues pour que tout tienne dans cette première saison, cette dernière se terminera avec un gros, un immense, un colossal « Je l’ai dans l’os… » à tel point qu’on a envie de tout reprendre depuis le début pour vérifier qu’on s’est réellement fait avoir depuis le départ. Une fin de saison qui annonce du lourd et à la visualisation du teaser de la saison 2, on ne peut qu’attendre la suite avec une impatience absolue.

Série totalement maîtrisée d’un bout à l’autre, Westworld ne posséderait qu’un défaut ; être trop bien maîtrisée et pouvant, potentiellement, perdre des spectateurs en cours de route. Je vous le redis ; tenez le coup, ça en vaut clairement la peine. Amateurs de techno-thriller, de drame, d’aventures en tout genre et de western, lâchez-vous ! Tout y est impeccable, que ce soit dans le jeu des acteurs, dans les cadrages, dans les lignes de scénario de la série comme des hôtes, on prend un malin plaisir à suivre les aventures des différents protagonistes et on se prend clairement au jeu. Un peu comme si, nous-mêmes, nous nous retrouvions dans Westworld pour participer à un scénario, une quête de notre identité via une série intelligente et révélatrice. Oui, du lourd, moi je vous dis ! 

Et vous, vous l’aviez vu venir, la fin ? 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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