Adaptation vampirique

Dans le domaine du cinéma d’horreur, nous avons forcément entendu parler du film Une nuit en enfer (From Dusk till Dawn) de Robert Rodriguez. Sorti en 1996, l’histoire est celle des frères Gecko, Seth (Georges Clooney) et Richard (Quentin Tarantino), parvenant à fuir au Mexique après un braquage sanglant avec l’aide d’un pasteur (Harvey Keitel) et ses deux enfants (Juliette Lewis et Ernest Liu). Se donnant rendez-vous avec leur contact dans un bar, le Titty Twister, ils vont être attaqués par les vampires qui possèdent les lieux.

Mais nous ne faisons pas ici la critique du film. Ce dernier faisant partie de ceux que j’affectionne particulièrement, la création d’une série adaptée de ce métrage était bien évidemment à visionner. Parue pour trois saisons sur la chaîne américaine El Rey de 2014 à 2016, il s’agit de creuser un peu plus l’univers et les personnages du film pour donner une consistance plus importante.

Le créateur de la série, ce n’est pas n’importe qui car il s’agit du réalisateur du film, Robert Rodriguez. Premier point positif ; le matériau original ne peut qu’être respecté. Il serait en effet étonnant que M. Rodriguez trahisse son film ainsi que les personnages créés par Robert Kurtzman et Quentin Tarantino.

Aux réalisations, on retrouve également quelques pointures comme Robert Rodriguez himself, Eduardo Sánchez (co-réalisateur du Projet Blair Witch), Fede Álvarez (Evil Dead, 2013) ou Dwight H. Little (Halloween 4), ainsi que bien d’autres. On peut donc partir du postulat que tout devrait bien se passer concernant cette série et que les trois saisons doivent potentiellement envoyer du lourd.

Mais tout n’est pas facile lors d’une transposition d’un film en série. A noter que seule la première saison reprend la trame du métrage original, les deux suivantes étant une extension de l’univers mis en place. Alors, coup d’éclat ou coup de mou ? Le Titty Twister est-il un lieu de tourisme correct ? Les vampires peuvent-ils encore se frayer un chemin télévisuel dans les années 2010 ? On passe la frontière et on se lance dans la critique.

ATTENTION : cet article va parler de la série Une nuit en enfer comme du film, des spoilers sont donc à prévoir. Pour conserver une surprise totale, merci de revenir après visionnage.

L’histoire se construit…

Tout comme dans le film éponyme, nous suivons les frères Gecko, à savoir Seth (D.J. Cotrona) et Richard (Zane Holtz). Après un braquage sanglant et lucratif, ils doivent se rendre au Mexique pour retrouver leur contact Carlos (Wilmer Valderrama) au Titty Twister, un bar regorgeant d’alcool, de filles… et de problèmes. Mais pour passer la frontière, ils vont avoir besoin de l’aide de la famille Fuller.

Jacob Fuller (Robert Patrick) est en virée « camping-car » avec ses deux enfants ; Kate (Madison Davenport) et Scott (Brandon Soo Hoo). Voyage salvateur à la suite de la terrible mort de son épouse, cet ancien pasteur traverse ce que l’on pourrait appeler une crise de foi. Ses enfants s’inquiètent et c’est là que les frères Gecko entrent en jeu pour finalement parvenir à passer la frontière.

Jusqu’ici, on reprend les lignes exactes du film non sans rajouter quelques précisions, notamment concernant les raisons du voyage de la famille Fuller, les caractéristiques de certains personnages pour permettre une élongation de l’histoire et l’explication du comportement troublant et violent de Richard. On se prend dans l’histoire et même en ayant vu le film précédemment, la transposition est tout à fait louable.

On note cependant que cette fois-ci, les deux frères sont poursuivis par un Ranger du nom de Freddie Gonzalez (Jesse Garcia). Ce père de famille fait la promesse à son mentor Earl (Don Johnson), assassiné par les frères Gecko, de les retrouver pour les tuer. Il va donc pister les frangins à travers le Texas et cela jusqu’à leur escale dans le club de strip-tease du Titty Twister.

Dans le cas des acteurs, pas de quoi les frapper avec un pieu en bois. Le travail est bien fait et on a plaisir à les découvrir. Creusés, fouillés, il ne s’agit pas simplement de mettre de la chair à canon à disposition des futurs suceurs de sang mais bien d’instaurer une écriture cossue des différents personnages. A noter que Robert Patrick (notre indétrônable T-1000 entre autres) a joué dans Une nuit en enfer 2 : Le Prix du sang sorti en 1999 directement en vidéo.

Toute notre équipe se retrouve donc au Titty Twister, un lieu de débauche qui semble moins crade que celui présent dans le film. Qu’importe, l’ambiance est présente et ça va rapidement partir en cacahuète, la majorité des personnes se trouvant dans l’établissement sont en fait… des vampires. Nos protagonistes ont également l’occasion de faire la connaissance d’Aiden Tanner alias Sex Machine (Jake Busey), un professeur d’histoire spécialisé en mythologie maya, et Santànico Pandemonium (Eiza González), une femme vampire particulièrement séduisante qui s’avère être la première de son espèce.

Et là, vous vous doutez bien que ça va valdinguer dans la chaumière ; les vampires se réveillent, commence à mordre, dévorer et saigner les humains présents. L’équipe des frères Gecko et de la famille Fuller doit faire front pour survivre. C’est également là que la mythologie de la série prend un sens différent et plus profond que dans le film.

Les vampires sont en fait des Culebras (« serpents » en espagnol), créatures d’origine maya très semblables aux reptiles susmentionnés. Les crocs s’expliquent comme étant des crochets ; le venin permet de transformer un humain en Culebra ; et ils restent principalement des chasseurs nocturnes, ne supportant pas le soleil. Bonne translation, bonne idée, bonne base mythologique.

Les caractères et destins des personnages changent par rapport au film pour permettre de continuer sur la durée. Kate n’est pas rebelle à la foi et s’avère être même plus convaincante que son père ; Scott cherche à s’émanciper de la cellule familiale ; Richard se fait transformer en Culebra (eh oui) ; et Santànico apparait être moins cruelle que prévu.

Cette première saison se déroule donc de manière tout à fait correcte, reprenant les standards du métrage pour les adapter à quelque chose de plus long. Les personnages sont intéressants, globalement bien joués, la mythologie est mise en place et on s’attend à beaucoup pour la suite. Après plusieurs morts dans le casting, des bastons bien huilées et des dialogues vicelards, on visionne le final avec une certaine envie de voir la suite. Mais…

…du crépuscule…

Sérieusement, c’est quoi le problème ? Alors que la première saison mettait en place quelque chose de terriblement intéressant, incluant même les Neuf Seigneurs de la Nuit, une bande de vampires surpuissants étant à la tête de toute la population Culebras, on nous balance une seconde saison pénible… et le mot est faible.

Honnêtement, j’ai cru ne jamais arriver au bout de cette dernière tant le rythme tombe d’un coup sec. Après un premier épisode qui pose les bases nécessaires à la compréhension de cette suite, les neuf épisodes suivants semblent d’une longueur interminable. Toute la mise en place de la mythologie maya dans la saison une s’évapore pour laisser place à une sorte de narration gangsters-vampires-prise de pouvoir partant dans tous les sens.

L’addiction de Seth pour l’héroïne ne nous concerne pas plus que ça ; la détermination de Kate est louable mais sans conviction ; le changement radical de Scott est intéressant mais sans punch ; les choix de Richard sont tendancieux et sans intérêt ; la rage de Carlos est légitime mais sans violence ; sans compter un survol de quelques nouveaux personnages avec du potentiel… mais sans ambition.

On retrouve, avec un plaisir non dissimulé, Danny Trejo dans le rôle du Régulateur. Tueur impitoyable travaillant pour les Neuf Seigneurs, ça fait du bien de le voir à l’écran mais il semble relativement mis de côté. L’apparition de Jeff Fahey comme l’oncle Eddie des deux frères Gecko est sympathique et nous apporte même une certaine émotion. Cela reste une bonne chose dans un marasme d’autres moins reluisantes. On aperçoit aussi Gary Busey (le père de Jake) dans le rôle d’un prospecteur dans le dernier épisode.

Toute cette saison pour introduire le puits de sang mystérieux détenu par les Neuf Seigneurs dont l’un, Malvado (Esai Morales) s’avère être le méchant principal de cette saison. Sorte de parrain Culebra sur le retour, seul son manteau fait en visages humains pourrait faire frémir. De plus, la déco de son bureau est plus que douteuse.

En gros, on ne comprend pas vraiment où le scénario veut en venir et on cherche à comprendre où sont passées les bases si intéressantes mises en place dans la première saison. Oui, on en en apprend plus sur les Culebras et leur culture et on peut même noter une prise de position concernant les différences entre les peuples, notamment situés à la frontière américaine. Mais pour le reste, on ne sait pas vraiment ce que veulent les personnages… et ils ne semblent pas le savoir non plus.

Cependant, le destin du Ranger Gonzalez est bien fichu, ce dernier devant être le combattant de la paix entre les Culebras et les humains. Il se retrouve donc à devoir faire le médiateur entre ces deux ethnies non sans y perdre gros dans l’affaire. Pour moi, s’il y a un personnage qui parvient à nous tenir en haleine durant toute la série (et surtout pendant cette seconde saison), c’est bien lui.

Donc, une saison entière pour cette histoire de puits de sang et quelques anecdotes. Le dernier épisode apporte cependant du baume au cœur car les choses s’accélèrent méchamment et on sent clairement que la mythologie maya peut reprendre le dessus, surtout avec la scène post-générique nous montrant le destin de Kate. Mais franchement, pour en arriver là, il a fallu lutter et consommer plusieurs tasses de café pur afin de ne pas sombrer dans les ténèbres.

…à l’aube

Nous voilà à la troisième et dernière saison et là, surprise ! On se retrouve avec une histoire reprenant clairement les standards de la mythologie maya avec l’aide des explications d’Aiden Tanner pour nous prêter main-forte. Le Xibalba (monde souterrain maya) est au centre de cette nouvelle saison et l’antagoniste principale envoie enfin plus qu’un simple parrain de la Mafia vampire. Il s’agit ici d’Amaru, sous les traits d’une Kate 2.0, reine du Xibalba et souhaitant apporter l’enfer sur Terre.

Petite précision ; Amaru fait partie de la mythologie inca tandis que l’enfer ici nommé est celui mentionné dans la mythologie maya. On ne va pas tergiverser pendant mille ans mais simplement dire que nous sommes ici en présence de tout ce qui pourrait concerner la mythologie précolombienne. Après tout, il s’agit d’une série horrifique et non pas d’un cours d’Histoire.

Nous avons donc une toute nouvelle Kate en grande forme et une bande de bras cassés reformée dans le but d’aller lui botter les fesses, devant trouver un moyen d’en finir avec Amaru sans faire de mal à Kate. Pas évident, tout ça… Cela instaure un climat particulier dans cette dernière saison, la méchante principale étant également une alliée.

Ce qui épate également pendant cette troisième partie, c’est la présence de loners, c’est-à-dire d’épisode indépendant des uns des autres, mettant en scène un antagoniste par épisode (ici des démons du Xibalba), tout en conservant une ligne directrice de la narration principale. Nous avons donc un nouveau démon à occire à chaque épisode et cela apporte un dynamisme bienvenu à la série.

Pour comparer, on se croirait un peu dans un Supernatural mais avec les personnages venant d’Une nuit en enfer. C’est donc fun, sympathique et avec un rythme bien plus soutenu que la saison précédente. La mythologie instaurée par la présence des Culebras est maintenant posée et on fait la connaissance avec ce monde sombre qu’est celui du Xibalba.

Pour parfaire cela, nous avons également de nouveaux acteurs (et pas des moindres) qui viennent renforcer l’équipe. Il y a tout d’abord Maurice Compte qui interprète Brasa, un démon puissant qui se trouve être le bras droit d’Amaru. Nous avons Robert Knepper dans la peau du Ranger Gary Willet, à la solde de la reine des enfers. Natalie Martinez fait un petit tour dans le dernier épisode en tant que corps officiel d’Amaru.

Il est impossible de ne pas mentionner un certain Tom Savini. Cet inconditionnel de Robert Rodriguez, acteur et spécialiste en effets spéciaux, jouait le rôle de Sex Machine dans le film de 1996. Il se trouve être ici Burt, un chasseur Culebra légendaire ayant déjà réussi à renvoyer plusieurs démons du Xibalba chez eux. Les frères Gecko ont donc besoin de lui pour en finir avec Amaru.

Plusieurs monstres différents, une intrigue plus poussée en direction de la mythologie mise en place dans la première saison, de nouveaux personnages dynamiques et sympathiques ; cette saison trois est franchement plus cossue et intéressante que la précédente. Je dirais même qu’elle parvient à remonter assez le niveau pour que nous arrivions au bout sans peine.

Puis arrive le final qui paraît mollasson et sans punch ; Amaru retourne au Xibalba, Kate est sauvée, Scott part vivre sa vie, les frères Gecko retravaillent ensemble, Santànico taille la route ; le Ranger Gonzalez retrouve sa famille… et on ne sait pas si Sex Machine s’en sortira un jour. La scène inter-générique nous montre le Ranger Willet retrouver le médaillon d’Amaru. Sans conteste, si saison quatre il y avait eu, nous aurions eu le plaisir de retrouver Robert Knepper dans le rôle d’un antagoniste principal, rôle dans lequel il excelle. Eh oui, je ne regarde plus le fond de ma poche de la même manière depuis Prison Break.

La dernière image « officielle » de la série est celle des frères Gecko braquant à nouveau une banque… avec l’aide de Kate. Tout de blanc vêtu, se tenant les trois devant la caméra, j’ai trouvé que cette dernière image terminait finalement la série de manière cohérente en reprenant la base même de ce qui les a amenés au Mexique dans la première saison ; un braquage.

Conclusion

Une nuit en enfer en mode série, est-ce que ça vaut le coup ? Pour être honnête, le visionnage de celle-ci est nettement moins impérissable que le film de 1996. La violence du métrage, le malsain des situations et l’image finale dudit film sur un fond musical extraordinaire ne sont pas de la partie ici. Regarder la série ne la laissera pas indéfiniment dans notre entrepôt-mémoire… contrairement au film.

Cependant, il faut louer le travail des scénaristes concernant les personnages ainsi que la mythologie mise en place durant les trente épisodes de quarante-cinq minutes que composent la série… si l’on excepte la deuxième saison qui a été un véritable calvaire.

Parlant des thèmes comme la difficulté d’intégration, l’importance des liens familiaux ou encore du problème de la criminalité organisée, Une nuit en enfer n’est pas avare en possibilités de discussions. On peut même dire que le traitement en profondeur de l’histoire et des personnages permet quelques tergiversations qui peuvent être intéressantes à développer.

Les grands fans de vampires et les adeptes de la mythologie précolombienne trouveront sans doute leur compte dans le visionnage, tout comme les aficionados de Robert Rodriguez, réalisateur et créateur qui parvient tout de même à imposer sa patte à cette série. Mais pour être honnête, le visionnage n’est pas impératif et en rester uniquement au métrage de 1996 suffit largement. Mais si vous avez un peu de temps à disposition, pourquoi ne pas étaler le visionnage sur quelques jours histoire de ne pas sortir se tremper en cas de pluie.

Faire un stock de pieux en bois au cas où ; check !

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

Partagez cette page